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CETA , MERCOSUR ; L'AGROBUSINESS DES MULTINATIONALES !

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COMMERCE. QUAND L’UE ET LE MERCOSUR SIGNENT LE PILLAGE DE LA PLANÈTE
Lundi, 1 Juillet, 2019

L’accord conclu entre Bruxelles et les pays du cône sud-américain prévoit de faire sauter les taxes douanières, entraînant des désastres pour les filières agricoles et l’environnement. Il doit encore être ratifié par chaque parlement.

 

Les multinationales et autres investisseurs rêvaient depuis longtemps d’une zone commerciale gigantesque, « libre et non faussée ». L’Union européenne et le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) se proposent de la leur offrir sur un plateau en or avec une quasi-impunité fiscale, sociale et environnementale aux conséquences désastreuses dans ces domaines de part et d’autre de l’Atlantique. Après vingt ans de tractations et de marchandages pour savoir qui remportera le plus gros morceau de la bête, ces deux blocs de 777 millions d’habitants sont convenus, vendredi, de la création d’un accord de libre-échange qui pèsera pour près d’un quart du PIB mondial. « Accord commercial fait ! Un moment historique. Au milieu des tensions commerciales internationales, nous sommes en train d’envoyer un signal fort que nous appuyons le commerce basé sur des normes », a jubilé dans un tweet le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui entend quitter ses fonctions, en brandissant le texte tel un trophée de guerre.

« Tournant historique en faveur de l’ouverture économique »

C’est « une conquête » pour Buenos Aires, alors que le président de droite Mauricio Macri devra affronter une élection présidentielle à l’issue incertaine en raison de l’impopularité de ses réformes libérales et austères. « Tournant historique (…) en faveur de l’ouverture économique », s’est félicité le Brésil du président d’extrême droite, Jair Bolsonaro, qui offre, avec cet accord, du pain bénit à ses soutiens de l’agrobusiness et aux multinationales qui exploitent les territoires amazoniens.

Ces satisfactions ne parviennent pas à étouffer les salves de critiques qui ont accompagné cette nouvelle phase de libéralisation des échanges commerciaux. Car, l’accord UE-Mercosur, c’est une affaire de gros sous aux retombées sociales et économiques asymétriques en raison de la levée des taxes douanières et de l’ouverture de marchés, jusqu’alors réglementés. L’organisme sud-américain exigeait des impôts de l’ordre de 91 % sur les produits en provenance de l’Europe. En retour, cette dernière éliminera jusqu’à 92 % de ses taxes sur les importations en provenance du cône sud. Le deal conclu n’épargne aucun domaine, mais des secteurs clés sont particulièrement touchés. L’Europe pourrait à l’avenir exporter ses produits industriels, notamment de la filière automobile. Elle serait également avantagée en ce qui concerne l’importation de métaux rares pour les hautes technologies, faisant la part belle aux compagnies extractivistes, au détriment des normes environnementales. Elle sortirait également gagnante sur le terrain des marchés publics – infrastructures, télécommunications – des pays du Mercosur qui avaient jusqu’à présent mis leur veto à ces secteurs stratégiques pour leur propre économie. Les Latino-Américains, quant à eux, ont finalement remporté la palme des négociations en obtenant un feu vert – conditionné à des normes sanitaires et environnementales à la marge – leur permettant d’inonder les Vingt-Huit de produits agricoles et agro-industriels : bœuf, volaille, sucre, éthanol, jus d’orange, café instantané…

Depuis l’an 2000, le chapitre agricole a été la pierre d’achoppement des négociateurs au point de faire capoter la trentaine de rounds de pourparlers qui ont eu lieu. Il pourrait d’ailleurs constituer le principal obstacle à la mise en œuvre de l’accord, qui, pour voir le jour, devra encore être ratifié par l’ensemble des parlements des États membres, puis par le Parlement européen, ainsi que par les assemblées nationales des pays latino-américains concernés. Et pour cause, ces derniers constituent à eux seuls une puissance agricole à même de dévaster l’agriculture européenne. Selon l’accord conclu – aux vastes zones d’ombre –, le Mercosur aurait gagné de pouvoir exporter 99 000 tonnes de viande bovine avec des taxes douanières réduites à 7,5 %. Lors de précédentes tractations, les Latino-Américains exigeaient que ses exportations soient libres d’impôts, contre les 70 000 tonnes avancées par l’UE. Le compromis final n’en est pas un, et il risque d’affaiblir à mort une filière de la viande déjà très fragilisée, la Fédération nationale bovine estimant que la baisse du nombre d’élevages bovins a doublé depuis 2017. Pour rappel : le Mercosur exporte déjà près de 250 000 tonnes de bœuf vers l’Europe, soit 75 % des importations totales de l’UE. Le nouvel accord, dont tous les aboutissants ne sont pas connus, pourrait dévaster les éleveurs européens. De l’aveu du commissaire européen à l’Agriculture, Phil Hogan, l’UE a opéré des « concessions significatives », à même de poser, a-t-il dit, non sans euphémisme, « certains défis pour les agriculteurs européens » que « l’aide financière » d’un milliard d’euros « en cas de perturbation du marché » ne saurait pallier.

