5 Juillet 2018
Notre 38eme Congrès est vital.
Au mois de juin 2017, les communistes décidaient, à l’issue de la séquence électorale des présidentielles et des législatives, de convoquer un congrès extraordinaire. Notre affaiblissement électoral et notre perte de visibilité nationale étaient et sont toujours au cœur des préoccupations des communistes qui veulent reconquérir l’influence de notre parti et reconstruire une organisation révolutionnaire de notre temps.
C’est au parti communiste, français et internationaliste, d’assumer cette ambition face à la force du capital qui se pare des atours de la modernité, face à la profondeur de sa crise systémique, mais aussi face à l’attraction des idées réformistes de conciliation, comme de celles nationalistes et xénophobes désignant des boucs émissaires.
C’est d’autant plus nécessaire que Macron et son gouvernement mettent à profit la confusion politique et l’absence d’alternative progressiste crédible pour conduire à marche forcée la destruction du modèle social français. Ils cherchent à faire de la France, à côté de l’Allemagne, le second pilier d’une Europe au service du capital, des marchés financiers et de l’ordre mondial dont ils ont besoin.
Macron prétend que ses options sont les seules à même d’arracher la France et l’Europe à la crise très profonde d’un système capitaliste qu’il entend sauver. En réalité cette politique va accentuer les vulnérabilités de la France et les fractures sociales dans un monde en crise alors que se prépare une nouvelle aggravation des difficultés mondiales, plus brutale que la crise de 2007-2008 dont les forces du capital n’ont voulu retenir aucune leçon.
Après une période d’observation, des luttes importantes se développent. Elles concernent les bases même du modèle social français, dont elles cherchent un nouveau développement : services et entreprises publiques, exigences d’égalité, notamment entre femmes et hommes, refus du déclassement et des discriminations, égalité des territoires et enjeux écologiques, la protection sociale et son mode de financement à partir des richesse produites, l’emploi, sa sécurité et sa promotion, l’augmentation des salaires, toutes les batailles sur l’éducation et la formation, les droits et pouvoirs des salariés sur les lieux de travail.
Il n’y a jamais eu autant besoin de révolution, d’idées et de luttes révolutionnaires ; d’un parti et d’un projet communistespour permettre au mouvement populaire de s’élargir et de se renforcer jusqu’à contraindre le gouvernement à des reculs, imposer de nouvelles conquêtes, ouvrir une issue politique. Leur absence dans le champ politique laisse la voie libre à toutes les récupérations nationalistes, populistes, xénophobes, racistes ou antisémites.
Quel défi pour le Parti communiste français !
Mais après son effacement en 2017 et son résultat désastreux aux législatives, son pronostic vital est engagé.
Tout cela constitue un électrochoc. C’est pour cela que les adhérents ont voulu un Congrès extraordinaire pour une réorientation stratégique, une mobilisation nouvelle dans l’action et le développement d’une ambition communiste.
Un bilan stratégique et organisationnel est nécessaire pour permettre un débat sans tabou et des décisions audacieuses.
Nous considérons que la proposition de base commune votée le 3 juin (par 49 voix sur 91 votants et 168 membres du CN) ne répond pas aux exigences du débat, pas plus qu’elle ne permet d’analyser précisément la situation du monde et celle de notre parti. Se refusant à formuler clairement les termes du débat, elle ne permet ni la discussion sur la réorientation et les changements que les communistes sont si nombreux à penser nécessaires, ni la prise d’initiatives par celles et ceux qui aspirent à changer l’ordre existant.
Ce n’est pas d’un collage d’options et de synthèses habiles que notre Parti a besoin pour construire une unité réelle et agissante des communistes.
Nous proposons une base commune qui permette de répondre à cette question essentielle :
Faut-il continuer dans l’effacement, dans une pratique du coup par coup, dans une stratégie illisible, et dans le manque d’ambition et d’incarnation ? Ou construisons-nous collectivement la voie d’un renouvellement politique profond de notre organisation, à même de renforcer notre influence et notre place au sein d’un rassemblement efficace pour notre peuple ?
Pour le débat le plus conséquent des communistes et des choix clairs, cette proposition de base commune entend apporter des éléments de réponse précis aux questions centrales suivantes, en les conjuguant à l’ambition d’un nouvel internationalisme :
Nous ne nous résignons pas à l’idée que le congrès extraordinaire puisse sombrer dans les habitudes, les redites et le refus des remises en cause.
