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CASSE ORGANISEE D'UN SERVICE PUBLIC :

1849 – 2023: Timbre rouge c’est terminé , distribution du courrier urgent J+1 terminé ...

Un service plus cher, un service dégradé , des emplois menacés …

Disparition du TIMBRE ROUGE  : postiers et usagers trinquent

Alors que la direction de La Poste a annoncé la dématérialisation de cette vignette, sous couvert de mieux répondre aux besoins des usagers, les syndicats alertent sur cette numérisation forcée et les restructurations à venir.

Le jeudi 4 Août 2022

Par Cécile Rousseau

La fin d’une époque. Le 21 juillet, l’annonce par La Poste de la suppression du timbre rouge a suscité l’émotion. Né en 1849, il était utilisé pour les lettres prioritaires depuis 1969. À partir du 1er janvier 2023, il laissera la place à une e-lettre dématérialisée, envoyée depuis laposte.fr jusqu’à 20 heures, puis imprimée dans la plateforme de tri et distribuée le lendemain sous forme d’enveloppe ornée d’un dessin de timbre rouge. Cette révolution, qui permettra, selon La Poste de « mieux répondre aux nouveaux usages des clients », devrait surtout engendrer 110 à 130 millions d’euros d’économie et acter la généralisation de la distribution des missives à J + 3. Mais d’autres zones d’ombre persistent.

Une disparition orchestrée

Selon La Poste, « les ménages envoyaient 45 lettres prioritaires par an en 2010 », contre « seulement cinq en 2021 ». Si la chute globale du courrier n’est pas contestée (– 60% entre 2008 et 2021), en lien notamment avec la numérisation des échanges, elle ne suffit pas à expliquer cette désaffection brutale pour le timbre rouge. L’entreprise met en avant le fait que la lettre verte (transmission à J + 2) est « plébiscitée » par les usagers. Dans les faits, le timbre rouge n’était plus vendu dans de nombreux endroits, bureaux de poste ou de tabac et automates, depuis un bon moment. « On l’a supprimé de manière drastique, dénonce Eddy Talbot de la fédération SUD PTT . C’est pour cela qu’il y a une baisse globale du trafic urgent : il s’est reporté vers le timbre vert. C’est une politique volontariste et concertée. Les buralistes avaient un pourcentage supplémentaire s’ils privilégiaient la vente du timbre vert. Sans compter que les tarifs du timbre rouge n’ont cessé d’augmenter. » Pour Romain Boillon, de la FAPT CGT, la chute de trafic devrait encore s’aggraver : « La société va de plus en plus vite, mais on ralentit volontairement le courrier. Plus l’acheminement va être long, plus les gens vont s’en détourner ! »

Un manque d’accessibilité

Sous le prétexte d’une offre renforcée, avec la e-lettre rouge à 1,49 euro (contre 1,43 euro le timbre rouge classique), la lettre verte transmise à J + 3 (contre une transmission à J + 2 aujourd’hui) et la création d’une lettre turquoise pour des envois suivis à J + 2 à partir de 2,95 euros, les usagers seront incités à mettre la main au porte-monnaie pour voir leur courrier arriver plus rapidement. Le timbre gris, le moins onéreux (1,14 euro), disparaît, lui, complètement. «  Tout cela va coûter plus cher aux foyers », observe Frédéric Barrat, secrétaire national adjoint CFTC, en charge de la branche courrier.

Cette lettre dématérialisée pose aussi une question d’accessibilité. Arnaud Jardin, responsable mobilisation citoyenne chez Emmaüs Connect, a tenté de souscrire à cette fameuse e-lettre en ligne. « Il y a 18 pages avant de valider son panier, on nous demande de créer un compte… En cas de difficulté, on ne propose pas de venir au bureau de poste. Ce tout-numérique est inacceptable, il n’y a pas de plan B. Cette e-lettre dénote un aveuglement sur la fracture numérique en France, qui concerne 14 millions de personnes. Ils vont devenir des sous-citoyens, coupés d’un service de courrier urgent. 12 % des Français n’ont pas d’ordinateur ni de tablette. Ce timbre est un élément constitutif de notre vie citoyenne. Sans une plus grande accessibilité de l’ensemble des services publics, on va droit dans le mur. » Pour garantir le maintien du service universel postal, la société anonyme à capitaux publics a pourtant reçu en 2021 une dotation budgétaire de 500 à 520 millions d’euros de la part de l’État, son actionnaire majoritaire (en propre et via la Caisse des dépôts.)

