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L'HERITAGE GAULLISTE :

2020 est une année symbole des Anniversaire(s) de la naissance (1890), de la mort (1970) de Charles de Gaulle et de l’Appel du 18 juin (1940). L’occasion pour les communistes de tirer un bilan de ce qu’est, 50 ans après, l’héritage gaulliste dans la France de 2020 et, ce, alors que les hagiographies, de l’édition au cinéma, font florès.

 

Un regard franchement communiste sur l’héritage gaulliste

Quand Charles de Gaulle décéda brusquement le 9 novembre 1970, René Andrieu, dirigeant communiste et ancien résistant F.T.P.F., écrivit sobrement ceci dans l’éditorial qui devait paraître dans l’Humanité du lendemain : « L’héritage du général de Gaulle n’est pas le nôtre », mais il n’en était pas moins « un grand homme d’État, le plus grand sans doute qui soit sorti des rangs de la bourgeoisie française à notre époque ». Telle est, à rebours de tout manichéisme, la complexité dialectique du jugement que portent les communistes sur l’héritage  du chef de la France libre, devenu tout à la fois, en mai 1958, le président autocrate de la Ve République… et la « bête noire » de Washington et de certains milieux oligarchiques de l’Hexagone !

 

Grandeur et servitude du patriotisme bourgeois

Charles de Gaulle, c’était en effet l’officier épris d’une « certaine idée de la France » qui, en juin 1940, avait su braver sa classe, la grande bourgeoisie massivement ralliée à Pétain, pour appeler les Français encore sous les drapeaux à poursuivre le combat coûte que coûte : ce fut le célèbre appel du 18 juin 1940 sous le chef duquel l’officier rebelle fut bientôt, par contumace, condamné à mort par Vichy. Mais de Gaulle, c’était aussi le grand bourgeois de droite qui, devenu président du Conseil à la Libération, tenta d’entraver la mise en œuvre du programme social du C.N.R. et qui démissionna soudainement pour ne pas avoir à contresigner le paquet de réformes progressistes portées par ses ministres communistes Thorez, Paul, Croizat, Billoux et Casanova : au centre desdites réformes figurait notamment la toute nouvelle Sécurité sociale inspirée du principe communiste « De chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins ». Ramené au pouvoir en 1958 par le premier putsch d’Alger qu’avait lâchement couvert, sinon approuvé, la S.F.I.O., le général eut ensuite le réalisme d’accepter bon gré mal gré la marche à l’indépendance du peuple algérien, ce qui lui valut d’essuyer deux attentats diligentés par les ultra-colonialistes de l’O.A.S. ; de même, faute de pouvoir stopper l’inéluctable décomposition de l’Empire français, le général-président sut faire droit, formellement, aux indépendances africaines tout en faisant le nécessaire, avec l’aide du ténébreux Jacques Foccart, pour favoriser le néocolonialisme sulfureux et souvent sanglant de ce qui allait devenir la « Françafrique ». Installé au pouvoir avec l’aide du « socialiste » Guy Mollet, de Gaulle fit voter une constitution très autoritaire, instituant le pouvoir personnel du chef de l’État. Constamment, il ignora le Sénat et, avec la collusion des députés « godillots » de l’U.N.R., il réduisit l’Assemblée nationale au rôle de figurant. Son gouvernement marginalisa la C.G.T. (jusqu’à ce que l’énorme grève ouvrière de mai-juin 1968 eût obligé Pompidou, alors premier ministre et homme-lige des milieux d’affaires, à faire montre de plus de réalisme). En outre, le pouvoir verrouilla à triple tour la radiotélévision d’Etat et réprima brutalement le Parti Communiste à l’aide de hauts fonctionnaires sanglants issus de Vichy comme le préfet de police Maurice Papon (on se souvient des neuf militants communistes tués par la police au métro Charonne à l’issue d’une manifestation pacifique pour la paix en Algérie, et aussi des centaines d’Algériens assassinés par la police à l’issue d’une manifestation du F.L.N. en octobre 1961). Bref, la Cinquième « République » était – et est d’ailleurs de plus en plus – un régime autoritaire étroitement ajusté aux besoins de gouvernance de ce « capitalisme monopoliste d’État » encore principalement hexagonal que décrivaient alors justement les économistes marxistes du P.C.F. : au nom de la « grandeur » française, l’État gaulliste réprimait les grèves, par exemple celles des mineurs du Nord en 1962, mais il subventionnait fort généreusement la concentration capitaliste à l’échelle nationale (les Rhône-Poulenc, Péchiney-Ugine-Kuhlmann, ParibasSaint-Gobain-Pont-à-Mousson et autre BSN-Gervais-Danone, le jeu de Monopoly orchestré par l’État et les grandes banques était incessant…) pour ce faire, il prenait appui sur les nationalisations d’après-guerre qu’avaient mises en place, dans un tout autre esprit faut-il le dire, les anciens ministres communistes Maurice Thorez, François Billoux et Marcel Paul (nationalisation des mines, des industries électriques et gazières, de l’armement, de la production aéronautique, de Renault…).

