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LE RUISSELLEMENT SELON MACRON ?

Nouveau rapport d'Oxfam et du Basic sur le partage des richesses au sein des grandes entreprises françaises
LUNDI, 14 MAI, 2018
HUMANITE.FR

Profits record du CAC40 : plus des deux tiers des bénéfices ont été reversés aux actionnaires depuis 2009. 

Oxfam France et le BASIC (Bureau d'Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne) publient une étude inédite sur le partage de la richesse au sein des entreprises du CAC40 depuis 2009. Dividendes record, écart des salaires et évasion fiscale, met en lumière une tendance lourde dans les choix économiques de ces grandes entreprises qui contribuent à alimenter la spirale des inégalités.

  • Depuis 2009,  les entreprises du CAC 40 ont reversé plus de deux tiers de leurs bénéfices à leurs actionnaires sous forme de dividendes, ne laissant que 27,3 % au réinvestissement et 5,3 % aux salariés. La France est ainsi le pays au monde où les entreprises cotées en bourse reversent la plus grande part de leurs bénéfices en dividendes aux actionnaires. C'est aussi deux fois plus que dans les années 2000 où les entreprises ne versaient pas plus de 30 % de leurs bénéfices à leurs actionnaires. Engie est la championne toute catégorie en ayant reversé aux actionnaires sous forme de dividendes, trois fois le montant de ses bénéfices réalisés sur la période 2009-2016. 
  • Les salariés sont les grands sacrifiés de ce partage inégal. En 2016, les entreprises du CAC 40 ont ainsi reversé près de 15 fois plus de bénéfices à leurs actionnaires (sous forme de dividendes) qu'à leurs salariés (sous forme d'intéressement et participation). Si elles avaient choisi de maintenir en 2016 le même niveau de dividendes qu'en 2009 et d'augmenter la rémunération des employés plutôt que celle des actionnaires, l'ensemble des travailleurs du CAC 40 dans le monde auraient pu voir leurs revenus augmenter en moyenne d'au moins 14 000 euros sur la période, soit plus de 2 000 euros par an et par employé.
  • Deuxième grand perdant du partage des profits : l'investissement dont la baisse significative fragilise à terme la santé économique des entreprises françaises. En 2011, alors que les bénéfices étaient en baisse de plus de 10 %, les entreprises du CAC 40 ont augmenté les dividendes versés aux actionnaires de plus de 15 % (+5,9 milliards d'euros) et sacrifié leur capacité à investir en la diminuant de plus de 38 % (-17 milliards d'euros).
  • La spirale des inégalités résulte aussi d'un grand écart salarial avec des rémunérations qui explosent pour les hauts dirigeants au détriment de rémunérations toujours aussi faibles pour la plupart des employés. En 2016, les PDG du CAC 40 gagnaient en moyenne 257 fois le SMIC et 119 fois plus que la moyenne de leurs salariés au sein de leurs entreprises alors que ce dernier écart n'était que de 97 en 2009.
  • Dernier ingrédient du partage inégal de la valeur ajoutée des entreprises du CAC40 : les stratégies d'évitement de l'impôt qui permettent aux entreprises de maximiser leurs bénéfices par une présence accrue dans les paradis fiscaux - 1 454 filiales déclarées en 2016 - et l'explosion des crédits d'impôts qui ont quasiment doublé en France 10 ans atteignant plus de 26 milliards d'euros en 2016.
  • Si les impôts avaient cru au même rythme que les bénéfices depuis 2011, les entreprises auraient payé 13 milliards d'euros supplémentaires d'impôts au niveau international en 2016, soit l'équivalent de la somme nécessaire pour couvrir les besoins humanitaires de 93,2 millions de personnes dans 34 pays en crise dans le monde.

Pour Manon Aubry, porte-parole d'Oxfam France et co-auteure du rapport : « Si les patrons du CAC 40 n'ont pas caché leur joie sur l'embellie de leurs marges depuis 2009 et leurs profits records de l'année 2017, ils se sont fait beaucoup plus discrets sur la manière dont ils ont redistribué ces profits avec l'ensemble de leurs salariés. Et pour cause ! Les richesses n'ont jamais été aussi mal partagées depuis la crise au sein des grands groupes qui choisissent délibérément une course aux résultats de court-terme pour conforter les actionnaires et les grands patrons au détriment des salariés et de l'investissement.

