OU PRENDRE L'ARGENT :

par Pcf du Charolais (71)

Le financement du programme du Nouveau Front Populaire. Où prendre l'argent ?

Le Nouveau Front Populaire et de son financement. Financer l’augmentation du SMIC et des salaires. Financer un nouveau droit à la retraite. Le projet fiscal .

Le financement du programme du Nouveau Front Populaire. Où prendre l'argent ?

Le programme du Nouveau Front Populaire et la logique économique du programme du Nouveau Front Populaire et son financement par Frédéric Boccara

 

La logique économique du programme du Nouveau Front Populaire (NFP) est de partir des besoins pour engager un nouveau type de développement et d’efficacité :

 

Temps 1 – « Rupture » et « bifurcation »

 

  • Réponse immédiate aux exigences sociales et écologiques populaires (services, publics, emploi, salaires, minima sociaux, logement, …)
  • En mettant des avances financières immédiates à leur service des exigences sociales par la mobilisation du pôle bancaire public et en réorientant les aides publiques

 

Avec des pouvoirs démocratiques pour contrecarrer ceux qu’exercent les marchés financiers sur les banques et les entreprises (« l’utilisation de l’argent »).

 

  • Pour cela on réalise, en parallèle, des réformes de structure (bifurcation) qui permettent de s’assurer que l’on prend bien le chemin d’un développement pérenne, efficace :

 

  • Nouvelle conditionnalité sociale et écologique de toutes les aides publiques
  • Pôle public bancaire et financier, réglementation bancaire
  • Nouveaux droits d’intervention des travailleurs
  • Nouvelle fiscalité
  • Augmentation et Modulation des cotisations sociales
  • Soumission de « la finance » à cotisation (dividendes, rachats d’action, …)
  • Quid d’institutions de planification écologique et sociale ??
  • Rôle positif des services publics (formation, recherche, écologie, …) et de la protection sociale

 

En effet, les enseignements de Keynes et de bien d’autres nous disent que des avances monétaires peuvent permettre de prendre efficacement le chemin d’un autre développement, mais ce n’est pas fatal. Marx, entre autres, montre à quel point le monopole du capital qui vise le taux de profit vient piloter de façon perverse ces avances. Il faut s’assurer que le bon chemin est pris en dirigeant ce flux monétaire selon des critères d’efficacité écologique, sociale et économique.

 

Alors cet autre développement génèrera les ressources qui permettent d’entretenir de façon pérenne le développement que nous souhaitons

 

Temps 2 – la « transformation » et le financement auto-entretenu

 

  • La transformation prend alors corps et le financement tend à s’auto-entretenir1. Le poids de l’endettement dans le PIB recule, une nouvelle production se développe, les « déficits » économiques et écologiques commencent à se résorber. Pour cela il faut bien distinguer les temporalités : (1) et (2) réponse aux besoins = « rupture » engagement des réformes de structure = « bifurcation » (3) développement efficace, pérenne = « transformation ».

 

La logique de développement, c’est que l’écologie et le social (l’emploi, la formation, les services publics et la réduction du temps de travail) sont but et moyen de la transformation, pour une tout autre production et activité économique.

 

  • Développement écologique : diminution des rejets de CO2, économie de matières et de capital matériel, diminution des rejets polluants. Il faut s’en assurer dans tous les projets de ‘investissement et de production et basculer vers une économie où, tout en répondant aux besoins matériels (logement, alimentation, transport, …), la priorité devient le développement des services humains (santé, culture, …) 
  • Développement social : un emploi de qualité, avec un temps de travail fortement réduit aussi bien à la semaine/année, que tout au long de la vie (retraite plus tôt, temps de formation accru tout au long de la vie), pour permettre aussi bien l’émancipation, l’épanouissement, desserrer la tension du travail que pour permettre la participation à la vie sociale.

 

Le développement des services publics et de la protection sociale sont décisifs en ce sens. C’est en lien avec la conception d’une sécurisation plus ou moins radicale de l’emploi et de la formation, devenue commune à l’ensemble du monde syndical.

 

Viabilité et efficacité économique. La question est lancinante depuis 1983-84, mais aussi quand on pense à 1936. On nous attend à ce tournant !

 

  • La première question lancinante est celle des coûts des entreprises : il y a d’une part la nécessité de préserver leurs capacités de développement et d’autre part la compétitivité internationale. Nous proposons certes coopération et des protections Européennes, mais cela est loin de suffire, surtout à court terme… Ce que nous proposons de nouveauà l’unisson du mouvement social et syndical, c’est la baisse du coût du capital (dont ses prélèvements), et même tous les autres coûts que les dépenses sociales et pour le vivant. Donc une baisse des coûts… mais tout autre !

