25 Janvier 2023
A l’initiative des élus communistes de l’Assemblée nationale, 98 députés de la Nupes ont déposé mardi une motion référendaire sur la réforme des retraites du gouvernement. Avec l’objectif d’imposer une consultation directe sur ce projet très contesté. Entretien du président des députés communistes, André Chassaigne
Soumettre la réforme des retraites au jugement des Français ? Tel est l’objectif que se sont fixés les députés communistes à l’Assemblée nationale. Soutenus par des dizaines de leurs collègues de la Nupes, ils ont déposé une motion référendaire sur le projet que le gouvernement a prévu de faire adopter par la voie d’un PLFSSR (projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificatif). Une méthode contestée par ses opposants, y compris sur le plan constitutionnel.
En réponse, la motion référendaire sera débattue dès le 6 février dans l’hémicycle, jour d’ouverture des débats. L’objectif : suspendre les débats sur le fond, pour soumettre le texte à référendum. Encore faut-il obtenir une majorité simple dans les deux chambres, mais aussi qu’Emmanuel Macron accepte la proposition. Ce qui limite les chances de voir aboutir une telle procédure.
Mais André Chassaigne a tout de même bon espoir. Le député communiste du Puy-de-Dôme sait le président sous pression des mobilisations, et estime que s’il ne cède pas sur le contenu du texte, il finira par accepter ce référendum.
Le président compte faire passer sa réforme dans le cadre d’un PLFSSR. Que vous inspire cette manière de gouverner ?
André Chassaigne : Il est absolument impensable qu’une réforme si importante, au regard des conséquences qu’elle aurait sur la société et sur les travailleurs, puisse être traitée par le biais du PLFSSR. Cette procédure constitutionnelle n’est pas faite pour cela. C’est un artifice qui consiste à faciliter un éventuel passage en force par le recours soit au 49.3, soit aux ordonnances. C’est un véritable déni de démocratie. Surtout, cela limite le temps des débats, et ne permettra donc pas d’aller au fond du sujet. Le gouvernement ne veut pas affronter l’opinion publique, très largement opposée à ce projet de loi. Or la locomotive est lancée, et le mouvement va s’amplifier. Si Emmanuel Macron veut en sortir la tête haute par le référendum, je dis chiche !
Dans ce contexte, avec quels objectifs avez-vous décidé de déposer une motion référendaire ?
A.C : Face au procédé anti-démocratique employé par l’exécutif, nous voulons au contraire faire en sorte que l’ensemble du peuple de France s’exprime, c’est pourquoi nous proposons de passer par un référendum. Emmanuel Macron prétend que sa réforme des retraites tire sa légitimité de son résultat à l’élection présidentielle. C’est une argumentation malhonnête puisque beaucoup ont voté au second tour pour barrer la route de l’Elysée à l’extrême droite et non pour le projet macroniste. Nous répondons donc simplement que c’est au peuple de trancher cette question, c’est ça, la véritable démocratie. D’ailleurs, s’opposer au référendum reviendrait à confirmer que l’opinion des travailleurs n’est pas prise en compte dans ce pays. Et ce serait un véritable désaveu politique de sa part. Par ailleurs, les membres du gouvernement ne s’attaqueront pas au fondement juridique de notre motion puisque leur méthode, à savoir le recours au PLFSSR, est elle-même contestée juridiquement, notamment par des constitutionnalistes. Or, pour monter au mât de cocagne, il faut avoir le cul propre !
Lors des précédentes réformes des retraites, vous aviez déjà déposé une motion référendaire, sans succès. Qu’est-ce qui pourrait changer la donne aujourd’hui ?
A.C : Le principal changement, c’est qu’Emmanuel Macron n’a plus de majorité absolue à l’Assemblée. Et nous parlons avec d’autres groupes : tous les députés LR ne soutiennent pas ce projet de loi, quelques-uns pourraient voter en faveur de la motion référendaire. C’est aussi le cas pour des membres du groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Notre motion peut obtenir une majorité, ce n’est pas impossible. Si nous y parvenons, il ne me paraît pas envisageable que le président refuse ce référendum, car ce serait s’asseoir sur le vote de notre Assemblée. Il sera donc au pied du mur. S’il finissait par l’accepter, ce serait une porte de sortie honorable.
Interview de Antoine Portoles Publié dans l'Humanité