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POURSUITE DE LA COLONISATION :

Pourquoi le vote du dégel du corps électoral a fait exploser la colère du peuple kanak ?

KANAKY

Pourquoi le vote du dégel du corps électoral a fait exploser la colère du peuple kanak ?

Ces derniers mois, la mobilisation grossit en Kanaky contre la réforme du corps électoral. Avec cette réforme constitutionnelle, la France entend reprendre définitivement la main sur l’archipel et mettre un terme aux concessions accordées par les accords de Nouméa.

Le mouvement de révolte ouvert en Kanaky ce lundi, dans la continuité des grandes mobilisations de ces derniers mois, fait déjà l’objet d’une répression féroce, avec la mort de trois jeunes Kanaks dans la nuit de mardi à mercredi et l’annonce de l’état d’urgence sur l’archipel par Emmanuel Macron. Ces mobilisations sont une réponse au « projet de loi constitutionnelle portant modification du corps électoral pour les élections au congrès et aux assemblées de province de la Nouvelle-Calédonie », débattu à l’Assemblée nationale en début de semaine après avoir été approuvé par le Sénat le 2 avril dernier.

Adopté au Palais Bourbon ce mardi, le texte doit encore être validé par les trois cinquièmes des deux chambres réunies en Congrès à Versailles. Mais que signifie le « dégel » du corps électoral en Kanaky, et pourquoi cette réforme constitutionnelle met-elle le feu aux poudres dans l’archipel ?

Les termes des accords de Nouméa

Conclus à l’issue des « évènements » des années 1984-1988, qui avaient été marqués par d’importantes mobilisations indépendantistes kanaks, les accords de Nouméa de 1998 consacrent en apparence certaines concessions de la France à un processus de décolonisation en Kanaky, réinscrite sur la liste des territoires non autonomes de l’ONU en 1986.

Ces accords prévoient notamment l’organisation de trois référendums d’autodétermination, et le strict encadrement du corps électoral pouvant participer à ces consultations ainsi qu’aux élections provinciales qui désignent le Congrès de la Nouvelle-Calédonie, le parlement local. Ce corps électoral restreint – réaffirmé dans la loi constitutionnelle du 23 février 2007 – est l’application d’une revendication indépendantiste kanake élémentaire, afin que le peuple kanak qui subit une colonisation de peuplement par la France depuis 1853 ne soit pas artificiellement mis en minorité par les métropolitains récemment arrivés.

Les règles concernant le corps électoral spécial en Kanaky prévoient ainsi que seuls peuvent voter aux référendums d’autodétermination et aux élections provinciales les électeurs qui étaient inscrits sur les listes électorales pour le référendum d’approbation des accords de Nouméa le 8 novembre 1998, ainsi que leurs enfants. Or, pour pouvoir participer au référendum de 1998, il fallait justifier de 10 ans de résidence sur l’archipel, soit y être installé depuis au moins 1988.

Mascarades électorales et poursuite de la colonisation

Cette liste électorale restreinte n’est pourtant pas une garantie suffisante pour certains Kanaks qui peinent à s’y inscrire… faute de pouvoir justifier de leur résidence ou celle de leurs parents en 1988 ! En 2016, Nouvelle-Calédonie la 1ère rapportait ainsi que 25 000 Kanaks n’étaient pas inscrits sur la liste électorale pour le référendum de 2018. En 2023, c’était 11 000 natifs de l’archipel, dont une majorité de Kanaks qui étaient toujours exclus des listes.

Après un premier référendum en 2018 remporté à 56,7 % par le « non » à l’indépendance, puis un deuxième en 2020 toujours remporté par le « non » avec un score plus faible de 53,26 %, Macron a fait du troisième référendum une véritable mascarade. Après la constitution historique du premier gouvernement de Nouvelle-Calédonie majoritairement indépendantiste, Macron avait contre-attaqué en organisant la consultation de façon précipitée le 12 décembre 2021, alors que les mesures anti-covid rendait toute campagne sérieuse impossible et que de nombreuses familles kanakes frappées par l’épidémie étaient en deuil.

Dans ces conditions, les organisations indépendantistes kanakes telles que l’UNI, le Parti travailliste et l’UC-FLNKS avaient appelé au boycott du scrutin. La participation avait alors chuté à 43,87 % (contre 81,01 % en 2018 et 85,69 % en 2020), retirant toute légitimité aux 96,50 % de « non » issus de la consultation. Cela n’avait pourtant pas empêché Macron de se féliciter de ce résultat et d’applaudir le maintien de la Kanaky dans le giron français.

Avec ce troisième référendum se sont éteints les espoirs nés des accords de Nouméa, qui auront au bout du compte servi à l’État français à gagner du temps pour poursuivre la colonisation. En effet, durant les trente ans de gel du corps électoral, l’État et les entreprises françaises ont poursuivi l’entreprise coloniale en octroyant des primes au fonctionnaires s’installant en Kanaky ou en offrant des postes à des métropolitains, y compris en contournant la loi néo-calédonienne sur l’emploi local.

Macron liquide les accords de Nouméa et réaffirme la place de la France dans le Pacifique

La réforme constitutionnelle en cours prévoit de mettre fin au gel du corps électoral en ouvrant le droit de vote aux élections provinciales aux personnes justifiant d’une durée de résidence de dix ans sur le territoire. Intégrant ainsi de nouveaux métropolitains venus s’installer en Kanaky ces trente dernières années, la mesure profitera électoralement aux anti-indépendantistes. La réforme constitutionnelle a d’ailleurs été précédée par une loi organique repoussant au plus tard au 15 décembre 2024 les élections provinciales qui auraient dû se tenir en mai 2024, permettant aux nouvelles règles électorales d’être adoptées avant le scrutin.

Ces interventions intempestives du parlement français dans les affaires kanakes est la parfaite expression du colonialisme français en Kanaky, qui manœuvre afin de se maintenir dans l’archipel, riche en nickel et stratégiquement situé dans région indo-pacifique, alors que la Chine s’affirme comme compétiteur structurel des puissances occidentales. En favorisant l’implantation de métropolitains, en manipulant les processus électoraux, et en avançant aujourd’hui sur le dégel du corps électoral, Macron entend reprendre la main sur l’agenda et les règles du jeu politique en Kanaky pour y consolider la présence française.

Dans ce cadre, les appels au « dialogue » du gouvernement, formulés en parallèle d’une répression brutale mais bien accueillies par toute une partie des indépendantistes, ne peuvent constituer autre chose qu’une tentative de canaliser la colère actuelle sur le terrain de discussions minées, dans lesquelles le gouvernement et les forces loyalistes seraient nécessairement en situation de force après le vote du dégel du corps électoral. En 2024, après plus de 20 ans d’impasse des accords de Nouméa, qui semblent demeurer un horizon indépassable en dépit de leur incapacité à offrir un droit effectif à l’auto-détermination au peuple kanak, il y a urgence à rompre avec cette logique qui mène à l’impasse.

Alors que le mouvement anti-impérialiste connaît un rebond d’une ampleur historique depuis les mobilisations pour le Vietnam dans les années 60 et 70, la jeunesse mobilisée contre le génocide en Palestine, c’est un front par en bas pour l’auto-détermination du peuple kanak qu’il faut construire, aux côtés du mouvement ouvrier hexagonal et de l’ensemble des forces politiques et associatives opposées au colonialisme.

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