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NOTRE BIEN COMMUN :

Comment la Macronie fait main basse sur la Sécurité sociale

Comment la Macronie fait main basse sur la Sécurité sociale

Vider les caisses, puis étatiser. Alors que le projet de loi de financement de la Sécurité sociale est présenté en Conseil des ministres, ce mercredi, des voix s’élèvent pour dénoncer la mise à mal de notre système de protection sociale par le pouvoir.

«  Qui veut noyer son chien, l'accuse de la rage », dit l'adage populaire. Appliqué à notre système de protection sociale, cela signifie que les gouvernements s’évertuent à en assécher le financement à coups d’exonérations, pour mieux justifier ensuite les tours de vis destinés à rééquilibrer les comptes. Cette tactique n’a rien de neuf : elle était déjà appliquée par la droite américaine dès les années 1970, au point d’être résumée par un mot d’ordre très imagé, « starve the beast » (littéralement, « affamer la bête ») (1). À croire que métaphores animalières et Sécurité sociale font bon ménage…

Nul ne sait si la présentation du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) en Conseil des ministres, ce mercredi, lui vaudra des noms d’oiseaux. Mais, syndicats et partis de gauche entendent profiter de l’occasion pour dénoncer la politique menée par le pouvoir en place, qui prend la Sécurité sociale en tenaille : l’assèchement des caisses, d’une part, la reprise en main et l’étatisation, d’autre part.

Aucun de ces deux mouvements n’a été initié par le président actuel, mais ce dernier compte bien boucler le travail de ses prédécesseurs.

Pour ce qui est des exonérations, elles atteignaient le montant colossal de 60 milliards d’euros, fin 2019 : allègement de cotisations « Fillon », pacte de responsabilité, Cice, etc. Emmanuel Macron a ajouté sa pierre à l’édifice avec 3,5 milliards d’euros d’allègement de cotisations supplémentaires, principalement au niveau du Smic. Autant d’abattements qui ravissent le patronat mais qui coûtent très cher à l’État.

Parachever un processus en cours depuis trente ans

En théorie, ce dernier a l’obligation de compenser à l’euro près toute nouvelle exonération de cotisations sociales, en application de la loi dite Veil de juillet 1994.

Mais le pouvoir actuel a décidé de s’affranchir allègrement de cette obligation dès 2019 : désormais, les allègements ne sont plus compensés, ce qui aboutit mécaniquement à un creusement du « trou » de la Sécurité sociale. Et prépare le terrain à de nouvelles réformes « structurelles ».

D’ailleurs, le gouvernement a encore contribué à dégrader les comptes en décidant de faire endosser aux organismes sociaux le fardeau de la « dette Covid » (51 milliards d’euros), constituée de mesures de soutien à l’économie (chômage partiel, report de cotisations, etc).

Mais assécher la Sécurité sociale ne suffit pas, il faut aussi reprendre en main son pilotage. Le pouvoir macroniste cherche à parachever un processus en cours depuis trente ans, qui est celui de l’étatisation de notre système de protection sociale. À partir de 1967, ce dernier était géré de manière paritaire, c’est-à-dire que les organisations syndicales et patronales siégeant au sein des conseils d’administration (Sécurité sociale, assurance-chômage, retraites complémentaires) tenaient les rênes.

Les premiers coups de canif sont donnés par la droite, avec le plan Juppé, de 1995-1996, qui confère au Parlement la responsabilité de l’élaboration de la loi de financement de la Sécurité sociale. Ce denier fixe dorénavant tous les ans l’objectif national d’évolution des dépenses d’assurance-maladie (Ondam). Officiellement, les syndicats siègent toujours au sein des conseils d’administration des différentes caisses (assurance-vieillesse, assurance-maladie, allocations familiales, etc.), mais leur rôle effectif dans le pilotage du système a été réduit comme peau de chagrin.

Voilà donc quelle était la situation avant l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron : le paritarisme primait encore dans deux organismes, l’Agirc-Arrco (retraites complémentaires) et l’Unédic (assurance-chômage).

Mais l’ancien banquier d’affaires a la ferme intention de liquider ces derniers bastions, ce qu’il annonce d’ailleurs clairement au détour de son programme électoral : « Parce qu’il assume en dernier ressort la responsabilité du chômage et de la précarité, l’État prendra en charge le système d’assurance-chômage », revendique-t-il, tout en assurant qu’il « associera l’ensemble des parties prenantes et en particulier les partenaires sociaux ».

« Associer » ne signifie pas « respecter ». Les syndicats en font l’amère expérience dès 2018, avec les négociations sur l’assurance- chômage. « La lettre de cadrage du premier ministre nous mettait en pratique dans l’impossibilité de négocier, rappelle Michel Beaugas, secrétaire confédéral FO. Le gouvernement nous réclamait 3,5 milliards d’euros d’économies sur le régime, soit plus d’un milliard par an ! D’une certaine manière, il savait pertinemment que nous n’accepterions jamais un tel coup de massue, et qu’il reprendrait la main derrière. »

Le risque de voir triompher la logique austéritaire

Il n’est pas question de s’arrêter en si bon chemin. Pour Pierre-Yves Chanu, vice-président CGT de l’Agence centrale des organismes de la Sécurité sociale, deux nouvelles menaces pointent à l’horizon :

« Le premier danger vient de la proposition de loi organique portée par Thomas Mesnier, député LaREM, adoptée par le Sénat le 28 septembre dernier. Ce texte vise à intégrer le financement de l’assurance-chômage au PLFSS. Autrement dit, ce serait l’État qui reprendrait entièrement la main, alors même que c’est l’Unédic qui commande aujourd’hui.

Le deuxième danger vient d’un changement profond du mode de financement de la Sécurité sociale. L’objectif poursuivi par le gouvernement est clair : diminuer la part des cotisations patronales, payées par les employeurs, et les remplacer par de la TVA, payée par l’ensemble des ménages. Concrètement, depuis 2018, on a divisé par deux les cotisations patronales d’assurance-maladie. Et le PLFSS 2022 prévoit que, dorénavant, 28 % de la TVA seront affecté s au budget de la Sécurité sociale. »

L’étatisation de notre système de protection sociale, dénoncée unanimement par les syndicats et une partie de la gauche, risque de voir triompher la logique austéritaire, comme l’expliquait le sociologue Frédéric Pierru, dans nos colonnes :

« C’est une logique purement budgétaire : on glisse d’une logique de droits associés au travail à une logique de solidarité qui passe par l’impôt. Dès lors, les dépenses de protection sociale sont comprises dans la loi de finances. Elles deviennent des lignes budgétaires au sein du budget global de l’État. Ce dernier décide de tout, en fonction de sa trajectoire de dépenses publiques contrainte par les règles européennes de contraction des… dépenses publiques. »

(1) Reprise à son compte par le président Ronald Reagan (1981-1989), cette stratégie vise à tailler dans les recettes de l’État, pour justifier par la suite des coupes drastiques dans les dépenses.
 
Cyprien Boganda  Article publié dans l'Humanité

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