1 Août 2021
Le projet de démantèlement d’EDF par le gouvernement ne devrait pas voir le jour avant la prochaine élection présidentielle. Pour la CGT, cette victoire ne doit pas suspendre le combat pour un véritable service public. Entretien avec Fabrice Coudour, secrétaire fédéral de la CGT Mines et énergie.
L’ancien projet Hercule devenu « Grand EDF », scindant le géant de l’électricité en trois entités distinctes, est suspendu jusqu’au prochain suffrage présidentiel, d’après des sources gouvernementales. Une décision qui intervient après des mois de mobilisation, mais ne rassure pas définitivement. Décryptage avec Fabrice Coudour, le secrétaire fédéral de la CGT mines- énergie.
Comment accueillez-vous la décision de reporter la réforme d’EDF ?
Fabrice Coudour : C’est un dossier qui patine tellement depuis des mois que c’est une surprise sans en être une. On se doutait que le contexte de négociation avec la Commission européenne pouvait suspendre les volontés du gouvernement.
Par rapport aux luttes qu’on a menées à la fois en intersyndicale mais aussi seuls avec la CGT, comme lors de la mobilisation (de l’énergie et de la SNCF – NDRL) du 22 juin à Paris qui a rassemblé plus de 13 000 personnes, c’est une victoire pour nous. Tous les mouvements d’associations, des syndicats, les interventions des groupes politiques ont également eu une influence.
Mais on n’oublie pas que cette victoire intervient dans le contexte d’une énième augmentation du tarif de l’électricité au 1er août et de nombreux abandons de projets en interne. Cela reste donc une victoire temporaire. Nous ne sommes pas encore sur un abandon total, que nous revendiquons.
Quels points de tension entre Paris et Bruxelles ont pu pousser à cette décision ?
Fabrice Coudour : C’est un problème de lignes rouges, qui sont défendues de part et d’autre. Elles sont autour de l’étanchéité entre les structures de l’entreprise, pas assez importante selon Bruxelles, mais aussi des garanties financières à apporter à la Commission européenne. Discuter de ces points problématiques, c’est déjà accepter ce projet, ce qu’on ne voudra jamais puisque c’est une régression complète du service public de l’énergie.
En quoi le « Grand EDF » est-il régressif ?
Fabrice Coudour : C’est un démantèlement de l’entreprise telle qu’on la connaît, qui a déjà subi beaucoup de transformations depuis 2004. C’est un saucissonnage des activités et qui dit saucissonnage dit une multiplication des acteurs, des augmentations de factures pour les usagers, des plans sociaux potentiels, des difficultés de gestion de l’outil de production, de distribution et de transport.
On ne peut pas se satisfaire d’un système qui réaffirme l’importance du marché sur le service public.
Dans ce projet, on est, notamment, totalement opposés au fait de mettre Enedis dans une filiale EDF vert pour récupérer de l’argent sur une ouverture potentielle au secteur privé. Les réseaux ont été payés par le contribuable, ils doivent être gérés par les collectivités.
De même, détacher les barrages hydrauliques dans un EDF azur, c’est une hérésie qui n’a rien d’une garantie pour sauver le patrimoine et les concessions hydrauliques.
En quoi consiste le contre-projet conçu par la CGT pour EDF et l’énergie ?
Fabrice Coudour : C’est un programme progressiste de l’énergie qui s’organiserait autour de deux Epic (établissements publics à caractère industriel et commercial), un pour le gaz et un pour l’électricité.
Il y aurait un service commun pensé autour de l’efficacité et de la performance énergétiques, parce que c’est un enjeu de demain. Le gaz et l’électricité seraient gérés comme des biens d’intérêt général, décorrélés du marché, avec des grandes ambitions sur la réduction de la facture. Ce service commun permettrait aussi une lutte autour de la précarité énergétique.
Comment envisagez-vous la suite du combat ?
Fabrice Coudour : On veut rester vigilants parce qu’on nous a déjà dit que le projet Hercule était abandonné avant de mettre la réforme « Grand EDF » sur la table. C’est une première victoire, mais on n’a pas gagné la bataille pour l’intérêt général.
L’énergie sera un vrai sujet de la prochaine campagne présidentielle et on en sera acteurs pour revendiquer un vrai service public dans ce secteur. Dès la rentrée, on va faire monter le rapport de forces et on sera mobilisés dès le 16 septembre, dans le cadre des Journées de l’industrie.
Entretien réalisé par Juliette Barot Publié dans l'Humanité