Nous voulons sortir le PCF de la spirale de l’effacement et de l’affaiblissement.
Nous partageons cette conviction qu’il ne peut y avoir de transformation révolutionnaire sans un parti communiste fort et influent, porteur de cette ambition.
Nous partageons la nécessité d’un renouvellement de notre organisation et d’une relance ambitieuse de notre travail politique, étroitement liés à la mise en dynamique nationale de nos militants.
Ce sont ces enjeux prioritaires qui nous réunissent et nous rassemblent.
C’est pourquoi, dans la diversité de nos analyses et réflexions, nous proposons ce texte comme base commune pour la discussion du 38ème congrès du Parti communiste.
Nous le mettons dès aujourd’hui à la disposition de tous les communistes pour permettre le développement d’actions transformatrices ambitieuses de notre Parti au lieu de la paralysie liée à la recherche de faux équilibres.
Nous souhaitons que le plus grand nombre de militants s’en saisisse, dans une recherche de convergence et d’unité indispensables à la réussite d’un congrès extraordinaire, redonnant demain à notre Parti sa pleine capacité d’action à travers une perspective politique et stratégique claire.
Nous la formulons en six chapitres :
Après l’adoption par la direction du PCF, début juin, d’un projet de texte d’orientation en vue de son congrès, quatre autres sont en préparation, dont certains ne sont pas sûrs d’obtenir le nombre de signatures requis d’ici la date limite, vendredi.
À cinq mois de l’échéance, le PCF est entré dans une nouvelle phase de préparation de son congrès, que les communistes espèrent « extraordinaire », au vu de leurs difficultés. D’ici vendredi, les textes d’orientation dits « alternatifs » à la « base commune » adoptée par son conseil national début juin (« Le communisme est la question du XXIe siècle ») devront être déposés, paraphés par au moins 300 adhérents. Alors en coulisses, on s’active. Le texte qui obtiendra la majorité du vote des adhérents en octobre marquera l’orientation du congrès, et influencera la composition de la future direction. Plusieurs projets sont sur la table.
L’un d’eux est emmené par les signataires de plusieurs tribunes intitulées « Front commun », qui prônaient, en 2017, la création d’« une force politique en commun pour transformer la société » et le soutien à Jean-Luc Mélenchon. Le nombre de signataires requis pour ce texte, intitulé dans sa version provisoire « Se réinventer ou disparaître ! Pour un printemps du communisme », serait déjà réuni. Figurent parmi eux le président d’honneur d’Espace Marx, Patrice Cohen-Séat, l’historien Frédérick Genevée ou encore la députée Elsa Faucillon. Certains d’entre eux avaient initié lors du dernier congrès, en 2016, un texte qui avait obtenu 23,68 % des voix (51,2 % pour celui du conseil national).
D’un autre côté, ce sont plusieurs « sensibilités » communistes qui ont décidé de se rassembler pour rédiger « un manifeste du Parti communiste du XXIe siècle ». On y retrouve les chefs de file d’un des textes « alternatifs » de 2016 Marie-Christine Burricand ou Hervé Poly (12,87 %). Mais aussi des membres de la section économique du PCF comme Frédéric Boccara ou Yves Dimicoli. Ou encore le député André Chassaigne. Avec l’objectif de « devenir le texte majoritaire », certains d’entre eux, dans une tribune publiée le 11 juin sur le site du réseau Faire vivre et renforcer le PCF, estimaient que le projet du conseil national ne permettait « la discussion nécessaire (ni) sur le bilan de (la) stratégie et de la direction », ni sur « les propositions permettant de rompre avec l’effacement » du PCF. « Mon état d’esprit n’est pas celui d’un repli identitaire, au contraire. Notre démarche porte une dimension de rassemblement », insiste André Chassaigne, assuré d’obtenir les signatures.
Quant à Emmanuel Dang Tran, chef de file en 2016 de Reconstruisons le parti de classe, priorité au rassemblement dans les luttes (6,86 %), il prépare également un texte, sous le même intitulé. « Notre démarche est résumée dans le titre », explique Dominique Négri, l’une des cosignataires, qui dénonce à la fois « une ligne (du PCF) trop institutionnelle » et un « effacement idéologique ». S’ils ont ce dernier point en commun avec les rédacteurs du « manifeste », les tenants de ce texte ne pensent pas qu’en Europe « la solution passe par une réorientation de la BCE », prend pour exemple la militante iséroise.