 

Une politique étrangère audacieuse et non alignée

Dans le même temps, De Gaulle refusait, non sans quelque panache, l’étouffante mainmise nord-américaine sur le monde occidental de l’après-guerre ; le Général retirait la France du commandement intégré de l’OTAN (1966) et expulsait du sol français les troupes nord-américaines stationnées chez nous depuis 1945 : déjà, sous l’Occupation, l’homme du 18 Juin avait pu mesurer l’hypocrisie extrême du « soutien » anglo-saxon à la France et notamment, la volonté des Américains et de Churchill à remplacer une occupation par une autre à la fin de la guerre1 ; privilégiant l’amitié avec le monde arabe, il condamnait durement l’expansionnisme israélien lors de la Guerre des Six Jours (1966). Franchissant à l’occasion les frontières de la Guerre froide, le Général reconnaissait la Chine populaire, faisait un voyage triomphal en U.R.S.S. et vantait le non-alignement au Cambodge (Discours de Phnom Penh) au grand dam des présidents américains successivement enlisés au Vietnam. Péché suprême, le président français se rendait à Montréal pour y encourager le souverainisme québécois face au rouleau compresseur anglophone. Il prenait ainsi le risque de provoquer les bien-pensants du monde entier que scandalisait son « vive le Québec libre ! » prononcé aux côtés de l’indépendantiste franco-canadien Jean Drapeau. En Europe, après avoir rêvé d’un condominium européen franco-allemand avec Adenauer, de Gaulle finissait par s’opposer au glissement, encouragé par les U.S.A., vers l’Europe supranationale ; il traitait même de « cabris sautant sur leur chaise en criant « l’Europe, l’Europe, l’Europe ! » les euro-béats du parti atlantiste (le M.R.P. clérical de Jean Lecanuet et la S.F.I.O.). Il inventa la « politique de la chaise vide » en boycottant les réunions de Bruxelles et refusa même, non sans une grande perspicacité historique, l’entrée de l’Angleterre (et avec elle, celle du Commonwealth tout entier !) dans le Marché commun. Sur le plan de la finance planétaire, la France gaulliste faisait obstacle à l’instauration d’un libre-échangisme mondial souhaité par Washington : elle refusait notamment que le dollar, déconnecté de l’étalon-or, devînt la monnaie mondiale de référence.

