8 Août 2022
Patrick Le Hyaric est journaliste, ex-directeur de l’Humanité, député européen du PCF de 2009 à 2019
À partir de la résolution déposée par mon ami Jean-Paul Lecoq s’est déclenchée une vaste opération visant à assimiler toute critique du pouvoir israélien et de sa nouvelle constitution à de l’antisémitisme. C’est odieux et vise à étouffer le combat pour l’application du droit international pour la création de deux États, un État israélien qui existe et un État palestinien que le premier s’obstine par tous les moyens à empêcher d’exister.
Le mot « apartheid » défrise un certain nombre de gens dans notre pays, jusqu’au ministre de la Justice qui devrait relire ses classiques. Ils se disent choqués, car selon eux, on ne peut comparer la situation avec l’Afrique du Sud avant que Nelson Mandela ne la libère de l’apartheid. Les mêmes, à cette époque, critiquaient déjà toutes les initiatives de solidarité avec le peuple sud-africain, notamment les appels au boycott.
Aujourd’hui, nous parlons d’une ségrégation spatiale, d’inégalités d’accès aux droits et de violences d’État à l’encontre des Palestiniennes et Palestiniens en Israël, à Gaza et en Cisjordanie occupée. Des hommes politiques israéliens, dont d’anciens ministres, utilisent ce terme d’apartheid qui veut dire « séparation », « développement séparé ». En plus des trois ONG, B’tselem, Human Rights Watch, Amnesty International, l’organisation israélienne Yesh Din qualifiait en 2020 le régime israélien d’apartheid. Il ne s’agit ni d’un mot tabou, ni d’une insulte, ni de la propagande, mais d’une qualification juridique, inscrite dans le droit international, en particulier dans le statut de Rome en 1998 et dans une résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies datant de 1973.
Ajoutons que les autorités françaises ont parfois considéré que le rouleau compresseur du pouvoir israélien contre les Palestiniens leur refusant un État menait à l’apartheid. Ainsi Jean-Yves Le Drian, ministre des Affaires étrangères, déclarait au Grand Jury RTL/ Le Figaro/ LCI, le 23 mai 2021 : « Dans des villes Israéliennes, les communautés se sont affrontées ; c’est la première fois et ça montre bien que si d’aventure on avait une autre solution que la solution à deux États, on aurait alors les ingrédients d’un apartheid qui durerait longtemps ». Quand on sait que la haute fonction d’un tel ministre l’oblige en permanence à peser ses mots, on mesure la signification de l’alerte. Et, M. Le Drian, pas plus que les ONG israéliennes B’tselem, ou Yesh Din n’est antisémite. Ils défendent simplement le droit international.
Un débat public noble doit avoir lieu sur la situation de la Palestine et les moyens de reconnaître et de construire un État palestinien. Tel est l’intérêt de tous, au premier rang desquels les Israéliens. L’assassinat de notre amie, la journaliste Shiren Abu Akleh , le 11 mai dernier, la prolongation de la détention arbitraire de l’avocat franco-palestinien Salah Hamouri sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui, l’amplification de la colonisation depuis quelques semaines appellent au moins un débat et des actions de la France et de l’Union européenne.
On ne peut laisser la Palestine et les Palestiniens disparaitre dans le silence ou les vociférations irresponsables de quelques excités anti-communistes comme M. Onfray ou Dupont-Moretti.
Patrick Le Hyaric