La dernière des quatre orientations alternatives du dernier congrès communiste (5,4 %), portée notamment par Greg Oxley, dirigeant de la Riposte, cherche également à réunir les signatures nécessaires – « sans être sûr d’y parvenir » – pour « Relever le PCF, réengager le combat révolutionnaire », avec l’idée notamment de « développer des campagnes électorales sous (leur) propre bannière puis seulement ensuite d’envisager des alliances » et de mettre l’accent sur « l’appropriation sociale ».
Sous le feu de nombreux débats début juin, le projet de base commune s’était vu ajouter trois encadrés « En débat » faisant état des différentes positions défendues au sein du PCF sur le bilan de la période écoulée, la stratégie et les directions. « C’est une ouverture et une nouveauté d’intégrer une problématique contradictoire dans le texte. Sur ces points-là en particulier, nous considérons que ce qui est proposé dans le projet de base commune doit être approfondi », estimait alors le secrétaire national du PCF, Pierre Laurent. Même réponse des tenants de chacun des textes en préparation : c’est « la cohérence globale » qui ne leur convient pas.
Côté « printemps du communisme », « nous proposons un renversement de point de vue », assure Frédérick Genevée. Et de détailler : « Il s’agit d’affirmer fortement que le centre de gravité de notre parti ne doit pas être la question électorale ; qu’il doit trouver une nouvelle fonction révolutionnaire et donc doit fonctionner horizontalement ; et que la reconstruction du communisme passe par les communistes du dedans et du dehors. » Sur le bilan, l’absence d’analyse sur « l’échec des partis communistes au XXe siècle et leur marginalisation actuelle » est également reprochée. Les promoteurs du texte regrettent également que certaines questions, bien qu’elles apparaissent dans le texte adopté en juin et pourraient faire l’objet d’amendements, ne donnent pas lieu à des « fenêtres de débat » spécifiques. « Sur l’écologie – en particulier le nucléaire –, le travail, le féminisme, l’antiracisme, le débat n’est pas ouvert », estime Frédérick Genevée, qui rappelle par ailleurs que, contrairement à d’autres, pour eux la lutte des classes ne doit pas avoir la primauté sur les autres combats.
Côté « manifeste », « la colonne vertébrale c’est la volonté de tout faire contre l’effacement du parti dans le domaine des élections comme des propositions ou des actions », explique André Chassaigne. « Dans une stratégie qui conjugue luttes et institutions et qui ne soumet pas toute la bataille à des ententes au sommet intouchables », ajoute Frédéric Boccara. « Sans mise en cause de qui que ce soit, nous devons poser véritablement la question des choix qui nous ont amenés à l’échec : nos idées n’impriment plus la société, et nous n’avons pas réussi – j’y croyais beaucoup pourtant – avec le Front de gauche », détaille André Chassaigne. Il liste aussi une série de campagnes comme celle « sur le coût du capital » qui n’auraient jamais été réellement investies par le PCF et dont le texte propose de faire des axes majeurs. « La crise qui vient et le rôle du capital et de la finance dans celle-ci sont fondamentaux », insiste Frédéric Boccara, proposant de répondre à ces défis par « le travail d’idées et d’analyses en relation avec le marxisme vivant ». Ces questions en supplantent parfois d’autres. À l’instar de l’Europe, sur laquelle les partisans de ce texte ont des positions différentes (de la refondation à la possible sortie de l’UE). Ils s’accordent toutefois sur des axes de campagne pour les européennes de 2019. « À ceux qui voudraient agiter l’épouvantail de l’alliance de la carpe et du lapin, je saurais quoi répondre car toute la vie politique est faite d’approches différentes », défend André Chassaigne.
Le renouvellement de la direction est aussi dans toutes les têtes. Une tribune réunissant de jeunes responsables (« C’est le moment ! ») y appelait, entre autres sujets, en février. La plupart ne devraient cependant pas signer de textes alternatifs, confie l’un d’eux. Pierre Laurent avait fait part, début juin, de sa « disponibilité » pour un nouveau mandat « dans une direction » qu’il souhaite lui aussi « profondément renouvelée ».
Après la validation des signatures (également conditionnée à une clé de répartition géographique), l’été et la rentrée devraient être mis à profit chez les communistes pour un débat de fond sur les positions en présence.