7 Mai 2023
En déplacement à Saintes, où un comité d’accueil l’attendait pour protester contre la réforme des retraites, Emmanuel Macron a dévoilé les contours d’une autre réforme, celle du lycée professionnel. Là encore, contre l’avis des syndicats et des personnels de la voie professionnelle.
La verticalité du pouvoir encore une fois. Loin de l’apaisement tant vanté par le gouvernement, le chef de l’État revient sur la concession de sa ministre déléguée chargée de l’Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean. Le 27 janvier dernier, celle-ci avait constaté « une absence de consensus » à l’issue d’une consultation de trois mois, boycottée par plusieurs syndicats. Et avait finalement décidé d’abandonner la mesure la plus contestée du projet de réforme du lycée professionnel : l’augmentation des périodes de stages en entreprise, qui avait été au centre de deux journées de grève les 18 octobre et 17 novembre.
Mais l’allongement des périodes de stage a été remis sur la table par Emmanuel Macron. D’abord hier, dans un texte qu’il a publié sur Facebook, dans lequel il réaffirme que ces derniers seront plus nombreux. Puis ce jeudi 4 mai, à l’occasion de son déplacement à Saintes, en Charente-Maritime, où il reprend, au moins pour les élèves de terminale, sa proposition initiale qui semblait abandonnée il y a trois mois : « la durée des stages sera augmentée de 50 % ». Autre mesure annoncée : la refonte de la carte des formations, gérée localement, c’est-à-dire au plus près des besoins en main-d’œuvre. Emmanuel Macron projette de la réorienter vers les métiers en tension ou « d’avenir », en faisant une place plus importante aux entreprises dans ces choix. Encore une mesure largement contestée par les syndicats enseignants.
Pour répondre d’avance à celles et ceux qui verraient dans cette décision une livraison de l’enseignement professionnel aux entreprises, le chef de l’État s’en prend bassement à ses détracteurs. « Que tous ceux qui défendent le système actuel en répondent », ose-t-il. Une de ces provocations dont Emmanuel Macron est coutumier et qui fera hurler tous celles et ceux mobilisés à l’automne dernier et qui dénoncent également les réductions d’heures d’enseignement général antérieures.
« Comme je m’y suis engagé lors de la campagne présidentielle, les stages seront plus nombreux. Ils seront aussi rémunérés, parce que tout travail doit payer », expliquait hier Emmanuel Macron dans sa tribune publiée sur Facebook. Une façon de brosser les élèves dans le sens du poil et peut-être une tentative de les séparer des enseignants hostiles à l’allongement du temps en entreprise. Mais en réalité une aumône qui en dit long sur ce que le chef de l’État entend par « tout travail doit payer ».
L’indemnité de stage progressive, nom donné à cette rémunération annoncée ce matin, sera de 50 euros par semaine en première année de CAP et en seconde, 75 euros en deuxième année et en première, et 100 euros en terminale. « Ce n’est pas ce que nous pouvons appeler une gratification ! » a protesté la CGT-Educ’action sur Twitter. Le syndicat a pris sa calculette : « 1,4 € de l’heure de stage pour les 1ere CAP et seconde pro ! 2.1 €/h pour les ter cap et 1ere bac pro et 2,8 €/h pour les terminales bac pro ». A peine de quoi se payer un sandwich et un café à la pause de midi.
Une rémunération qui ne sera même pas versée par les employeurs mais par l’État, a annoncé Emmanuel Macron. Et qui représentera une part substantielle du milliard d’euros supplémentaire alloué à la voie professionnelle et annoncé par le chef de l’État.
Malheureusement, cette indemnité ridicule n’est pas la seule tartuferie qui est vendue aux élèves à l’occasion de la présentation de la réforme. « Le but, c’est que chacun puisse trouver un bon métier, un métier avec un bon salaire, et qui a du sens », assure Emmanuel Macron dans sa tribune sur la réforme du lycée professionnel. Un objectif incompatible avec la vocation de ce projet de répondre immédiatement aux besoins des entreprises, particulièrement dans les métiers en tension. En effet, parmi ceux-ci, on retrouve les métiers de la restauration et du nettoyage. Mais aussi, ceux de la logistique ou encore les aides à domicile et aides ménagères. Soit de nombreuses professions payées au raz du SMIC et manquant cruellement de reconnaissance professionnelle.