13 Décembre 2022
Mélenchon hors jeu et Quatennens dans les choux, les militants de LFI ont lors de leur assemblée nationale, désigné le remplaçant. C'est Manuel Bompard qui a été désigné.
Il était seul, sans adversaire, sans débat et avec une mise à l'écart des voix jugées divergentes. Le moins que l'on puisse dire, c'est que tant la méthode que le bonhomme créent des remous dans les rangs de LFI. Le mouvement gazeux s'en remettra t-il ?
Il est vrai que question démocratie interne et transparence, LFI n'est pas un bon exemple. C’est à huis clos et à l’abri des médias que les militants ont entériné, samedi, les changements à la direction de leur mouvement.
Une nouvelle coordination a été choisie, avec Manuel Bompard à sa tête. Celui qui est devenu le bras droit de Mélenchon succède à Adrien Quatennens. La nouvelle direction veut valoriser les néo-députés FI. Elle compte 21 membres, avec des binômes animant chacun un espace thématique, à l’intérieur duquel on retrouve un ou plusieurs « pôles ».
« Plus des deux tiers des animateurs des pôles ont été renouvelés. Et, pour la coordination des espaces, c’est plus de 50 % de renouvellement », un sacré coup de balai ! C'est l'insoumis Gabriel Amard (gendre de Mélenchon), qui fait part de ces évolutions lors d’une conférence de presse donnée après l’assemblée.
De grosses pointures sont écartées. Clémentine Autain, qui avait été de ceux qui appelaient à des changements dans la vie démocratique du mouvement, ne figure pas dans la coordination alors qu’elle voulait en être. François Ruffin, critique régulier de la ligne actuelle n’y sera pas non plus. Ni Alexis Corbière et Raquel Garrido, ni même le président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, Éric Coquerel. Quel ménage !
« Alors que le moment appelle pour la FI à la cohésion et l’ouverture, la direction choisit la fermeture et le verrouillage », a déploré Clémentine Autain. Pour Éric Coquerel, « il serait souhaitable que soit représentée dans la direction toute la nuance du mouvement »…
Alors que le mouvement est en crise, la nouvelle direction prétend, elle, que ce choix a été fait au « consensus ». mais sans dire entre qui et qui ! Ou, comme le dit Clémentine Autain, « par cooptation, ce qui favorise les courtisans et contribue à faire taire la critique ». « Virer de la table ceux qui ne sont pas d'accord ça ne s'appelle pas un consensus », tempête Raquel Garrido.
Une soixantaine de militants de la région parisienne ont écrit un « appel pour la VIe République à LFI » pour « tirer la sonnette d'alarme » contre une « absence totale de démocratie », selon l'AFP : « Nous traversons en effet une véritable crise interne liée aux décisions verticales à répétition […], à aucun moment nous n'avons été consultés. »
Le mouvement s’est doté d’un « conseil politique » dont le rôle est flou mais qui devrait permettre aux mécontents d'y être présents. Pourraient figurer François Ruffin et les mouvements alliés tels que le Parti ouvrier indépendant (POI) ou le parti REV d’Aymeric Caron. Manuel Bompard a renvoyé les critiques en touche en annonçant une nouvelle assemblée en juin prochain.
La France insoumise s’est également dotée de nouvelles structures, dont une était réclamée par ses militants : les « boucles départementales », afin de remettre un peu d’ordre dans un fonctionnement jusqu’ici très « gazeux ». Elles auront pour vocation de coordonner les groupes d’action locaux au niveau départemental pour des actions ponctuelles, à défaut de les diriger.
Par ailleurs, la FI a lancé un plan de financement dans l’objectif d’acquérir au moins un siège dans chaque département entre 2023 et 2026. Le mouvement fera appel aux dons auprès des militants tout en utilisant ses fonds propres pour financer ces acquisitions.
La FI a également annoncé un appel à la manifestation le 21 janvier contre la réforme des retraites. Le 5 février, elle lancera son think tank, l’Institut La Boétie, codirigé par Clémence Guetté et Jean-Luc Mélenchon.
Insoumissions au sein de LFI ? Mélenchon dénonce une volonté médiatique de «salir» le mouvement
Plusieurs figures du mouvement ont critiqué le manque de démocratie interne après la présentation d'une nouvelle «coordination» chapeautée par Manuel Bompard. Sans nier les désaccords, ce dernier appelle à laver son linge sale en famille.
Les députés de la France insoumise (LFI) Clémentine Autain et François Ruffin, écartés de la «nouvelle coordination» du mouvement emmenée par le député de Marseille Manuel Bompard, ont vertement critiqué le 11 décembre le fonctionnement du mouvement, évoquant respectivement le «repli» et le «rétrécissement» à sa tête. De son côté, la nouvelle direction fait valoir une nécessité de renouvellement du mouvement, et appelle à ne pas dialoguer par médias interposés.