Alors que la taille du gâteau augmente depuis 2009, comment expliquer que les actionnaires en aient raflé plus des deux tiers depuis 2009, ne laissant que des miettes aux salariés, alors qu'ils et elles contribuent tout autant à la création de richesses ? L'accaparement de la valeur ajoutée par une minorité de personnes doit interroger les grandes entreprises sur leur responsabilité dans la création des inégalités. Dans un monde où l'année dernière 82 % des richesses créées dans le monde ont bénéficié aux 1 % les plus riches [1], est-il encore raisonnable de rémunérer un patron du CAC 40 257 fois le SMIC ?

Pour Sylvain Ly, porte-parole du Basic et co-auteur du rapport : « Ce rapport nous a confronté au manque de transparence des grandes entreprises : certaines informations aussi basiques que les salaires, les intéressements, les crédits d'impôts sont en effet difficilement intelligibles pour les non-experts et il reste encore beaucoup de chemin à faire pour permettre un véritable contrôle citoyen sur le rôle sociétal des grandes entreprises. Nous espérons que ce travail inédit de traitement des données permettra aux citoyens, syndicats et autres parties prenantes de porter la question du partage des richesses dans le débat public. »

Pour Manon Aubry : « Parce qu'elles créent une grande partie de la richesse, les grandes entreprises ont leur part de responsabilité à prendre dans la lutte contre les inégalités. Elles doivent profondément changer pour que les richesses soient mieux partagées et redistribuées avec celles et ceux qui la créent : les salariés. Tandis que le FMI n'en finit plus de dénoncer l'impact des inégalités sur la croissance, ce sont désormais des fonds d'investissement qui s'inquiètent de l'hystérie de la culture des résultats à court terme !

Avec ce rapport Oxfam France et le BASIC démontrent aussi que les inégalités ne sont pas une fatalité : c'est à l'Etat de reprendre la main sur cette économie déboussolée avec des mesures de régulation ambitieuses. Il peut le faire notamment en préservant la capacité d'investissement et en interdisant que la part des bénéfices reversée aux actionnaires dépasse celle qui est reversée aux salariés, en renforçant la transparence sur les salaires, en rééquilibrant le poids des salariés dans la gouvernance de l'entreprise, ou encore en luttant plus efficacement contre l'évasion fiscale des multinationales. Avec la loi PACTE et la loi fraude fiscale, Emmanuel Macron peut prendre le leadership de la lutte contre les inégalités. »

Oxfam appelle le gouvernement et les parlementaires français à adopter les mesures suivantes dans le cadre de l'examen de la loi PACTE et de la loi fraude fiscale :

  • Partager plus équitablement les bénéfices entre les actionnaires et les salariés. Encadrer la rémunération des actionnaires, par exemple, après investissement, la part des bénéfices reversée sous formes de dividendes ne pourrait représenter davantage que la part des bénéfices redistribuée aux salariés. Associer les salariés aux bénéfices de l'entreprise (réforme de l'intéressement et de la participation).
  • Limiter les écarts de salaire au sein des entreprises. Instaurer la transparence sur les écarts de salaires dans les entreprises (rémunération médiane, distribution des salaires par décile, écarts de rémunérations entre les hommes et les femmes). Appliquer au maximum un facteur 20 entre la rémunération la plus haute et la rémunération médiane de l'entreprise. Limiter les retraites-chapeau et « parachutes dorés ». Assurer un salaire décent à l'ensemble des employés de la chaîne d'approvisionnement. Combler le fossé salarial entre les femmes et les hommes.
  • Réformer la gouvernance des entreprises pour rééquilibrer les prises de décisions en faveur des salariés et de l'intérêt général. Augmenter la représentation des salariés dans les instances de décision. Envisager la possibilité de pondérer le droit de vote des actionnaires en fonction du nombre d'années de détention de leurs titres. Reconnaître à l'entreprise d'autres finalités que la recherche du profit en élargissant l'objet social de l'entreprise. Respecter les droits humains dans l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement.
  • Mettre un terme à l'évasion fiscale des multinationales. Etablir une liste crédible et objective de paradis fiscaux. Mettre fin au monopole du Ministère des finances en matière de poursuite relatives à des faits de fraude fiscale (Verrou de Bercy). Accroitre la transparence fiscale des grandes entreprises en adoptant le reporting pays par pays public. Evaluer l'efficacité des crédits d'impôts et cesser d'accorder des crédits d'impôts qui ne servent pas l'intérêt général.
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