16 Mai 2020
Depuis le début de la crise sanitaire, c’est le premier texte qui ne concerne pas le Covid qui est présenté (et voté) à l’assemblée. Et il concerne donc la restriction des libertés d’expression sur internet. N’y voyez bien sûr aucun lien.
Ce mercredi 13 mai, l’Assemblée Nationale a donc voter la proposition de loi de Laetitia Avia "contre la haine" sur les réseaux numériques, désormais loi "antiterroriste". Cette loi, dans la forme qu’elle a pris récemment, donne le pouvoir à la police de juger et de réprimer les contenus qu’elle juge haineux sur Internet.
La police aura désormais la possibilité de supprimer n’importe quel contenu sur internet en une heure ! Et « c’est la police qui décidera des critères pour censurer un site (en droit, la notion de « terrorisme » est suffisamment large pour lui donner un large pouvoir discrétionnaire, par exemple contre des manifestants) ; c’est la police qui jugera si un site doit être censuré ; c’est la police qui exécutera la sanction contre le site. Le juge est entièrement absent de toute la chaîne qui mène à la censure du site. » L’association La Quadrature du Net s’alarme contre ces attaques liberticides inédites.
L’avenir de la presse indépendante
Bon, nous ne nous abaisserons pas à dire que la députée LREM qui défend cette loi risque elle-même la censure vu qu’elle a tenu des propos racistes et homophobes, selon des révélations dans Médiapart. On ne dira pas non plus qu’entre des propos, directs ou indirects, qui incitent à la haine envers des individus et des propos qui critiquent des institutions ou des personnalités publiques et politiques, il y a une différence. On ne dira pas non plus ce qu’on pense de la construction dégueulasse de figures terroristes sur des militant.e.s que le pouvoir stigmatise en utilisant la rhétorique de la menace des ultras, reposant sur une volonté d’asservir le peuple, de le faire rentrer, coûte que coûte, dans la norme sociale dominante, et de bâillonner tout écart. On ne dira pas, pour finir, que ce gouvernement musèle tou.te.s les dissident.e.s à grand coup de réformes autoritaires et liberticides, les travailleur.se.s qui se révoltent, les profs qui veulent la liberté d’enseigner, les soignant.e.s qui révèlent les mensonges d’État, et, aujourd’hui, même les écolier.e.s.
Non, on ne le dira pas, car on n’en n’a pas le droit, mais après tout, qu’est-ce que la liberté d’expression ?
L’avenir est à la prétérition : « Le fait de dire une chose en prétextant ne pas vouloir en parler. »
Article de la Quadrature du Net
« Pour rappel, la proposition de loi initiale demandait aux très grandes plateformes (Facebook, Youtube, Twitter…) de censurer en 24h certains contenus illicites, tels que des contenus « haineux » signalés par le public ou la police. Pour une large partie, ces obligations seront inapplicables et inutiles, Laetitia Avia ayant systématiquement refusé de s’en prendre à la racine du problème – le modèle économique des géants du Web – en dépit de nos propositions, reprises par tous les bords du Parlement.
L’histoire aurait pu en rester à ce coup d’épée dans l’eau si le gouvernement n’avait pas saisi l’occasion pour pousser sa politique sécuritaire. Le 21 janvier, alors que la loi était examinée une deuxième fois par une Assemblée presque vide, le gouvernement a fait adopter un amendement de dernier minute renversant toute la situation.
Une nouvelle obligation vient éclipser le reste de la loi, ajoutée au paragraphe I de son article 1. Elle exige que tous les sites Web (pas uniquement les plateformes géantes) censurent en 1h (pas en 24h) les contenus signalés par la police comme relevant du « terrorisme » (sans que cette qualification ne soit donnée par un juge, mais par la police seule). Si le site ne censure par le contenu (par exemple car le signalement est envoyé un week-end ou pendant la nuit) la police peut exiger son blocage partout en France par les fournisseurs d’accès à Internet (Orange, SFR…).
La séparation des pouvoirs est entièrement écartée : c’est la police qui décide des critères pour censurer un site (en droit, la notion de « terrorisme » est suffisamment large pour lui donner un large pouvoir discrétionnaire, par exemple contre des manifestants) ; c’est la police qui juge si un site doit être censuré ; c’est la police qui exécute la sanction contre le site. Le juge est entièrement absent de toute la chaîne qui mène à la censure du site.
Le 26 février, le Sénat avait supprimé cette nouvelle disposition. Le texte revient mercredi pour une toute dernière lecture par l’Assemblée nationale, qui aura le dernier mot. Il est indispensable que les député·es suppriment l’article 1, paragraphe I de cette loi, qui permet à la police d’abuser de son pouvoir pour censurer le Web à des fins politiques – en cherchant à censurer les attaques contre le Président ou contre la police, comme elle le fait déjà. »