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HOMMAGE A MIKHAIEL GORBATCHEV :

M.Gorbatchev et son épouse à Paris en 1989

Hommage à Mikhaïel Gorbatchev par Francis Wurz
La disparition de Mikhaïl Gorbatchev ravive des souvenirs contrastés. Son élection à la tête du parti communiste de l’Union soviétique en 1985 suscita chez bien des communistes français, dont moi-même, un immense espoir : celui d’une rénovation en profondeur du socialisme soviétique dont le déclin tous azimuts sous l’ère Brejnev avait fait dire à Enrico Berlinguer qu’il avait « perdu sa force propulsive ».
 
Le nouveau visage de la pérestroïka
 
Après le décès de Brejnev puis celui, aussi soudain qu’inattendu, du prometteur Iouri Andropov, le bref et caricatural règne de Constantin Tchernenko, proche de la sénilité, confirmait dramatiquement la prédiction du leader communiste italien. C’est dire le soulagement et l’espérance suscitée par l’émergence de l’antithèse de cette sorte de déliquescence du pouvoir soviétique : la nomination de Gorbatchev !
 
La «pérestroïka» allait enfin donner ou rendre à cette expérience grandeur nature d’alternative au capitalisme le visage attractif qui lui manquait si cruellement.
 
Et ce fut effectivement le cas. Du monde entier, les plus éminentes personnalités -dirigeants politiques progressistes, écrivains de premier plan, autorités morales- firent le voyage de Moscou à l’invitation du nouveau chef du Kremlin. Les mesures emblématiques -tant sur le plan intérieur qu’en matière de politique internationale- se succédèrent à un rythme impressionnant, tranchant avec la stagnation du passé : de la libération de prisonniers d’opinion à la lutte contre le fléau de l’alcoolisme et du désarmement nucléaire à la proposition de « Maison européenne commune », l’ère Gorbatchev tint ses promesses.
 
Comment cette dynamique vertueuse n’aurait-elle pas enthousiasmé la génération de militants et de militantes qui n’avait pratiquement connu du socialisme que sa lente décadence, au point de devoir en peser les acquis positifs et les effets pervers pour tenter d’en sauver «globalement» l’honneur…
 
La révision de la stratégie soviétique envers les «démocraties populaires»
 
Par la suite, cet engouement fut progressivement tempéré par l’accumulation des contradictions du processus de démocratisation en Union soviétique même, qu’elles fussent dues à la résistance des «conservateurs» de l’ordre ancien, à l’obsolescence des structures du régime ou aux erreurs de jugement -reconnues- de Gorbatchev. Puis vint l’époque -inévitablement douloureuse bien qu’inévitable- de la révision de la stratégie de l’URSS envers les «démocraties populaires», à commencer par la République démocratique allemande.
 
En annonçant à ses dirigeants qu’ils ne pourront plus compter sur une quelconque intervention soviétique pour sauver leur pouvoir, Gorbatchev les plaça devant leurs responsabilités historiques : engager sans tarder de profondes réformes car « Celui qui est en retard est puni par la vie », un langage inaudible pour un Erich Honecker totalement dépassé par les événements.
 
Aurait-il pu tenter d’arracher à ses interlocuteurs occidentaux -notamment américains et allemands- un accord plus équilibré, évitant une annexion de fait de la RDA par la RFA ? A-t-il fait preuve de toute la fermeté requise pour s’assurer par écrit que l’engagement pris par le Secrétaire d’État de George Bush (senior), James Baker, que « la juridiction militaire actuelle de l’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’Est » soit effectivement tenu ? La réponse à ces questions doit intégrer la réalité des rapports de force mondiaux à l’époque de la chute du Mur.
 
Séance d’humiliation au G7 en 1991
 
Comme l’a souvent rappelé Bertrand Badie, « Mikhaïl Gorbatchev fut humilié par le G7 tenu à Londres en juillet 1991 et qui avait mis à l’ordre du jour l’aide à apporter à Moscou. Le Président fragilisé dut attendre de longues heures dans l’antichambre, alors que la plupart des Chefs d’État et de gouvernement, réunis derrière la porte, s’entendaient pour garder l’essentiel de leurs moyens financiers… en faveur de son probable successeur, Boris Eltsine. » (1)
 
Selon Hubert Védrine, Washington aurait même demandé à son allié, l’Arabie saoudite, d’augmenter sa production de pétrole pour en faire effondrer le prix, afin de priver l’Union soviétique des revenus nécessaires à son éventuel redressement et ainsi «condamner à l’échec la pérestroïka» ! (2).
 
À méditer alors que les hommages au «père de la pérestroïka» pleuvent dans toutes les chancelleries occidentales…
 
Francis Wurtz

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