À l’époque, tout en combattant la politique antidémocratique et antisociale (cf ci-dessous) du Général, le P.C.F. – alors dirigé par Waldeck Rochet, Jacques Duclos, Etienne Fajon, Benoît Frachon, etc. – avait honnêtement et publiquement exprimé son accord avec « certains aspects positifs de la politique étrangère gaulliste » dans la mesure où elle ouvrait objectivement, un espace à la détente Est-Ouest et au droit des « peuples à disposer d’eux-mêmes ». Déjà, dans les années 1950, les mobilisations parallèles, sinon conjointes, du P.C.F. et des gaullistes du R.P.F., pourtant farouchement anticommunistes, avaient fait capoter le projet germano-atlantique d’une « Communauté européenne de défense » (C.E.D.) : celle-ci visait en effet à diluer l’armée française dans un conglomérat militaire euro-atlantique destiné à recycler le militarisme allemand sous l’égide de l’O.T.A.N. en vue de préparer une croisade nucléaire contre l’U.R.S.S. : cette « Russie soviétique », dont de Gaulle avait reconnu en 1944, lors de la signature à Moscou, en présence de Staline, du premier Traité d’assistance mutuelle franco-soviétique, qu’elle avait « joué le rôle principal dans la libération de la France ». Souvenons-nous aussi qu’en 1943, à une époque où Roosevelt et Churchill s’apprêtaient à débarquer de Gaulle, jugé trop indocile, pour lui substituer l’ultraréactionnaire général Giraud (le but étant d’exclure la France du camp des vainqueurs en 1945 et d’installer chez nous une administration américaine après la défaite du Reich), le P.C.F. avait clandestinement dépêché à Londres Fernand Grenier pour apporter le soutien du parti communiste combattant à l’homme du 18 juin : avec des motivations de classes fort différentes, le P.C.F. et de Gaulle convergeaient objectivement sur le plan tactique ; en fait, ils s’appuyaient mutuellement pour éviter qu’à la Libération, la France ne devînt une colonie directe des États-Unis. C’est encore avec De Gaulle, et avec son émissaire, l’héroïque Jean Moulin, que par la suite, et dans la foulée du Front national pour l’indépendance et la liberté de la France créé par le P.C.F. pour unir tous les patriotes résistants, devait se constituer le Conseil National de la . Celui-ci permettra la convergence politique de la France libre, sise principalement à Londres et à Alger, et de la Résistance armée intérieure que portaient principalement les F.T.P.F., placés sous la direction politique du Front national de lutte pour l’indépendance et la liberté de la France, et les F.T.P.-M.O.I., directement placés sous la direction du Parti communiste clandestin.

Bien entendu, tout cela fut loin de ressembler à une idylle. Entre de Gaulle et les communistes, entre le patriotisme bourgeois néo-impérial de l’officier de carrière et le patriotisme populaire s’ouvrant à l’internationalisme prolétarien des seconds, il s’agissait moins d’un mariage d’amour que d’un inéluctable et épisodique compagnonnage de raison. Le P.C.F. devinait sans trop de mal que le Général ne lui ferait aucun cadeau à la Libération et de Gaulle n’acceptait le compagnonnage du P.C.F. que parce que ce dernier était de très loin la première force de la Résistance intérieure armée ; par ailleurs, le Général avait besoin de prendre appui sur l’U.R.S.S. pour tenir tête aux Anglo-Saxons, ces étranges « alliés » qui ne prendront même pas la peine d’avertir le Général du Débarquement du 6 juin 1944. On sait par ailleurs que la Résistance des Maquis eut plus que sujet de se plaindre de la méfiance, parfois irresponsable, de certains secteurs de la France libre à son égard (on pense au tragique épisode des Maquisards du Vercors, qui furent laissés désarmés face à la traque allemande). On sait aussi que les F.F.I. parisiens, que commandait le communiste Henri Rol-Tanguy, durent batailler ferme au sein du C.N.R., par l’entremise de leur camarade Pierre Villon, pour que fût annulée la « trêve » unilatéralement décrétée par les délégués gaullistes au risque de briser l’insurrection parisienne (qu’ils redoutaient pour des raisons de classe !) : bref, au cœur même du compromis historique positif que fut le C.N.R., la lutte de classes ne cessa pas une seconde. Du moins l’avenir d’une France indépendante était-il préservé : chacune à sa manière, et sans jamais renoncer à ses objectifs sociopolitiques propres, les deux ailes principales, communiste et gaulliste, de la Résistance « aimaient la Belle, prisonnière des soldats », comme l’écrivait alors Aragon (La Rose et le Réséda), chacune aspirait à rétablir l’indépendance de la France, à faire en sorte que ses représentants officiels assistassent à la reddition de l’Allemagne, chacune voulait que les contradictions de classes présentes et à venir se réglassent entre Français au lieu d’être arbitrées par l’impérialisme anglo-saxon transformant la libération du pays en néo-colonisation, ce que prévoyait ouvertement le plan américain de l’A.M.G.O.T… Jamais le P.C.F. d’alors n’a donc proposé une « union sacrée » effaçant les antagonismes sociaux, comme l’avait illusoirement fait la S.F.I.O. en 1914 sans rien obtenir en contrepartie qu’une immonde boucherie infligée aux prolétaires. Et jamais le camp gaulliste, que dominait la droite patriote, n’a conçu le C.N.R. autrement que comme une phase transitoire qui permettrait le jour venu aux gaullistes de mener sans compromis leur propre politique… en ignorant autant que possible les avancées sociales majeures promises par le programme Les Jours heureux. C’est si vrai que, dès la mise en place du gouvernement à participation communiste présidé par de Gaulle, les tensions apparurent entre les communistes, qui voulaient appliquer exhaustivement le programme social du C.N.R. et qui penchaient pour une Constitution démocratique, et ceux qui, comme le Général, voulaient appliquer le programme a minima et rêvaient déjà d’un régime présidentiel ; ou qui, comme les ministres issus du parti socialiste S.F.I.O., voyaient d’un mauvais œil cette Sécu qui remboursait les soins à 100%, marginalisant du même coup les « mutuelles » mises en place par la social-démocratie politico-syndicale.

