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J'IRAIS VOTER ROUSSEL !

Pourquoi je vais voter Fabien Roussel dimanche

 Par Laurent BRUN

Je ne devrais pas avoir à le rappeler puisque c’est ma page personnelle, mais je le fais quand même : je défends ici un point de vue personnel. J’accepte les débats argumentés mais pas les insultes ou la malhonnêteté.

1) Le plus important selon moi, c’est pour renforcer le PCF.

Je sais que certains renverront ça à une bataille de chapelle, mais ça n’a rien à voir. Il ne s’agit pas de faire quelques voix ou gagner quelques élus, même si dans un rapport de forces toutes les forces comptent donc avoir des élus, avoir des militants, avoir des moyens matériels ça compte.

Mais il s’agit d’un enjeu bien plus vaste, il s’agit de donner une perspective à notre civilisation.

Ce système capitaliste me paraît de plus en plus insupportable.

Il donne de plus en plus de signes

- d’inefficacité (pénuries multiples même dans les pays industrialisés, incapacité à développer les forces de production correctement…),

- de dérives morales (déshumanisation de l’économie avec une nouvelle phase de transformation liée à l’intelligence artificielle et au numérique par exemple),

- de dangers mortels (incapacité à juguler les pandémies parce que seuls ceux qui sont solvables peuvent être soignés, incapacité à faire face efficacement au réchauffement climatique…).

Les scenarii sur l’avenir ne sont guère réjouissants. Et si culturellement le système capitaliste est vu comme indestructible, en réalité il s’avère très fragile : un simple bateau coincé dans le canal de Suez peut ébranler tout le commerce et l’économie mondiale.

Je ne vois pas comment s’en sortir en restant dans un système qui tord l’économie pour qu’elle ne réponde pas aux besoins du plus grand monde, mais aux besoins d’une minorité possédante.

Et de ce point de vue-là, il est efficace : de 2001 à 2021, les dividendes des entreprises du CAC40 (donc seulement les 40 plus grosses sociétés françaises cotées en bourse) sont passés de 15 à 71 milliards d’euros. Donc la valeur volée sur les richesses produites par le travail a été multipliée quasiment par 5 !!!! En 20 ans !!!!

Le patrimoine des 500 familles les plus riches de France est passé de 177 milliards d’euros à 952 milliards !!!! Donc X 5,4 !!!!

Pendant ce temps-là, le PIB a progressé de 90%. Les salaires, eux, ont augmenté de près de 45% (auxquels il faut retrancher 33% d’inflation).

Source Insee

Tout cela se fait en acceptant que 540 000 français renoncent à des soins médicaux pour raison financière, qu’il y ait 2 500 000 illettrés dans notre pays, 4 000 000 de mal-logés dont 300 000 SDF, 4 850 000 français qui ont souffert du froid l’hiver dernier, 5 500 000 privés d’emploi, 9 200 000 pauvres, 1 enfant sur 3 qui ne part jamais en vacances…

Et pour les autres, c’est loin d’être Byzance.

Au niveau mondial ce n’est guère mieux. Alors que la production mondiale de céréales devrait être stable (source FAO) malgré la guerre en Ukraine, le système de marché conduit la tonne de blé tendre à passer de 200€ en mars 2021 à 380€ en mars 2022 !!!! Les prix alimentaires vont exploser. Idem sur le pétrole, le gaz, etc.

Les capitalistes ont accumulé des milliers de milliards avec les politiques d’aides et le déversement de liquidités par les banques centrales. Ils ont besoin d’investir, donc dès qu’une opportunité se présente ils investissent massivement, spéculent sur la hausse des prix et créent des bulles énormes, sans aucun lien avec les capacités réelles de production. Au final c’est nous qui paierons. C’est une autre façon d’extraire de la richesse de notre travail. Mais ça va conduire une partie de la population mondiale dans la famine, avec toutes les répercussions que ça peut avoir.

