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DISPARITION DE MICHEL ETIENVENT :

Disparition de Michel Etienvent. Salut Michel, et embrasse Croizat !

Disparition de Michel Etienvent. Salut Michel, et embrasse Croizat !

Michel Étiévent, biographe d’Ambroise Croizat, historien de la Sécurité sociale et du mouvement ouvrier, écrivain, poète et journaliste à l’Humanité, est décédé mardi.

Peut-on être ami avec un homme sans l’avoir rencontré ? La filiation, la fraternité tissées entre Michel Étiévent et Ambroise Croizat ne font guère de doute, même s’ils ne se sont jamais connus. L’aîné, né en 1901, fut résistant, « ministre des travailleurs » et bâtisseur de la Sécurité sociale. Le cadet, Michel Étiévent donc, fut son plus fervent et appliqué biographe, tout en étant historien de sa plus belle œuvre, la Sécurité sociale. Également journaliste, poète et écrivain, il était né en 1947 et s’est éteint mardi 12 octobre, à 74 ans. Trois jours plus tôt, il dédicaçait encore ses nombreux ouvrages, lors du salon du livre d’Hermillon.

Une mission à accomplir

Le lien étroit entre Ambroise Croizat et Michel Étiévent a une origine géographique et sociale. Tous deux étaient fils d’ouvriers dans la vallée de la Tarentaise. « Mais la première raison de mon attachement tient à ma propre enfance. J’ai été élevé dans la maison même où Ambroise a vu le jour. J’ai passé toute ma jeunesse dans le quartier où la famille Croizat a vécu, près de l’usine de Notre-Dame-de-Briançon où le père Croizat était manœuvre », racontait souvent Michel. « Il fallait voir la lumière dans les yeux des anciens du coin quand ils vous racontaient qu’avant Croizat et la Sécu, ils vivaient dans l’angoisse de la maladie ou de l’accident qui leur ferait perdre leur travail et leurs moyens de vivre. Il fallait les voir rappeler avec émotion qu’un gars du coin, un ouvrier, était devenu ministre et avait pris une part déterminante à la création des retraites , alors qu’avant on mourait au travail ! » assénait-il.

Si un million de personnes accompagnent le cercueil d’Ambroise Croizat au cimetière du Père-Lachaise en 1951, le ministre communiste et cégétiste du Travail et de la Sécurité sociale tombe ensuite dans l’oubli. « L’entreprise collective qu’il a menée est pourtant d’une incroyable modernité ! La vie est tellement plus belle, plus juste et plus digne depuis ! » insistait Michel, qui a pris son bâton de pèlerin pour rendre à Ambroise Croizat la place qu’il méritait.

Infatigable, passionné et passionnant, Michel écrit de nombreux livres, la biographie Ambroise Croizat ou l’invention sociale, et multiplie les conférences et les rencontres. Sa voix chaleureuse, douce et enjouée, son plaisir communicatif de défendre l’histoire ouvrière et la Sécurité sociale lui permettent d’accomplir la mission qu’il s’est fixée. En 2012, Ambroise Croizat entre enfin dans le Larousse. Michel n’y est pas pour rien. On le voit alors heureux dans le beau film la Sociale, de Gilles Perret, tout comme on le croise épanoui à chaque fois qu’une rue, une place ou une salle de conférences se voit baptisée du nom du ministre.

« Il voulait, avec la CGT et le PCF, avec le Conseil national de la Résistance, assurer le bien-être de tous, de la naissance à la mort. Il a participé à la création des congés payés, en 1936, quand il était député, mais aussi à celle des conventions collectives, des comités d’entreprise, de la médecine du travail, de la prime prénatale et de la reconnaissance des maladies professionnelles. Tout ça en permettant aux travailleurs de s’emparer d’une grande partie du capital, en le socialisant et en l’orientant vers le bien-être et la fraternité. Il a fait œuvre de civilisation ! » appréciait Michel.

« Quelle joie ! » lançait-il encore quand notre journal a démarré, l’an dernier, une grande campagne de mobilisation pour demander l’entrée d’Ambroise Croizat au Panthéon.

Amoureux des mots et de la Savoie

Mais c’est aujourd’hui à Michel qu’il faut aussi rendre hommage. Et c’est une pluie qui est tombée, venue de ses camarades du PCF et de la CGT, et de tous ses lecteurs. « Tant de bons souvenirs se bousculent en même temps. Depuis notre rencontre, à la fin des années 1990, un long chemin pour rappeler le souvenir de Croizat a été parcouru. Il aimait le personnage autant que nous, la famille, et c’est avec ardeur et ténacité qu’il s’est attaché à lui rendre la place qu’il méritait. Je pense à son épouse et à son fils, au vide qu’il va laisser. Ce soir, la famille d ’Ambroise est en deuil avec eux », a réagi Pierre Caillaud-Croizat, petit-fils d’Ambroise. « Cet ardent défenseur de la Sécu répétait inlassablement que “chaque Français possède une carte du Parti communiste dans sa poche. C’est la carte Vitale”.

Sa disparition est un coup au cœur », a annoncé Fabien Roussel, secrétaire national du PCF. « C’était un homme magnifique, profondément humain et chaleureux. Il m’a beaucoup appris et va nous manquer », ajoute l’économiste et universitaire Catherine Mills.

Michel était aussi un amoureux des mots, qu’il maniait avec talent ; des sublimes montagnes de Savoie, dont il s’émerveillait sans cesse, et des habitants de sa vallée, dont il connaissait l’histoire ouvrière et pastorale par cœur.

Auteur de livres sur Marcel Paul ou Guy Môquet, il venait d’achever  Émilie au bout de la nuit, un ouvrage en forme d’hommage à sa mère et à toutes les femmes.

Correspondant pour notre journal dès les années 1970, il avait chroniqué avec talent les JO d’Albertville en 1992 et écrivait régulièrement dans nos pages. « Il était un compagnon rare et précieux de l’Humanité. Il était un frère fidèle, tenace et présent », mesure le rédacteur en chef Jean-Emmanuel Ducoin.

Nous transmettons à sa femme, Lysiane, et à son fils, Aurélien, nos salutations fraternelles. Quant à Michel, salut à toi, et embrasse Croizat !

Aurélien Soucheyre  Publié dans l'Humanité

 

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