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PANDEMIE : QUI VA PAYER LA DETTE ?

Dette, la réponse communiste à la montée au front de Mme Lagarde qui veut nous faire payer la crise

Publié le par Front de Gauche Pierre Bénite

Dette, la réponse communiste à la montée au front de Mme Lagarde qui veut nous faire payer la crise

En France, la récession et les dépenses supplémentaires entraînées par le chômage partiel et par le soutien aux entreprises ont creusé le déficit public de près de 200 milliards en 2020.

Tout cela n’est possible que parce que les banques centrales inondent les banques et les marchés financiers d’argent gratuit, voire subventionné (la BCE pratique un taux négatif, -1 %, pour ses prêts aux banques de la zone euro qui financent les entreprises et les ménages).

Mais cet argent (1 650 milliards d’euros d’achats de titres et jusqu’à 3 000 milliards de prêts aux banques) n’est pas utilisé pour développer les services publics, ni pour protéger les salariés contre le tsunami du chômage. Banques et détenteurs de portefeuilles financiers s’en servent avec un seul mot d’ordre, celui qui inspire aussi la politique du gouvernement français : redevenez rentables !

Alors nous entendons une petite musique à plusieurs voix qui n’est pas anodine puisqu’elle a des répercussions sur les militant-e-s de gauche :

« Une annulation de dette est « inenvisageable » pour Christine Lagarde.

La présidente de la BCE exclut catégoriquement toute annulation de la dette d'Etat détenue par la banque centrale, dans le « JDD ». Vendredi, une tribune rassemblant une centaine d'économistes demandait un tel effacement. Sa réponse serait sans équivoque.

« L'annulation de la dette d'Etat détenue par la Banque centrale européenne est inenvisageable. Ce serait une violation du traité européen qui interdit strictement le financement monétaire des Etats. Cette règle constitue l'un des piliers fondamentaux de l'euro. »

Interrogée par le « Journal du dimanche », Christine Lagarde a voulu mettre fin à un débat qui aurait gagné en ampleur ces derniers jours. Celui d'un possible effacement par la banque centrale d'une partie de l'endettement des Etats qui a explosé face à la crise du Covid-19. Soit près de 3.000 milliards d'euros d'obligations souveraines qu'elle a en portefeuille.

Vendredi, une centaine d'économistes et de personnalités européennes, dont le social-démocrate Thomas Piketty ou l'ancien ministre belge socialiste Paul Magnette, avait lancé un appel à effacer la dette.

« Les citoyens découvrent, pour certains avec effarement, que près de 25 % de la dette publique européenne est aujourd'hui détenue par leur banque centrale. […] La BCE pourrait aujourd'hui offrir aux Etats européens les moyens de leur reconstruction écologique, mais aussi de réparer la casse sociale, économique et culturelle, après la terrible crise sanitaire que nous traversons », écrivent les auteurs, majoritairement français et italiens. »

Face à ces élucubrations, nous donnons la parole à Frédéric Boccara,

"Avec la crise siamoise, sanitaire et économique, les dettes publiques se sont envolées. En France, elle atteindrait 120 % du PIB fin 2021, sans compter de possibles nouveaux évènements pesant sur la situation économique. Le gouvernement considère que 150 milliards d’euros pourraient être isolés comme « dette Covid » à proprement parler.

La dette publique

Les responsabilités ne sont pas claires pour les gens. Sinon, nous n’en serions pas là, politiquement. A gauche certains disent « c’est clairement le capitalisme ». Je pense que c’est loin d’être clair pour nos concitoyens, et ce qui est encore moins clair c’est de savoir ce qu’il faudrait faire.

Le débat sur la dette, par exemple, est utilisé pas seulement pour nous menacer d’austérité pour demain. Mais dès à présent pour une austérité « sélective », en quelque sorte. Ainsi F. Bayrou, sur France Inter cette semaine, déclare en substance qu’il ne faut pas en avoir peur de la dette… « si on dépense pour s’attaquer au Covid ». Tout est dans le « si ». On va donc limiter toutes les « autres » dépenses ? C’est ce que réclame le gouverneur de la Banque de France.