Clémentine Autain et François Ruffin montent au créneau
«Le repli et le verrouillage ont été assumés de façon brutale», a dénoncé la députée de Seine-Saint-Denis dans un entretien publié en «une» de Libération, reprochant à la direction d'avoir été «choisie par cooptation, ce qui favorise les courtisans et contribue à faire taire la critique». Déplorant la «marginalisation de ceux qui ont une parole différente du noyau dirigeant actuel», elle ne voit pas «comment on peut porter la VIe République et assumer un tel fonctionnement». «Il faut démocratiser LFI : une force à vocation majoritaire ne peut être un bloc monolithique», ajoute la députée, qui avait déjà plaidé durant l'été pour une refonte du fonctionnement du mouvement. Clémentine Autain a aussi égratigné, en ciblant explicitement Jean-Luc Mélenchon, la forme des interventions publiques de LFI, en parlant d'un «fracas permanent qui atteint parfois des points Godwin».
Ces déclarations en une du quotidien ont fortement déplu à Jean-Luc Mélenchon : «Toute la une pour nous salir», a-t-il réagi sur la page Facebook de l'élue de Seine-Saint-Denis.
«Je suis un peu triste que plutôt qu’un élargissement, on ait un rétrécissement», a pour sa part déploré sur LCI François Ruffin, élu de la Somme, y voyant le «consensus d’un petit groupe qui s’est mis d’accord avec lui-même». «C’est la moitié de l’équipe qui reste au vestiaire», a-t-il imagé, expliquant avoir été lui-même placé «sur le banc de touche».
Outre ces deux députés, qui ont commencé à évoquer dans différentes interviews l'élection présidentielle de 2027 et la succession de Jean-Luc Mélenchon, de nombreuses voix au sein de LFI ont critiqué le fonctionnement de l'organisation à l'occasion de «l'Assemblée représentative» réunie à Paris le 10 décembre, à l'issue de laquelle la nouvelle «coordination» emmenée par Manuel Bompard a été présentée.
Plusieurs élus de premier plan du mouvement, dont Clémentine Autain et François Ruffin, mais aussi Alexis Corbière et Eric Coquerel, n'auraient pas été conviés à l'événement. Eric Coquerel a ainsi affirmé auprès de l'AFP «découvrir» la désignation de Manuel Bompard à la tête du mouvement, même s'il l'a jugée «naturelle», saluant les talents d'organisation de l'élu de Marseille. «Il serait souhaitable que soit représentée dans la direction toute la nuance du mouvement», a plaidé l'élu de Seine-Saint-Denis, plus modéré dans ses propos que Clémentine Autain qui avait fustigé un message «de nature à fragiliser le rassemblement» qu'elle appelle de ses vœux. «Je n'ai été au courant de rien, aucune info, aucun coup de fil», a par ailleurs pesté un «pilier» du groupe parlementaire cité par l'AFP.
Mélenchon et Bompard défendent le renouvellement des instances de direction
La nouvelle direction de LFI compte 21 membres et a été présentée comme le résultat d'un effort de «renouvellement» par le député du Rhône Gabriel Amard. Elle devrait être secondée par un «conseil politique» plus large, qui permettrait de débattre de la stratégie, et qui serait composé d'élus, de personnalités et de cadres insoumis. Cette instance sans dirigeant et à la fonction consultative n'était pas prévue jusqu'à très récemment, ont témoigné auprès de l'AFP plusieurs députés, qui ont appris son existence cette semaine.
Un problème de riches
Manuel Bompard a de son côté promis des réformes internes afin de «changer la nature du mouvement», en améliorant la coordination entre les groupes d'action locaux (unités de base de LFI), en donnant plus de latitude aux militants locaux ou encore en créant une «école des cadres». Alors que les autres partis de la Nupes ont déjà tenu ou tiennent leurs congrès, Manuel Bompard a indiqué préférer le «consensus» plutôt que les élections pour éviter «l'affrontement entre une majorité et des minorités».
Il a encore rappelé ce 12 décembre sur France Inter que LFI n'était pas un «parti politique traditionnel». «Nous avons des formes de désignation de la direction qui ne sont pas les mêmes que les autres, ça ne veut pas dire qu'elles sont moins collectives», a-t-il fait valoir.
Il a en outre estimé que ce renouvellement permettrait d'«ouvrir» davantage le mouvement en mettant en avant des figures ayant «très récemment» rejoint LFI.
«Que certaines personnes qui souhaitaient être membres de cette direction opérationnelle ne le soient pas, [...] c'est un problème de riches», a également taclé Manuel Bompard en mettant avant les bons résultats électoraux du mouvement, et en assurant ne dire «à personne de se taire». «Si on peut éviter d'étaler ces discussions sur la place publique, c'est mieux», a-t-il cependant ajouté.
Sur son blog, Jean-Luc Mélenchon avait commenté le renouvellement des instances de direction en réfutant toute «faveur du prince» dans le processus et recommandé «l’entente» face «à la montée des dangers». Affirmant que la nouvelle coordination n'a «rien à voir» avec un bureau politique classique, il a aussi critiqué les prises de parole qui rendent «la vie commune impossible par des confidences de presse», et mis en avant le fait que «la forme de la vie du mouvement Insoumis est en évolution permanente». L'ancien candidat à la présidentielle a aussi annoncé qu'il allait co-diriger, avec la députée Clémence Guetté, l'Institut La Boétie, le cercle de réflexion des insoumis, tout en intégrant la fameuse «coordination» du mouvement.