« 74 % des produits phytosanitaires au Brésil sont interdits en Europe »

La possible déferlante de produits agricoles et de l’agrobusiness a soulevé une vague de contestation en Europe. Cette « politique commerciale a deux poids et deux mesures » creuse le fossé « entre ce qui est demandé aux agriculteurs européens et ce qui est toléré des producteurs du Mercosur » quant aux normes sanitaires et environnementales, a protesté la Copa Cogeca, la puissante fédération qui regroupe les syndicats agricoles de l’UE. Même tonalité pour le principal syndicat allemand, le Deutscher Bauernverband, qui estime que « beaucoup d’exploitations agricoles familiales » seront en danger si l’accord est ratifié. En France, les réactions à charge n’ont pas manqué, des Jeunes Agriculteurs à la FNSA qui, par la voix de Christiane Lambert, ont fustigé « un coup dur pour l’agriculture ». « 74 % des produits phytosanitaires utilisés au Brésil sont interdits en Europe », a-t-elle alerté. C’est là l’autre préoccupation majeure qui avait déjà été soulevée par 340 ONG européennes et sud-américaines concernant l’impact environnemental.

Salve de critiques des syndicats agricoles et des partis politiques

« On ne peut pas promouvoir une agriculture durable et faire du climat une priorité, et importer sa viande de l’autre bout de la planète en favorisant un modèle agricole intensif responsable de 80 % de la destruction de la forêt amazonienne », a vivement réagi l’eurodéputé PS Éric Andrieu. Pour Esther Benbassa, d’Europe Écologie-les Verts, l’accord est « une catastrophe écologique », tandis que le secrétaire national du PCF, Fabien Roussel, a mis en garde contre « un projet qui va abîmer la planète, notre santé et l’agriculture française ». La France insoumise appelle à un rassemblement, mardi, devant le Parlement européen, pour dénoncer un « accord opaque » conclu « au cours de la vacance parlementaire et sans transmission de la moindre information aux députés sortants ».

Alors que l’eurodéputé LaREM Pascal Durand qualifie la signature du projet de « jour funeste », le président français Emmanuel Macron a évoqué un « bon » texte, tout en parlant de « vigilance » dans sa mise en œuvre. L’hôte de l’Élysée avait pourtant juré sur tous les tons qu’il n’y aurait pas de signature tant que Brasília ne confirmait pas son soutien à l’accord de Paris sur le climat, dont Jair Bolsonaro a menacé de se retirer. Avant de se coucher face aux pressions de ses partenaires européens. À l’issue du sommet du G20 à Osaka au Japon, le locataire du Planalto, climatosceptique par excellence et fossoyeur de l’Amazonie, a griffonné son accord de principe, les promesses n’engageant que ceux qui y croient.

L’UE et le Mercosur offrent un traité en or aux multinationales. L’Amazonie en sera l’une des victimes. Ici, une ferme de soja dans l’état du Para. Alberto Cesar-Greenpeace/HO/AP

L’ACCORD EUROPE-MERCOSUR RUINERAIT NOS ÉLEVEURS DE BOVINS
Mardi, 2 Juillet, 2019

Alors que la sécheresse se prolonge et accentue les dégâts causés par la canicule de ces derniers jours sur les pâturages, le ministre de l’Agriculture a publié hier un communiqué autorisant la fauche ou le pâturage des « jachères déclarées en tant que surfaces d’intérêts écologique (SIE) ». Mais le communiqué du ministère précise qu’il s’agit de faire face aux conséquences de la sécheresse prolongée de l’an dernier ! Pour peu que la même chose se produise cette année, ce n’est donc pas le moment de valider l’accord signé en fin de semaine dernière entre la Commission européenne et les pays du Mercosur porteur de distorsions de concurrence et qui inquiète tous les syndicats paysans en France.

 

 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, compte de l’actualité climatique de ces derniers jours, l’initiative annoncée hier par le ministre de l’Agriculture pour aider les éleveurs de 24 départements - dont 9 en Auvergne Rhône-Alpes et 9 en Occitanie- vise à parer aux conséquences de la « sécheresse de l’été et l’automne 2018 ». Car elle « s’est prolongée sur certains territoires jusqu’au printemps 2019 ». Le communiqué du ministère ajoute que « sans autoriser une dérogation générale à l’interdiction de fauche et de pâturage des jachères, la Commission européenne a confirmé au Ministère de l’agriculture et de l’alimentation qu’il était dans ce cas possible d’avoir recours, pour les éleveurs concernés, à la procédure relative aux cas de force majeure et circonstances exceptionnelles ». Puisque les éleveurs de ces régions ont manqué de fourrages en 2018, ils pourront, moyennant une déclaration officielle, faucher ou faire pâturer l’herbe destinée à la jachère cet été et dont le but était de favoriser la biodiversité.