Mais comment isoler les dépenses « Covid » du reste des dépenses : les embauches à l’hôpital ce ne serait pas Covid ? car elles impliquent des dépenses récurrentes, qui se poursuivraient après la pandémie ! Les dépenses indispensables pour vraiment développer l’école et l’université ne seraient pas Covid ? Les dépenses de chômage partiel devraient durer le temps de la pandémie, puis après il faudrait lâcher la bride aux licenciements ? etc. Ce discours est aussi celui du gouverneur de la banque de France ou celui du président de la Cour des comptes, l’inénarrable P. Moscovici, exigeant de « cantonner la dette ». Ils relaient les marchés financiers, les fonds d’investissements BlackRock and Co et les grandes banques qui se nourrissent de cette dette, passant d’abord dans leurs mains avant d’être rachetées par la BCE !

La question majeure à poser est l’utilisation de cette dette : pour des dépenses qui développent durablement les services publics, l’emploi et la formation ? Ou pour gonfler le capital ?

Nous avons un projet. Un projet alternatif. Il s’agit de viser un système nouveau, radicalement nouveau, même si c’est pour y aller progressivement. Il combinerait sécurité, mobilité et émancipation. Ses leviers seraient la démocratie, avec de tous nouveaux pouvoirs de la société, et une nouvelle efficacité reposant sur la lutte contre le coût du capital et la mutualisation des coûts pour permettre des dépenses nouvelles d’emploi, de formation et de recherche, en responsabilisant les entreprises et les banques pour l’emploi la formation et pour une transformation productive sociale et écologique. Nous l’appelons une sécurité d’emploi et de formation.

Pourquoi cette dette pose problème ? D’une part à cause de son coût pour la rembourser : il peut évincer les dépenses salariales, sociales, de services publics, de transformation écologique et justifier une politique super-austéritaire. Déjà, la dette d’avant Covid pèse 37 milliards d’euros d’intérêts par an, l’équivalent d’un budget de l’enseignement scolaire. D’autre part parce qu’elle a été contractée en gonflant les marchés financiers – la BCE n’utilisant sa création monétaire que pour racheter la dette aux BlackRock, BNP-Paribas et autres – et donc armer encore plus les forces anti-sociales et anti-salariales, y compris la possibilité de spéculation demain faisant remonter les taux, donc le coût de la dette. Enfin, parce que cette dette n’a pas, ou très peu, « préparé l’avenir » : presque rien pour l’hôpital, notamment en embauches et formations, idem pour l’éducation nationale ou la recherche, l’université, aides aux profit et au capital des grands groupes en acceptant leurs licenciements, financement du chômage partiel au lieu de plans de formation, de recherches et d’emploi sécurisé pour de nouvelles production, un appui plus que défaillant à l’artisanat, aux PME, à la culture, à la jeunesse, etc.

Trois positions économiques

Que viser ?  Trois positions économiques occupent le devant de la scène. L’une est qu’il faut d’abord rembourser et se serrer la ceinture pour cela. C’est la position néo-libérale, austéritaire (Macron - Lagarde) : l’épargne préalable, le capital impose sa loi par-dessus tout. Elle mène dans le mur. Même les néo-libéraux prétendent qu’ils ne la suivront pas. Ils sont pourtant engagés dans ce sens, qu’on mette ou pas la dette dans une structure spécifique.

La position symétrique est qu’il ne faut pas rembourser la dette et l’annuler totalement. S’il faut certaines annulations, sélectives, et surtout une renégociation de la dette passée, une annulation générale de toute la dette ne tient pas la route. Car (1) il faut avant tout de nouvelles dépenses, donc de nouveaux financements pour embaucher, pour investir efficacement (2) des annulations fragiliseraient les prêteurs que sont les banques, dont beaucoup de françaises, dont il y a besoin qu’elles contribuent à un nouveau type d’expansion (3) dans le rapport des forces mondial avec le capital, l’annonce d’une annulation générale précipiterait une crise majeure que le monde du travail serait le premier à payer, avec des effets en cascade.