 

Le gaullisme entre développement national et répression du mouvement populaire

Sur le plan intérieur, tout en édictant des ordonnances gravement rétrogrades sur la Sécurité sociale, le pouvoir gaulliste – sous de Gaulle mais aussi sous Pompidou – a puissamment développé l’industrie française et les infrastructures du pays. Il prenait moins appui pour cela sur la « loi du marché » chère aux néolibéraux actuels, que sur le Commissariat au Plan, sur le Ministère de l’Équipement et sur le dynamisme des sociétés nationalisées (E.D.F., P.T.T., S.N.C.F…) ; le gouvernement gaulliste a également innové en créant un Ministère de la culture confié à l’écrivain André Malraux, ce qui constituait une première dans le monde occidental. En revanche, sur le terrain social et institutionnel, le régime gaulliste s’avéra franchement régressif : salaires piteux des ouvriers de l’industrie, ordonnances sabrant la Sécurité sociale, « plan de stabilité » giscardien instituant une police des salaires, réforme réactionnaire de l’Education nationale (Fouché), loi Debré subventionnant l’école confessionnelle, sans parler de la répression sanglante des militants communistes militant pour la paix en Algérie ou du massacre de centaines d’Algériens résidant à Paris et manifestant à l’appel du F.L.N.. Sur le plan militaire, le Général, adepte de toujours de l’ « Armée de métier », laissa péricliter l’armée de conscription – qui l’avait pourtant sauvé en 1962, quand les appelés du contingent, conseillés par les appelés communistes, refusèrent d’obéir aux putschistes d’Alger qui refusaient l’indépendance et qui menaçaient de fusiller De Gaulle pour haute trahison ! En revanche, le Général décida d’ériger une force de frappe nucléaire orientée « tous azimuts », ce qui ne pouvait plaire aux Américains même si la France restait membre des instances politiques de l’Alliance atlantique.

