25 Août 2022
La situation du système éducatif français est alarmante. À une crise structurelle, qui fait que notre école parvient plus à réduire les inégalités, voire qu’elle les aggrave, et que la démocratisation des savoirs est bloquée, s’ajoutent les conséquences des politiques brutales menées par Macron et Blanquer, ces 5 dernières années.
Crise de recrutement : Les absences non remplacées s’accumulent, au point de priver les
élèves des académies les plus touchées de l’équivalent d’années entières de scolarité (La FCPE estime que les élèves du 93 perdent en moyenne un an de scolarité à cause de ces non-remplacements, et les chiffres se sont encore aggravés pendant la crise sanitaire). Et aujourd’hui, nous ne savons pas qui fera cours aux élèves de l’école publique à la rentrée prochaine. Les politiques d’austérité qui ont conduit à ne pas recruter à la hauteur des besoins, la dégradation du métier et une réforme hasardeuse des concours de recrutement ont créé une situation d’une gravité sans précédent. Dans les trois académies d’Île-de- France, au moins 1 600 postes de professeurs des écoles seront vacants à l’issue des concours. Dans le secondaire, pour 1 035 postes de professeurs de mathématiques offerts cette année, il n’y a que 816 candidats admissibles. Les job dating académiques n’apportent aucune solution au problème : ils contribuent au contraire à l’aggraver, en manifestant le mépris du gouvernement pour le métier d’enseignant, en contribuant à sa dévalorisation, en déstabilisant les équipes et en envoyant des contractuels sans formation tout droit à l’épuisement et à la démission. Le recours massif aux contractuels contribue aussi à la mise au pas des enseignants qui voient leur liberté pédagogique de plus en plus mise en cause.
Désorganisation du lycée, du bac et de l’accès au supérieur : les réformes Blanquer du lycée et du baccalauréat ont profondément désorganisé le lycée public. Dès leur mise en place, la construction des emplois du temps des lycéens s’est révélée impossible. Puis, on a dû constater que l’organisation des épreuves était elle aussi une usine à gaz. Finalement, le gouvernement annonce un « ajustement » : le retour des mathématiques dans le tronc commun… mais sous la forme d’une option et sans moyens supplémentaires. Et à l’issue de ce parcours du combattant, les jeunes doivent encore affronter Parcoursup : ils découvrent alors qu’ils n’ont pas su s’orienter correctement dans cette confusion, qu’ils n’ont pas fait le bon lycée ou la bonne option, et qu’ils ne pourront pas réaliser leurs projets. Quel gâchis ! Et quel message à la jeunesse ! Ce chaos organisé masque une sélection brutale, qui sacrifie la grande majorité de la jeunesse.
Nouveau ministre, vieille politique. Le départ de Blanquer est un soulagement pour la communauté éducative. Mais son remplacement par Pap Ndiaye ne marque aucune inflexion de la politique menée : « mérite », « sélection », « autonomie »… À Marseille, Macron a promis la poursuite de son projet de casse du service public national au profit d’une école à plusieurs vitesses.
Cette dégradation du service public d’éducation national ne relève pas seulement d’une politique budgétaire, qui ferait des économies sur l’éducation : il s’agit bien de réduire le service public à un service minimal, réservé aux familles qui n’ont pas d’autre choix, pour développer parallèlement le marché de l’éducation (enseignement privé, cours particuliers, loisirs éducatifs…) et les politiques locales (à l’échelle des collectivités ou des établissements, dans le cadre de projets territoriaux, de « cités éducatives » ou de projets d’établissements, voire d’expérimentations comme à Marseille). À l’arrivée, une éducation de moins en moins commune, de plus en plus différenciée en fonction des moyens de la famille et des collectivités locales, des établissements fréquentés, des capacités à s’orienter dans un système opaque et confus, c’est-à-dire de plus en plus inégalitaire. Ce projet encourage le séparatisme scolaire : en privant les citoyennes et les citoyens de demain d’une culture partagée, il constitue une menace pour notre démocratie. En individualisant les parcours et les formations, il empêche les salariés de demain d’acquérir des qualifications communes et contribue à les isoler face au patronat. En soumettant les élèves et leurs familles à la concurrence et à la sélection de plus en plus précoce (pour accéder aux « bons » établissements, à la bonne formation…), il produit épuisement et souffrance et sacrifie les aspirations de la jeunesse.
Nous lui opposons un projet d’école en commun : une école capable d’accueillir et de faire progresser tous les jeunes, ensemble, de leur transmettre une culture commune de haut niveau, pour leur donner les moyens de maîtriser les défis auxquels ils seront confrontés dans leur vie d’adulte. Ce n’est pas seulement une question de justice. C’est aussi une nécessité pour la vie démocratique, dans les institutions comme dans l’entreprise. Comment penser une nouvelle République, des droits nouveaux pour les travailleurs dans l’entreprise, sans donner aux citoyennes et aux citoyens de demain les moyens de comprendre un monde complexe et de le transformer ? C’est une urgence, si nous voulons inventer des solutions nouvelles aux défis écologiques, économiques, sociaux et même anthropologiques auxquels nous faisons face. C’est aussi une nécessité pour qui veut transformer la société, nos modes de production, répondre aux enjeux sociaux et environnementaux de notre temps.