La dernière position est qu’il ne faut pas chercher à la rembourser et que c’est la croissance qui va permettre de la rembourser. Cette position de gauche a une part de vérité et une part erronée. La part de vérité est que c’est en effet sur la croissance des richesses produites, donc du revenu global, que la dette sera remboursée. Et plus cette croissance est élevée, moins la dette pèsera. C’est toujours ainsi qu’on a réussi à sortir des grandes crises, par exemple après 1945.

Des dépenses préalables, mais orientées correctement !

Il faut donc des dépenses préalables, pas une épargne préalable, pour permettre cette croissance. Encore faut-il qu’elle soit véritablement saine.

La part erronée, c’est que (1) cette croissance ne viendra pas de façon automatique, il faut des dépenses préalables (embauches, investissements, formation, etc.) et du revenu (une demande) (2) la croissance dépend du type de dépenses (embauches, salaires, investissements efficaces versus spéculations et délocalisations) (3) cette croissance peut être empoisonnée écologiquement (pollutions, etc.) et néfaste socialement (délocalisations, finance, précarité, bas salaires, etc.). Et donc mener vers d’autres catastrophes. Et d’ailleurs, les politiques keynésiennes ont largement échoué depuis le début des années 1970.

Concrètement, quand l’État verse des milliards à un grand groupe qui, comme Général Electric, démolit l’emploi, délocalise et met en cause la réponse au défi climatique, en fermant progressivement la fabrication de turbines hydroélectriques, l’activité Grid et en démantelant sa filière nucléaire, cela pèse contre la croissance et l’empoisonne. Et cela nous amène vers de nouvelles catastrophes et ne permet pas de rembourser la dette.

L’enjeu est donc le contenu et l’orientation des dépenses publiques et celles des grands groupes. C’est à dire l’intervention populaire politique et consciente, et la mise en place des institutions démocratiques à visée autogestionnaire pour permettre cela.

Là encore, l’exemple de l’après-guerre montre qu’il faut des transformations profondes. De portée révolutionnaire, mais tout à fait réalistes et rassembleuses. Comme l’ont pu être en leur temps les mesures préconisées par le CNR.

Faire de la dette une avance et non une pénitence. Il faut considérer une dette comme une avance pour faire face à la crise.

Sur le fond il existe deux conceptions d’une dette monétaire : celle qui la considère avant tout comme une avance pour des dépenses, celle qui la considère avant tout comme un devoir moral.

De nos jours, avec la bataille idéologique qui s’est développée, nous sommes pénétrés de la seconde. Pourtant, factuellement, c’est bien la première qui est juste.

La dette privée : conditionner son utilisation

Dans la mesure où l’État, pour simplifier, s’est endetté en partie afin d’éviter que les entreprises (surtout !) ou les ménages (moins…) ne s’endettent, certains peuvent considérer que la société a pris en charge cette dette privée potentielle et donc parler d’une « dette privée socialisée ».

Oui pour insister sur les interdépendances monétaires qui se sont renforcées à l’occasion de cette crise, la société, via l’État, prenant encore plus en charge des dépenses d’acteurs économiques privés (entreprises ou ménages), pourquoi pas. Mais donc c’est une raison pour mettre des conditions fortes à l’utilisation de cette dette privée, la « piloter » avec « nos » critères !

Mettre des conditions fortes, c’est ce que refuse le patron du Medef, G. Roux de Bézieux (interview aux Echos du 30 septembre 2020), tout comme B. Lemaire qui préconise une vague « charte », sous responsabilité des grands patrons (Conférence de presse du 16 septembre 2021). Et, tout récemment, le gouvernement a déclaré que les entreprises bénéficiant du PGE (prêt garanti par l’État) pourront verser des dividendes en 2021, l’interdiction ne portant que sur 2020.

