BONNET BLANC ET BLANC BONNET ?
Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont en tête à l'issue du 1er tour de la présidentielle. Le score de l'extrême droite est très élevé (les scores cumulés de Le Pen - Zemmour et Dupont-Aignan donnent un total de 32.30%), et rend capital l’enjeu du second tour : il s'agit de repousser la candidate du RN.
Le 24 avril, Macron et Le Pen s’affronteront dans un duel qui n’aura rien à voir avec celui de 2017. Si Macron est arrivé en tête dimanche, avec 27.8 % des voix, contre 23,1 % pour la candidate du RN, les deux sont donnés au coude-à-coude pour le scrutin final (51 % contre 49 %).
La donne a donc considérablement changé depuis 2017. L’extrême droite n’a jamais été aussi forte et à ce point aux portes du pouvoir dans toute l’histoire de la Ve République. Il faut en effet ajouter au score de Marine Le Pen les 7,2 % d'Éric Zemmour et les voix de Dupont-Aignan qui a appelé à voter Marine Le Pen.
Pour la troisième fois en cinq scrutins élyséens, les Français devront donc faire barrage à l’extrême droite.
Le déplacement sera pénible, puisque le président des riches mène depuis cinq ans une politique de casse démocratique et sociale qui participe en partie à la montée du RN. Marine Le Pen a d’ailleurs beau jeu d’attaquer la Macronie sur ce sujet, en se présentant comme la candidate du « rassemblement des Français autour de la justice sociale », et en indiquant vouloir donner du poids « aux personnes face au pouvoir de l’argent ».
Ce discours tient pourtant de la plus pure escroquerie. Derrière un propos lissé et banalisé, Marine Le Pen ne propose rien d’autre que l’ultralibéralisme, la division de la population, la stigmatisation des étrangers et la destruction de notre République.
La gauche rassemble un peu plus de 30 % des voix
Les candidats de gauche ne se sont pas trompés, en appelant clairement à battre l’extrême droite.
Seul Jean-Luc Mélenchon a cabotiné. S’il a répété qu’il « ne faut pas donner une seule voix à madame Le Pen », le candidat de l’Union populaire n’a pas appelé explicitement à utiliser le seul bulletin de vote disponible pour faire barrage à l’extrême droite. Au risque de donner un blanc-seing à ceux qui entendent s'abstenir le 24 avril, alors que l’extrême droite peut l’emporter.
Mélenchon, arrivé en 3ème position dans ce scrutin avec 21,2 % des voix, n’est au final pas parvenu à être au second tour comme cela était prévisible. Il lui manque 422 000 voix ! Son appel à voter massivement pour lui afin de barrer la voie à une répétition du second tour de 2017 a en partie marché faisant des dégâts chez les verts comme dans l'électorat communiste particulièrement ciblé mais s'est avéré très insuffisant pour l'emporter, beaucoup d'électeurs faisant le choix de voter pour leurs idées et refusant de voter pour faire barrage à d'autres alors qu'ils ne sont pas d'accord sur le programme.
La gauche devra tirer les leçons de cet échec. En partant avec deux candidatures de plus qu’en 2017, elle pouvait élargir son socle électoral en ramenant les Français à elle. Elle n’y est pas parvenue.
L’abstention progresse même, puisqu’elle a atteint les 26,2 %, contre 22,2 % en 2017. Le candidat du PCF, Fabien Roussel, dont le parti s'était effacé en 2012 et 2017 derrière Mélenchon, obtient 2,3 % des suffrages après avoir atteint les 5 % dans les sondages. De 2.5% à 3% c'est ce qui a été drainé par le vote utile de Mélenchon, ne permettant pas à Fabien Roussel d'atteindre les 5%
« Nous avons, grâce à notre belle campagne, réussi à inscrire de nouveau le PCF dans le débat politique et médiatique de notre pays. Le chemin parcouru est énorme. Fabien Roussel est désormais reconnu comme l’une des principales figures de la gauche », a déclaré Ian Brossat.
Au sujet du second tour, Fabien Roussel a assumé de faire le choix de la « responsabilité ». « Je ne permettrai jamais qu’un projet raciste et xénophobe soit mis en œuvre à la tête de l’État. J’appelle à battre l’extrême droite en nous servant du seul bulletin qui sera à notre disposition », a-t-il déclaré.
L’écologiste Yannick Jadot ne rassemble que 4,8 % des voix. Il appelle lui aussi à faire barrage à Marine Le Pen, ajoutant que « personne ne doit minimiser la menace fondamentale que représente l’extrême droite ».
Même son de cloche du côté d’Anne Hidalgo, « pour que la France ne bascule pas dans la haine de tous contre tous », a affirmé la candidate du PS, qui plafonne à 1,7 % des voix (quand François Hollande obtenait 28,63 % en 2012 et Benoît Hamon 6,36 % en 2017). Il s’agit du plus faible score enregistré par le PS, confirmant son effondrement spectaculaire.
Comment la gauche va t-elle aborder la question de sa reconstruction ? Après cette défaite à la présidentielle, dont les Français risquent d’être les grands perdants, entend-elle faire front commun pour relever la tête lors de l’échéance primordiale des élections législatives prévues en juin ? C'est ce qu'a avancé Fabien Roussel dès hier au soir mais sera t-il entendu notamment de Mélenchon qui en 2017 avait joué la division ?
Emmanuel Macron peut perdre !
Le parti de la droite dite traditionnelle a lui aussi connu dimanche une bérézina électorale avec les 4,8 % de voix obtenus par Valérie Pécresse (contre 20,01 % pour François Fillon en 2017).
Le parti « Les Républicains » rate ainsi le second tour pour la deuxième fois, écartelé entre d’un côté la candidature d’Emmanuel Macron, et de l’autre celles de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour. Et ce n’est pas terminé. Valérie Pécresse a indiqué qu’elle votera « en conscience Emmanuel Macron pour empêcher l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen et le chaos qui en résulterait ». Mais Éric Ciotti, arrivé en deuxième position au dernier congrès LR, a de son côté indiqué qu’il votera « contre » le président sortant.
Le parti de droite jouera ainsi sans doute sa survie dans les semaines à venir. En 2017, la République en marche avait aspiré de nombreux élus LR et PS après la victoire de Macron. Cette recomposition pourrait s’accélérer en 2022. Le score du président sortant montre qu’il a à la fois conservé les électeurs satisfaits du quinquennat Hollande qu’il avait décrochés en 2017, et gagné ceux de droite qui, à travers son bilan et son programme anti-social, ont trouvé leur nouveau champion.
Mais tout indique que Macron ne l’emportera pas haut la main, et même qu’il pourrait perdre.
Le 24 avril, il faudra pourtant repousser par le vote le danger de l’extrême droite, avant de combattre sans relâche la politique du président des riches. Le seul choix possible pour éviter les jours les plus malheureux qui soient.
Et surtout, il faudra amplifier la participation aux luttes pour résister au capital et faire vivre les propositions des Jours Heureux pour changer la vie réellement. Luttes et urnes seront plus que jamais indissociables et notamment dès le mois de juin avec les législatives dont l'objectif premier est que quel que soit le président élu le 24 avril, il ne possède pas une majorité absolue à l'Assemblée Nationale.