Le système capitaliste est totalement hors contrôle. Et il pourrit de plus en plus nos vies. Donc plus je vieillis, plus j’adhère à l’idée de la Révolution.

La question ce n’est donc pas seulement une élection.

Depuis Marx et son Manifeste, puis Lénine, le rôle historique de tout Parti Communiste est de créer une force révolutionnaire capable de défendre, de gagner, et de construire la société qui supplantera le capitalisme : la société socialiste (son système économique, social, moral, culturel) puis la société sans classe - la société communiste. Ça suppose d’être dans un rapport de forces avec les capitalistes. Donc avoir un Parti Communiste le plus influent et le plus puissant possible est une condition nécessaire.

Ça ne veut pas dire qu’il doit tout faire tout seul. Il peut concevoir des alliances pour atteindre des buts pratiques. Mais il faut le renforcer à chaque fois que c’est possible parce que c’est lui qui constitue l’organisation et l’idéologie nécessaire au changement de société.

Le PCF s’est beaucoup affaibli. Il a parfois même oublié son rôle transformateur. Mais c’est justement pour ça qu’il est indispensable de le « réactiver », de le rendre visible, d’amener ses adhérents à reconstituer des pratiques militantes, à recréer des réseaux de sympathie, à faire adhérer d’autres personnes. Un parti de masse c’est un organisme vivant, s’il ne se bouge pas, il s’atrophie et meure.

On me dira qu’il y a d’autres partis à gauche et que certains sont mieux placés dans les sondages. Déjà c’est discutable. Toute la gauche pèse 30% donc il n’y aurait que deux façons de prendre le pouvoir dans ces conditions : un arc allant de l’extrême gauche à la droite « modérée », ou être face à un repoussoir (extrême droite) en pariant que la droite se rabattra sur un candidat « républicain » ce qui est très hasardeux.

Ensuite, la prise de la Présidence n’est pas le sujet principal. C’est la dynamique qui compte (mobilisation populaire, réseau militant dans toutes strates de la société pour faire obstacle aux contre offensives réactionnaires lors des réformes, etc.). Le PS nous a dit pendant 40 ans que seules les élections et les institutions comptaient et qu’il était le plus gros à gauche donc le mieux à même d’être le pivot de la transformation sociale. Et ça a lamentablement échoué parce que nous avons oublié que toutes les idéologies ne se valent pas, y compris à gauche.

La plupart des partis de gauche ne sont pas révolutionnaires. J’en suis certain pour le PS, EELV, et j’en suis presque sûr pour les autres. Ils veulent bouger des curseurs, la plupart du temps dans le bon sens (plus de redistribution, un meilleur accès aux besoins essentiels, des droits sociaux supplémentaires…) mais ils ne cherchent pas à changer complètement les fondements du système, ses mécanismes de fonctionnement et de régulation, son système juridico-administratif, etc…

Par exemple, il n’y a pas 36 écoles de pensée économique. Il y a les néoclassiques (et quelques variantes comme les keynésiens, les monétaristes ou autres) et les marxistes. Pratiquement aucun candidat à l’élection présidentielle ne se réclame du marxisme à l’exception de Roussel, de Poutou et de Arthaud.

Mon approche peut paraître dogmatique, mais j’ai toujours trouvé que les idées étaient à la base de tout.

Ne pas être marxiste, ça veut dire être néoclassique, donc libéral. Il y a plusieurs degrés dans le libéralisme. Mais ça reste du libéralisme.

Ça signifie qu’à un moment ou à un autre, les politiques transformatrices buteront sur la remise en cause du patrimoine des plus riches, le droit de propriété ou d’entreprendre, les règles de commerce nationales ou internationales, les règles bancaires ou monétaires, etc… A ce moment-là il faudra dépasser les contradictions en changeant les règles. Mais quand on n’est pas formaté pour ça, et qu’on n’a pas d’organisation pour ça, on finit par reculer.