 

 

Le gaullisme : souvenir globalement positif dans la mémoire populaire, usurpation et contrefaçon du côté des « élites »

Qu’en est-il aujourd’hui du gaullisme ? Globalement, comme toutes les études d’opinion l’attestent, de Gaulle reste la figure historique la plus appréciée des Français, toutes catégories confondues : nos compatriotes ont largement oublié l’orientation droitière, autocratique et antisociale des années 1960 et ils plébiscitent surtout l’Homme du 18 juin, les Accords d’Évian qui mirent fin à la guerre d’Algérie et surtout, une période où, après la terrible humiliation de 1940 et l’abaissement atlantique des années 1950, notre pays semblait retrouver la stabilité et la dignité nationale après dix ans de vassalité atlantique, la capacité de dire m…. à l’Oncle Sam, où l’industrie française fortement concentrée était relativement florissante, fût-ce à l’avantage presque exclusif de la « France d’en haut ». Cet attachement sentimental, plus « culturel » que politique, au gaullisme dans les larges masses contraste fortement avec l’orientation massivement antipatriotique des « élites » maastrichtiennes, que ce soient celles qui gravitent autour de l’anglomane déchaîné Macron, de son ami « Sarko l’Américain » (comme il aimait se faire appeler) ou du social-atlantiste flamboyant Hollande i! En réalité, s’il y a encore place en France pour un gaullisme populaire, plus « idéologique » que proprement « politique » – un gaullisme que des marxistes sérieux, désireux de construire un large Front patriotique et populaire, seraient bien sots d’ignorer – , le gaullisme bourgeois, en tant que « moment hégémonique » de la domination capitaliste, est irréversiblement derrière nous. En effet, l’ « offre » politique gaulliste ne pouvait intéresser la grande bourgeoisie – laquelle n’a jamais soutenu le gaullisme que dans la mesure où cette aspiration à la « grandeur française » paraissait compatible avec le profit capitaliste – qu’à une époque désormais révolue où…

  • d’une part, il fallait bien « maintenir deux fers au feu » selon que la fortune des armes favoriserait la l’Allemagne hitlérienne (option vichyste) ou qu’au contraire, la victoire sourirait aux Alliés (option « Londres ») : dès l’annonce de la victoire de Stalingrad (2 février 1943), on vit ainsi de jeunes bourgeois récemment décorés de la francisque, François Mitterrand en tête, partir fort opportunément pour Londres…
  • d’autre part (années 1958/1970), les fusions financières et industrielles survenant au sein du capital monopoliste « français » pouvaient encore s’effectuer dans un cadre territorial hexagonal et sous la houlette d’un Etat-providence (pour les riches !) solidement campé à l’intérieur des frontières nationales ; or ce temps est révolu : désormais, c’est avec le japonais Nissan que fusionne Renault, avec l’Italo-Américain Chrysler-Fiat que convole Peugeot, à l’Italien Fincantiéri que s’abandonnent les ex-Chantiers de l’AtlantiqueAlsthom, qui fabrique le T.G.V. financé par tous les Français, est découpé entre Siemens (R.F.A.) et General Electrics (U.S.A.), et tout à l’avenant… Épouvantée par la grève de masse de Mai-juin 1968 et par la menace existentielle que faisait peser sur elle le prolétariat rouge français, héritier via le P.C.F. des frondes paysannes d’Ancien Régime, des Sans Culottes, de la Commune, du Front populaire, de l’insurrection parisienne de 1944 conduite par Rol-Tanguy, la grande bourgeoisie française a subrepticement et majoritairement décidé de « plier les gaules ». Plus seulement celles de l’indépendance nationale, mais celles de l’existence nationale de la France en tant qu’Etat indépendant susceptible de « mettre le monde du travail au centre de la vie nationale », comme le spécifiait le programme du C.N.R.. Dès le début des années 1970, les Giscard, Pompidou et Cie, négociaient avec Berlin une nouvelle répartition capitaliste internationale du travail ; ce partage concerté des rôles abandonnait à la R.F.A. (où le Parti communiste était interdit et les marxistes berufsverboten – interdits de profession ! -, les syndicats verrouillés par le SPD anticommuniste et l’O.T.A.N. toute-puissante) la grande industrie – et spécialement, elle livrait à Berlin la machine-outil, cette mère de l’industrie qui formait précisément l’un des cœurs de métier des ouvriers et techniciens « rouges » de Renault-Billancourt ; la France bourgeoise se réserverait la haute banque, le tourisme haut de gamme et la logistique européenne (transports : autoroutes, T.G.V., grands aéroports…). Était ainsi programmée, en même temps que l’accélération de la « construction » européenne et que le retour progressif de la France dans le commandement intégré de l’O.T.A.N., l’atrophie très politique du « produire en France » industriel et agricole ; et avec elle, le déclin quantitatif et la mise au pas politico-syndicale du prolétariat rouge de France (de 6 millions de métallos français en 1968, on est passé à moins de 400 000, la sidérurgie, les mines et le textile ont quasi disparu), la privatisation du secteur public et nationalisé (Renault, E.G.F., S.N.C.F., France-Télécom…). Tout cela s’opéra sur fond de traités européens supranationaux et néolibéraux prescrivant la fin des « monopoles publics » (mais pas des oligopoles privés, qui profitent des privatisations d’autoroutes et d’aéroports, en attendant celle de la Sécu et des retraites : pourquoi se fatiguer à produire quand l’argent des rentes de situation rentre à flot?), l’ « économie de marché ouverte sur le monde » du Traité de Maëstricht (les délocalisations sont l’arme absolue contre les revendications salariales !), avec une politique agricole européenne qui n’a eu de cesse, avec l’aval de la F.N.S.E.A., de liquider la petite paysannerie – dont une bonne partie votait, historiquement, rouge et « anticlérical » (Sud-ouest, Alpes-Maritimes, Limousin, etc.).
  • Nation, classe ouvrière et socialisme