Une volonté écologique à deux vitesses

« Un bilan énergétique très lourd. » La Poste explique que le timbre rouge se traduit par des trajets en avion et en camion pour peu de marchandises, prenant l’exemple de la liaison Dijon-Rennes avec un véhicule qui parcourt 600 kilomètres chaque nuit pour seulement 500 lettres. D’ici à 2030, avec la e-lettre et la lettre verte à J + 3, le groupe pourrait économiser 60 000 tonnes de CO2, soit une réduction de 25 % par rapport aux offres actuelles, via la fin du transport aérien, du remplissage des camions et l’impression en plateforme de tri de ces fameuses e-lettres.

Pour la CGT, c’est au contraire le schéma « tout routier » qui se retrouve conforté. Le syndicat déplore l’absence de développement de l’acheminement ferroviaire depuis la suppression des TVG postaux. « On peut faire un Paris-Bordeaux en moins de trois heures en train, précise Romain Boillon, mais La Poste ne veut pas en entendre parler. Elle dit que c’est trop cher. Sans compter que les multiples réorganisations dans les plateformes de courrier et les restructurations des bureaux de poste ont éloigné les postiers de leur lieu de travail. Quant au courrier, il continue de faire des circuits pas possibles sur route avant d’être acheminé. »

Si les véhicules jaunes siglés sont massivement devenus électriques, des aberrations écologiques demeurent. « Il y a une explosion des gaz à effet de serre avec la hausse du trafic de colis et il est beaucoup plus compliqué de contrôler ces émissions vu la généralisation de la sous-traitance dans le secteur, pointe Hugo Reis, élu SUD PTT au conseil d’administration. La société n’arrête pas non plus de réaliser des acquisitions d’entreprises de colis, notamment au Moyen-Orient. La position de La Poste sur l’écologie, c’est avant tout : “Je pollue et je paie.” Elle mise sur la compensation carbone. » Un autre exemple vient quelque peu contredire le discours du groupe. La plateforme logistique de Bonneuil-sur-Marne (Val-de-Marne), ouverte en 2015, devrait fermer début 2023. Présentée comme une vitrine verte car censée être raccordée au train ainsi qu’au trafic fluvial pour acheminer le courrier, elle baisse le rideau sans avoir accompli ce volet écologique.

Une casse sociale en perspective

Alors que La Poste a perdu 12 000 emplois en 2021, de nouvelles réorganisations sont attendues dans toute la chaîne avec la fin du timbre rouge et la distribution du courrier à J + 3. La disparition des lignes aériennes Paris-Marseille, Paris-Montpellier et Paris-Toulouse va certes permettre de réduire la consommation de kérosène, mais aussi de tailler dans les effectifs. Selon la CGT, au Roissy Hub, centre de tri international, 110 emplois de nuit vont ainsi être supprimés. « Ceux qui ne feront plus les nuits seront payés 250 euros de moins, précise Sébastien Chaigneau, animateur FAPT CGT à la maison mère de La Poste. Pour les autres, ça sera un transfert sur un autre site, loin de chez eux. »

Dans toutes les plateformes industrielles de courrier (PIC), les membres du personnel opérant en nocturne sont plongés dans l’incertitude. « Cela va encore plus dégrader les conditions de travail, sachant que deux PIC, celles de Caen (Calvados) et de Valence (Drôme) vont fermer, dénonce Sébastien Chaigneau. Il y a beaucoup de gens qui finissent en inaptitude ou demandent des ruptures conventionnelles. C’est la cacophonie complète. Cela fait trois ans qu’il n’y a quasiment plus d’embauches de nuit. De plus en plus d’intérimaires se retrouvent à faire le travail. » Si La Poste garantit, en théorie, la distribution six jours sur sept, avec la généralisation du J + 3, le passage quotidien du facteur n’est plus assuré. La distribution pilotée, soit la distribution du courrier en même temps que celle d’un colis, pourrait s’étendre : en cas de non-réception de colis, les lettres resteraient ainsi à végéter trois jours dans le centre de distribution. De quoi susciter des inquiétudes sur le maintien des tournées (certaines pourraient être supprimées, d’autres élargies) et la pérennité des emplois de facteurs. Pour Frédéric Barrat, « t out cela est mené sans prendre en compte la philosophie du facteur. Certains d’entre eux sont encore fonctionnaires. Il ne faut pas perdre de vue que les postiers qui sont là depuis vingt ou trente ans ont déjà subi des restructurations et ne vont pas s’y retrouver. » Le 6 septembre, une réunion entre la direction et les organisations syndicales permettra d’y voir plus clair sur les conséquences sociales. 

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