C’est ce qui a amené le « tournant de la rigueur » en 1983, Jospin à dire que « l’Etat ne peut pas tout » face aux liquidations d’entreprises en 2001, ou encore Hollande à chercher un « pacte de compétitivité » en 2012.

C’est ce qui a amené Tsipras en Grèce à céder à la troïka et à mener une politique austéritaire, il est tombé dans le piège de la logique libérale : il faut d’abord rétablir les comptes publics pour réaliser ensuite des programmes sociaux, donc pour rétablir les comptes il faut réduire les dépenses sociales et doper l’économie par la compétitivité, il faut permettre aux capitalistes d’accumuler. On retombe très vite sur la logique de ruissèlement, plus ou moins organisé par l’Etat selon qu’on est de droite ou de gauche…

Ils n’ont pas « trahi ». Ils sont au contraire restés fidèles à leur conception de l’économie. Ce n’est pas une question de personne ou de comportement, mais d’idéologie. C’est nous qui nous sommes trompés en projetant nos attentes sur n’importe qui.

Donc je vote pour Roussel, le marxiste. Roussel qui se base sur le travail d’un Parti marxiste. Roussel qui propose de se réapproprier des entreprises pour en refaire de vrais services publics qui répondront mieux aux besoins sociaux (énergie, transport, télécommunication…) que les sociétés privées dirigées par l’avidité des actionnaires, Roussel qui propose de nationaliser les banques et les assurances pour supprimer une partie du coût du capital, Roussel qui propose de donner des pouvoirs aux salariés pour changer un peu le rapport des forces en leur faveur (droit de veto, droit de préemption, sécurité d’emploi et de formation…). Ça peut paraître être de simples mesures parmi d’autres. Mais pour moi ce sont des coins dans l’hégémonie idéologique libérale. Il y a plein d’autres propositions qui bousculent les a priori libéraux.

Ce n’est pas un projet révolutionnaire en tant que tel. C’est un programme correspondant à l’état du débat d’idées dans la société française et à l’état du PCF. C’est un programme qui permet de réouvrir des débats clos depuis longtemps (la maîtrise bancaire par l’Etat, le rôle moteur des salariés dans la société, la propriété publique et l’appropriation collective…). Donc c’est une candidature qui permet d’aller dans le bon sens du débat idéologique selon moi.

On ne reprendra pas le pouvoir par les petites tactiques ou des fusions de tout et son contraire. Et on ne le reprendra pas tout de suite. Les capitalistes ont été trop loin dans l’endoctrinement de la société. Ça se retrouve dans la division politique, l’affaiblissement du mouvement social, l’atomisation du mouvement associatif, etc. La reconquête prendra un peu de temps. Mais cette candidature repose de bonnes questions.

Elle permet aussi de pousser le débat dans le PCF avec ceux qui conservent le logiciel des 20 dernières années et ne voient l’action politique que comme une action institutionnelle, une série d’alliances et de tractations, de posture électorale. Avec la campagne, et surtout son caractère motivant, nous retrouvons pleins de réflexes organisationnels et ce qui paraissait impossible depuis 10 ans, redevient facile. La politique c’est d’abord la lutte, les actions qui bousculent comme l’opération « gros poisson » ou d’autres.

Nous n’avons pas besoin d’un Président, nous avons besoin d’une autre société. Le camarade que nous présentons à l’élection n’est qu’un véhicule pour le dire. Et il n’y a que lui pour le dire, comme nous voulons le dire, pour provoquer des réflexions dans une partie de la population.

2) Ensuite, la candidature Roussel permet aussi de mener la controverse à gauche. Au lieu de toujours parler de ce qui nous rassemble (ce qui ne sert à rien), ou encore pire d’avoir une voix unique, on parle de ce qui nous divise pour le mettre en débat dans la population. J’ai déjà eu l’occasion d’expliquer ça donc je ne développe pas mais c’est vital pour la gauche d’avoir des débats animés.