    Dans ces conditions, l’indépendance nationale – et son complément naturel, l’existence d’une politique étrangère non alignée – ne peuvent plus être défendus avec esprit de conséquence que par le monde du travail, ultime bastion de la construction nationale et du droit universel des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est ce qu’avaient déjà expliqué en leur temps, Georges Politzer s’agissant de la France, ou Georges Dimitrov s’exprimant au nom de l’Internationale communiste. Concernant la France, cela signifie que la bourgeoisie capitaliste a épuisé sa mission historique, initiée avec l’alliance des Jurées Communes du Moyen Âge avec le roi Philippe-Auguste, de bâtisseuse de l’Etat national (capétien d’abord, puis républicain) et des avancées de civilisation (« humanisme » renaissant, « lumières », école publique, modernisation des infrastructures, construction d’une culture nationale-populaire…). En 1945, un compromis historique positif était encore pensable aux échelles internationale (Alliance entre l’U.R.S.S. et les Occidentaux contre Hitler) et nationale (ce « compromis gaullistes/communistes » de 1943 que fustigeait dès novembre 2007 Denis Kessler, alors n°2 du MEDEF). Dans les conditions actuelles, où le grand capital « français » a un intérêt de classe majeur à dissoudre ce qui reste de la nation dans l’ « Europe fédérale », où l’impérialisme français se fait selon les cas le « brillant second » ou le terne supplétif de l’impérialisme euro-atlantique face à la Chine, à la Russie ou à l’Iran (même si l’impérialisme français, qu’il ne faut jamais confondre avec le peuple français, a encore de tristes restes prédateurs propres en Afrique ou au Proche-Orient…), où Macron envisage froidement de remettre à l’U.E. – en réalité, à Berlin – le siège français au Conseil de sécurité de l’O.N.U., il revient plus que jamais au monde du travail d’unir le drapeau rouge au drapeau tricolore, l’Internationale à la Marseillaise ; le but stratégique serait de remettre les travailleurs au cœur de la vie nationale et internationale en proposant un « Frexit » qui, dans les conditions françaises, ne saurait être que progressiste, antifasciste, internationaliste et anti-impérialiste ; l’enjeu étant d’associer progrès social, indépendance nationale, démocratie populaire nouvelle et coopérations internationales égalitaires pour rouvrir à notre peuple la seule voie qui puisse sauver et reconstruire la nation : celle du pouvoir du peuple travailleur et du socialisme pour notre pays.

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