26 Juillet 2018
Notre pays traverse une très grave crise institutionnelle et démocratique.
L’affaire Benalla est devenue officiellement une « affaire Macron » puisque le Président de la République revendique en être « le seul responsable », tout en affirmant n’avoir à en rendre compte devant aucune institution de la République, et surtout pas au Parlement. La démocratie est bafouée comme jamais. Le danger est d’autant plus grand qu’au même moment, Emmanuel Macron fait tout pour imposer une révision de la Constitution aggravant tous ses traits anti-démocratiques, même s’il vient d’en être provisoirement empêché par la suspension des travaux parlementaires sur cette révision.
Ce scandale d’État est révélateur de ce qui doit cesser au plus vite dans notre République: l’omnipotence et l’impunité dont jouit le Président de la République, hors de tout contrôle démocratique. Les conséquences de cette affaire seront durables, mais elles ne sont pas jouées. L’avenir ne sera pas le même selon que l’emportera dans l’opinion la colère, le dégoût, le discrédit de la démocratie ou au contraire la mobilisation populaire pour exiger la transparence et la justice jusqu’au bout dans cette affaire, l’abandon de la révision constitutionnelle programmée par Macron et au-delà une refondation démocratique de nos institutions jusqu’à l’avènement d’une nouvelle République fondée sur une nouvelle Constitution.
Une bataille majeure est désormais engagée. Les parlementaires communistes et notre parti l'avaient lancée avant même l’affaire Benalla en prêtant leur nouveau serment du jeu de Paume le 9 juillet, quand Emmanuel Macron est venu devant le congrès à Versailles.
Quels premiers enseignements tirer de cette affaire?
Premièrement, l’extrême gravité des faits. Le chef de la sécurité privée de l’Élysée, Alexandre Benalla, qui assurait déjà la garde rapprochée du Président pendant sa campagne, a été installé à un poste clé, cela en dehors et même à l’encontre des services de protection officielle de la police nationale. Cet homme a été protégé et ne cessait d’intervenir en dépassant ses fonctions. Aussi grave soit-il, le 1er mai n’a pas été un cas isolé. Pourquoi n’y-a-t-il pas eu plus tôt des réactions? Comment cela a-t-il été rendu possible? Parce que l’impunité présidentielle s’insinue comme un poison dans notre vie politique et institutionnelle, et que le sésame présidentiel s’impose au respect des règles publiques et démocratiques. Mais plus grave encore, on sait désormais, qu’une réforme de la sécurité de l’Élysée, actuellement assurée par un service de la police nationale et par un commandement militaire, envisageait d’introduire la sécurité privée dans le nouveau dispositif au plus haut niveau de l’État. Benalla n’était donc pas un accident mais la préfiguration d’un projet de privatisation rampante de la sécurité de l’Élysée qui marquait, comme en ont témoigné les syndicats de policiers, une défiance à l’égard des fonctionnaires, de leur statut et de leur mission de service public, de leur code de déontologie. Macron veut, à tous les étages de la République, des services à sa main, et il veut tout simplement appliquer à l’Élysée ses principes de destruction de l’appareil d’État public, avec les recettes d’austérité et de privatisation qu’il entend infliger à toute la société.
Deuxième enseignement, la gravité de la réaction de l’Élysée. Celle-ci a bafoué tous les dispositifs de protection de la démocratie et des règles publiques qui auraient dû être appliquées. L’Élysée a cherché à étouffer l’affaire et à la mettre sous le tapis, en pleine connaissance de ce qui s’était passé. Sans l’article du journal Le Monde, tout aurait continué comme avant. Sans la réaction du Parlement, qui a refusé de poursuivre l’examen du projet constitutionnel, celui-ci aurait été adopté à l’Assemblée nationale cette semaine par une majorité de godillots En Marche. Aujourd’hui, la stratégie d’étouffement a explosé. Deux commissions d’enquête parlementaire, une instruction judiciaire, et une enquête de l’IGPN sont en cours. Alors que fait le Président de la République? Il déclenche l’arme lourde: celle de la toute puissance présidentielle dans nos institutions. « Je suis le seul responsable et comme je n’ai de compte à rendre à personne, fermez le ban, et on reprendra la révision constitutionnelle quand je le déciderai ». Et il lâche cette formule incroyable, digne d’un forcené assiégé, reclus dans son château: « qu’ils viennent me chercher! » En clair, le Président dit qu’il s’assoit sur les procédures en cours, sur le Parlement, et qu’il décidera seul des suites à donner à cette affaire. Et c’est là que nous touchons au fond du problème démocratique posé à notre pays par la dérive de tout le système vers la monarchie présidentielle absolue, négation même d’une République digne de son ce nom.
En déclarant, comme viennent de le faire successivement Édouard Philippe et Emmanuel Macron, que le Président de la République n’a de compte à rendre qu’au peuple directement, autrement dit qu’il ne relève d’aucun contrôle démocratique entre deux élections présidentielles, ils sacralisent le fait que le quinquennat devient ainsi une période de pleins pouvoirs pour le Président de la République. Ils ont beau dire que le gouvernement, lui, rend compte devant le Parlement, c’est une duperie puisque tous les arbitrages relèvent désormais du Président de la République. Et c’est le sens profond de la révision constitutionnelle engagée: pousser à terme cette logique pour aboutir à une Présidence encore augmentée et une démocratie encore diminuée. Et pour cela, réduire d’un tiers le nombre de parlementaires ce qui les coupera davantage du peuple et permettra au passage de liquider le pluralisme politique des assemblées; réduire leur pouvoir d’amendement, leur maîtrise de l’ordre du jour parlementaire au profit du gouvernement; réduire le nombre, le rôle et la libre administration des collectivités locales; réduire de moitié le nombre de membres du Conseil économique, social et environnemental... On sait au service de quel projet Emmanuel Macron veut ce régime de pleins pouvoirs: la liquidation de l’État social pour le seul service des riches, du capital financier et du marché. Cette société dangereuse, inégale et anti-démocratique, dans laquelle l’injustice et l’autoritarisme marchent de pair, nous ne devons pas l’accepter.
Tirer toutes les leçons de l’affaire Macron-Benalla, c’est donc empêcher l’étouffement de cette affaire et soutenir jusqu’au bout la manifestation de la vérité et la mise en œuvre des sanctions et des mesures qu’elle rendra nécessaires. C’est notamment refuser la privatisation en marche des missions de sécurité. C’est au delà amplifier la bataille pour l’abandon du projet constitutionnel macronien et empêcher la reprise des débats à la rentrée sur ces bases. C’est engager dans le pays un débat national d’ampleur pour la désintoxication présidentialiste du régime et la démocratisation profonde de la République. Les communistes et leurs parlementaires prendront toutes les initiatives nécessaires en ce sens.