Les polémiques sur le nucléaire, la sécurité, et encore plus sur la viande permettent de confronter les différents arguments sur ces sujets, mais elles permettent aussi de remettre une valeur fondamentale au centre du débat : la logique de classe ! Ce n’est pas en tapant sur les prolétaires qu’on fera avancer la civilisation.

Oui il y a des gens qui doivent faire attention à éteindre les lumières chez eux. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui vont avoir besoin de consommer plus d’électricité pour atteindre un niveau de vie décent (c’est vrai en France et encore plus à l’échelle mondiale). Donc il va probablement falloir en produire plus, ou en tous cas on ne pourra pas produire beaucoup moins. D’où l’utilité du nucléaire. Les scénarios qui parlent d’une réduction drastique défendent implicitement le maintien des pauvres dans un état de pauvreté.

C’est pareil pour les productions agricoles. Il faut modifier les principes de production, augmenter le nombre d’exploitations et leur donner une taille humaine, mais il ne faut pas baisser le niveau global de production parce qu’il y a plein de gens qui doivent éviter le gaspillage mais il y a aussi plein de gens qui doivent consommer plus. C’est une question de survie.

Le bon et le beau accessible à tous, ce n’est pas qu’un bon mot ou un gadget de campagne, ça pose la nécessité d’avoir une vision de classe. C’est en affirmant que la classe ouvrière doit pouvoir mieux vivre qu’on pourra la re mobiliser. Et ensuite, c’est en transformant le système économique que l’on permettra que cette amélioration ne pèse pas sur l’environnement. C’est le système qui gaspille.

En plus, j’ai trop de désaccords avec les autres candidats pour passer dessus : avec la FI, le financement de la sécurité sociale par la CSG et/ou l’impôt c’est la mort de la sécu et ça n’a pas du tout la même efficacité que la cotisation sociale ; la retraite à 60 ans c’est bien mais à taux plein c’est mieux, sinon on part avec des retraites de misère et donc on est finalement obligé de partir plus tard, etc… Avec les Verts, la concurrence ou le marché comme moteur de la transformation écologique c’est n’importe quoi. Bref, je me sens plus en accord avec les propositions de Roussel qui me semblent dessiner un futur plus cohérent et plus juste.

3) Enfin, voter Roussel c’est donner une dynamique pour l’élection suivante : les législatives.

Devoir subir Macron, la droite ou pire, ne veut pas dire qu’on ne va pas résister. Au contraire. Et pour cela il faudra des parlementaires de combat. Or les députés (et aussi les sénateurs) communistes ont toujours été un appui dans les luttes.

Ils donnent des infos sur les réformes en cours, ils lèvent parfois des scandales (comme l’a fait Roussel sur le groupe Apollo hébergé dans un paradis fiscal alors qu’il liquidait une entreprise en France, ou les frères Bocquet sur l’évasion fiscale), ils relaient les luttent sociales dans l’hémicycle en s’opposant aux réformes ou en faisant des propositions de loi pour forcer le débat public (lors de la grève de 2018 ils nous ont ouvert les portes de l’Assemblée pour y faire une conférence de presse sur la réforme ferroviaire, et dernièrement les sénateurs ont fait une proposition de loi visant l’abrogation de la réforme de 2018). Et parfois même ils arrivent à obtenir des victoires, même si c’est très rare. Par exemple, le relèvement de la pension minimum des ouvriers agricoles proposé par André Chassaigne a réussi à passer malgré les coups tordus du gouvernement. Bref, ils sont nécessaires, comme d’ailleurs les députés FI.

Pour ces 3 raisons, je voterais Roussel sans aucun doute, ni aucun scrupule.

Au premier tour je choisi selon mes idées, et au second tour j’élimine. Sois-je vote à gauche s’il y a un candidat (et ce sera là aussi sans scrupule), soit je vire le plus dangereux si c’est droite/extrême-droite.

Laurent BRUN

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