On pourrait même ajouter, qu’avec la révolution informationnelle, la contribution de toutes et tous au progrès global de société et de civilisation n’est pas seulement une question éthique, mais une véritable question d’efficacité économique. Par exemple qui permet plus la lutte contre l’épidémie entre le chercheur chinois qui séquence le génome du virus et le met à disposition partagée, l’étudiant qui aide des personnes âgées et participe à la non-dissémination du virus, le chercheur de Pfizer ou de Moderna, le chercheur obscur de telle université ou les bénévoles d’internet qui maintiennent Wikipédia et assurent la circulation d’une information scientifique de masse ?

C’est un des éléments qui justifie un pas en avant radical et révolutionnaire vers une socialisation nouvelle du revenu et de la formation, dans le sens d’une sécurité d’emploi et de formation.

Mais cela ne doit pas masquer les enjeux de contenu, les questions de « classe » comme on dit (mais au sens vraiment marxiste : capital versus êtres humains et nature) et les questions de démocratie. N’acceptons pas un chantage super-austéritaire au nom du remboursement de la dette dont nous serions tous, prétendument, solidaires.

Un Fonds européen d’expansion sociale et écologique appuyé par la BCE

Il faut une expansion écologique et sociale en France et coordonnée en Europe. Une expansion par l’écologie et le social, pas par le capital, c’est-à-dire une expansion dont l’emploi, la formation et les services publics sont le moyen dès l’entrée et non une résultante aléatoire finale parmi d’autres.

Cette reflation permettrait de faire fondre la dette et de la rembourser, mêlant croissance du PIB et une certaine inflation. Elle devrait être accompagnée de nouveaux prélèvements publics et sociaux (cotisations sociales), pour une nouvelle fiscalité, refondue tant sur les ménages que sur les entreprises.

Pour cela il faut agir dans le même temps et de façon cohérente sur la dette passée, les dépenses qu’elle finance et pour des avances pour l’avenir, financées par endettement et engager une refonte des prélèvements publics et sociaux, incitatrice à des dépenses efficaces, pénalisant les dépenses stériles et malsaines.

Pour ce qui concerne la dette, la BCE doit financer directement la dette pour les services publics, par un Fonds européen pour les services publics, un Fonds d‘expansion sociale et écologique solidaire, géré démocratiquement, au lieu d’armer les marchés financiers en lui rachetant la dette publique, soumise alors à spéculation.

L’article 123.2 du TFUE l’autorise formellement – même si cela va à l’encontre de l’esprit austéritaire et pro-marchés financiers des rédacteurs initiaux – la mise en place d’un tel Fonds sans attendre, et sans ouvrir une aléatoire renégociation des traités.

Elle doit reprendre la dette passée ; la sortir ainsi de la spéculation, et rétrocéder les intérêts de cette dette aux États, d’autant plus qu’ils développent les services publics, notamment lorsque c’est pour affronter la pandémie (hôpital, etc.), soit jusqu’à 37 milliards d’euros de ballon d’oxygène immédiat pour la France ! Elle doit réorienter sa politique de re-financement des banques : les financer à bas taux, y compris négatif, d’autant plus les prêts des banques préservent et développent l’emploi, la formation, pour des recherches et des productions engageant la transformation productive écologique et sanitaire.

En France on peut mettre en place un Fonds d’utilisation de la dette, branché directement sur la création monétaire des banques publiques et de la BCE, en réseau avec d’autres Fonds nationaux européens, géré démocratiquement par les représentants des travailleurs, des associations (écologiques, humanitaires, de jeunesse), des élus.

Il fonctionnerait pour une planification démocratique et décentralisée à l’appui de conférences territoriales permanentes pour l’emploi, la formation et la transformation écologique."

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