S’agissant de la situation du monde paysan en ces premiers jours de juillet, le ministère affirme qu’il « suit avec attention les évolutions climatiques en France comme dans les autres États membres ainsi que les conséquences sur les disponibilités fourragères, afin que les mesures les plus adéquates soient prises au niveau européen pour accompagner les agriculteurs touchés par ce nouvel épisode de sécheresse ». Ce communiqué reconnaît en creux que la situation des éleveurs risque beaucoup de se compliquer dans les prochaines semaines, tandis que l’on vient d’apprendre la conclusion d’un accord de libre-échange entre les pays du Mercosur et la Commission européenne mandatée par les gouvernements des pays membres de l’Union, dont la France.

Aucune amélioration du revenu des éleveurs

Depuis le Japon où il participait au G20 d’Osaka, samedi dernier, Emmanuel Macron a déclaré : « Je l’ai toujours dit, un bon accord commercial est bon pour nos entreprises et nos emplois, et cet accord permettra d’ouvrir des marchés agricoles et industriels et de protéger nos indications géographiques. Cet accord à ce stade est bon », a ajouté le président de la République avant de partir pour Bruxelles où il fut ensuite impossible de trouver un accord sur la présidence de la nouvelle Commission et les autres postes clés (1).

Devant ce déni de réalité, la Fédération Nationale Bovine (FNB) de la FNSEA relevait hier dans un communiqué : « Un mois tout juste après les élections européennes, la Commission européenne vient de conclure un accord de libre-échange avec le Mercosur. Dans le même temps, en France, alors qu’aucune amélioration du revenu des éleveurs n’a encore été rendue possible par les États Généraux de l’alimentation, le gouvernement demande une ratification express, au mois de juillet du CETA par l’Assemblée Nationale… ».

Le CETA est l’accord signé précédemment entre l’Union européenne et le Canada. Il permet à ce pays d’exporter en Europe 65 000 tonnes par an de viande de bovins engraissés en utilisant des « farines animales », lesquelles sont interdites en Europe depuis 18 ans, suite à la maladie de la vache folle. La FNB ajoute que l’accord avec le Mercosur prévoit l’ouverture du marché européen à 99 000 tonnes annuelles de viande bovine des pays du Mercosur « dont les systèmes de production sont largement responsables de la déforestation et n’apportent aucune garantie sérieuse sur le plan sanitaire, et que la Commission se réjouit aujourd’hui d’annoncer ».

Président de la FNB et éleveur en Auvergne, Bruno Dufayet estime que « cette accumulation de mauvaises décisions ou marques de mépris pour les éleveurs de bovins à viande et le modèle de production vertueux qu’ils s’efforcent de préserver en France à assez duré. Un point de rupture a été atteint. Notre exaspération et notre colère, nous allons dans les prochaines semaines et les prochains mois fortement les exprimer », prévient-il

Ce mardi matin, alors qu’elle venait de rencontrer le ministre de l’Agriculture à la tête d’une importante délégation du « Conseil agricole » dans le cadre d’une réunion prévue de longue date sur d’autres sujets, Christiane Lambert a également dénoncé ce projet d’accord qui ferait entrer en Europe 160 000 tonnes de viande bovine par an à tarif douanier réduit au lieu de 60 000 tonnes précédemment, mais aussi 35 % des filets de volailles prédécoupés consommés dans les pays membres de l’Union ainsi que 450 000 tonnes d’éthanol et 100 000 tonnes de sucre. La présidente de la FNSEA a ajouté que « 80 % des pesticides dont l’emploi est autorisé sur les terres agricoles d’un pays comme le Brésil sont interdits en Europe, ce qui, au-delà du fait qu’ils créent une distorsion de concurrence, peut être dangereux pour la santé ».

Les députés voteront la ratification du CETA le 17 juillet prochain ?

Dans un communiqué publié hier, la Confédération paysanne appelle les parlementaires européens « à s’engager à ne pas ratifier l’accord de libre-échange conclu ce week-end à Bruxelles entre l’Union européenne et les pays du Mercosur ». Relevant que Cecilia Malsmström, la commissaire chargée du commerce, « avait déclaré que les nouveaux accords de l’UE devaient assurer un développement durable », la Confédération Paysanne interroge : « Qu’y a-t-il de « durable » à mettre en péril nos élevages paysans, majoritairement nourris à l’herbe, en abaissant les droits de douane sur l’importation de 99 000 tonnes de viande bovine issue d’animaux entassés dans des feedlots, gavés au soja OGM et aux antibiotiques ? ».

De son côté, la Coordination rurale se dit « scandalisée de voir que l’agriculture est encore considérée comme la variable d’ajustement, à sacrifier au profit d’autres secteurs, alors que les défis alimentaires qui attendent l’Europe sont nombreux ». Ce syndicat paysan plaide pour « exception agri-culturelle, placée sous l’égide de l’ONU », afin de permettre de sortir l’agriculture d’accords de libre-échange destructeurs ».

Dans ce contexte aggravé par un début d’été caniculaire et sec, une majorité de députés osera-t-elle ratifier le CETA par un vote du Parlement prévu le 17 juillet prochain et celui du Mercosur quelques mois plus tard ?

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