25 Novembre 2023
« La situation est extrêmement préoccupante. » C’est avec gravité qu’Annabelle Vêques, directrice de la Fédération nationale des associations de directeurs d’établissements et de services pour personnes âgées (Fnadepa), brosse la situation dans laquelle se débat le secteur des aides à domicile.
Voilà sept ans qu’Emmanuel Macron promet une grande loi sur la dépendance, censée répondre financièrement à la hauteur des enjeux liés au vieillissement de la population. Sept ans que rien ne vient, mis à part la création d’un cinquième pilier de la Sécurité sociale sans moyens fléchés. Sept ans que le secteur se déliter se délite, ne parvenant plus à répondre aux besoins des familles ni à recruter de nouveaux professionnels.
Lundi 20 novembre, une proposition de loi va pointer le bout de son nez. Pas la loi-cadre espérée, plutôt une version rabougrie. Déposé en décembre 2022 par les députés de la majorité, dont Aurore Bergé devenue depuis ministre des Solidarités, ce texte, qui vise à « bâtir la société du bien vieillir en France », a vu son examen sans cesse reporté depuis avril. L’Assemblée devrait s’en saisir lundi prochain. Au préalable, Aurore Bergé, aura présenté sa feuille de route ce vendredi 17 novembre.
Un rendez-vous très attendu par les principaux acteurs du secteur. « 78 % de nos adhérents manquent de personnel. Les services à domicile ont de grosses difficultés économiques. Si bien que 92 % de nos établissements et services prédisent qu’ils seront en déficit à la fin d’année », pointe la directrice de la fédération représentante de 1 500 structures publiques, associatives et privées commerciales.
« Ça fait trois-quatre ans que je dis qu’on est au pied du mur. Mais là, ça y est : on est dans le mur, traduit Louisa, professionnelle de l’aide et du maintien à domicile à Saint-Étienne (Loire). Dans mon association, par exemple, on vient de recruter une salariée de 68 ans. Vous imaginez ? »
À l’image de cette travailleuse, c’est toute une profession qui est à bout de souffle. Depuis des années et encore plus ces derniers mois, représentants des employeurs comme des salariés ne cessent de tirer la sonnette d’alarme. D’un côté, les plus de 60 ans seront 27 millions en 2050.
De l’autre, le nombre de fermetures d’établissements de Saad (services d’aide et d’accompagnement à domicile) est en augmentation et ceux qui tiennent le choc manquent cruellement de personnels. Les professionnels savent bien que la proposition de loi ne résoudra pas tout. D’autant que les raisons de cette perte d’attractivité sont nombreuses.
« Je l’ai retrouvée décédée chez elle »
En plus de faire face à l’inflation, les auxiliaires de vie bénéficient d’un salaire de misère. « Je gagne 11,80 euros de l’heure avec onze ans d’ancienneté, confie Cassandra (le prénom a été modifié), aide à domicile dans un Saad de Lille (Nord), une association à but non lucratif. Pour que mon salaire augmente, il faut que je change d’échelon en réalisant plus de toilettes. Mais mon employeur me le refuse. » En moyenne, ces travailleuses touchent un salaire annuel de 16 300 euros dans le privé d’après une étude de l’association Recherches & Solidarités et de l’Urssaf.
À cela s’ajoute une pénibilité de ces métiers absolument pas reconnue. « Physiquement, c’est très dur. Comme nous ne sommes pas considérés comme soignants, nous n’avons pas le matériel pour soulever des personnes âgées », explique Élisabeth Boutet, auxiliaire de vie depuis trente-cinq ans à La Roche-sur-Yon (Vendée).
S’ajoute la fatigue émotionnelle. « Un jour, j’ai sonné chez une personne âgée dont je m’occupais. Comme elle ne répondait pas, je suis donc passée par le garage et je l’ai retrouvée décédée. Après cela, j’ai vu un psychothérapeute. Mais j’ai peur quand une personne n’ouvre pas la porte. » Pourtant, elle l’assure toujours : « Je suis passionnée par mon métier. »