 

  • La seconde question est celle de l’international et de l’Europe. Pour l’Europe, Le « pacte européen pour le climat et l’urgence sociale » ouvre une bataille pour sortir en commun de l’austérité, par exemple avec un Fonds européen de développement des services publics dans tous les pays de l’UE. Cela éviterait d’être dans une opposition de phase conjoncturelle ! Nous proposons aussi des mécanismes de financement public sur des critères précis, dans l’UE, pour une nouvelle production industrielle et de services.
  • Ceci dit, l’international est la partie faible du programme. Peut-on aussi « interpréter » ? Par exemple, il est écrit : « mettre fin aux traités de libre échange » : que met-on à la place ? Des traités de coopération avec le Sud global : échanges et investissement privilégiés si cela développe les biens communs (santé, environnement, …) et l’emploi des 2 côtés, articulé avec des protections économiques.
  • Enfin, la question de la monnaie, d’un nouvel ordre économique international et du dollar est ouverte.

 

Sur le fond, nous pouvons dire que le NFP cherche à tenir compte de l’expérience du Front populaire de 1936 : il agit sur la monnaie et les banques (le Front populaire n’avait pas cherché à impulser un autre crédit aux entreprises, au contraire de ce qui a été fait à la Libération), et à tenir compte de l’échec de 1983-84 (il cherche à agir sur l’offre des entreprises, leurs coûts, pas seulement sur la demande, et sur l’international).

 

S’il se centre bien sur l’orientation d’avances financières massives avec de nouveaux droits pour la société civile et les travailleurs.ses, il tiendra compte de l’expérience réussie de la Libération.

 

1 « Tend », car on a toujours besoin d’avances et de crédit, donc les avances et le crédit ne disparaissent pas mais le poids de l’endettement dans le PIB commence à reculer et le PIB a une tout autre composition

Financer l’augmentation du SMIC et des salaires. Par Denis Durand

Le Nouveau Front populaire propose de porter le SMIC net de 1 398,69 euros mensuels à 1 600 euros, soit une augmentation de 200 euros. Cette mesure est indispensable, non seulement pour répondre à la détresse que cause l’appauvrissement d’une part croissante de nos concitoyennes et concitoyens, mais aussi pour faire entrer l’économie dans un cercle vertueux : stimuler à la fois la « demande » (la consommation populaire) et l’« offre » (une création de valeur ajoutée sur le territoire national, rendue efficace par la sécurisation de l’emploi et un développement ambitieux de la formation des salariés). Elle doit intervenir dès l’arrivée de la gauche au gouvernement.

 

L’augmentation doit bien entendu porter sur le SMIC brut. Il serait en effet inconcevable que la gauche emprunte à la droite et à l’extrême-droite l’escroquerie d’une augmentation des salaires nets « financée » par une baisse des cotisations. C’est à dire un détricotage de la Sécu !

 

Compte tenu des taux de cotisation en vigueur, il faut donc porter le SMIC brut de 1 766,92 à 2 021 euros. Pour les salariés actuellement rémunérés au SMIC ou en-dessous, qui sont au nombre d’1,4 million, cela entraînera une dépense supplémentaire annuelle, pour les employeurs, de l’ordre de 11 milliards d’euros.

 

La mesure bénéficiera aussi aux 2,2 millions de salariés dont la rémunération actuelle est comprise entre 1 400 et 1 600 euros, rattrapés par le nouveau SMIC, ce qui représente environ, pour les employeurs, une dépense de 10 milliards d’euros. L’effet direct de la décision administrative d’augmentation du SMIC sera donc pour les employeurs une dépense supplémentaire d’environ 21 milliards, dont 5 milliards au titre des cotisations sociales.

 

Mais l’augmentation du SMIC doit aussi être répercutée sur les autres échelons de la grille des salaires. En effet, l’objectif de la gauche ne doit pas être de « smicardiser » la grande majorité des salariés mais au contraire d’enclencher une dynamique vertueuse d’augmentation des salaires. Devraient s’y ajouter des augmentations, à tous les niveaux de l’échelle des salaires, pour prendre en compte le rattrapage du pouvoir d’achat perdu du fait de l’inflation, la réalisation effective de l’égalité salariale entre hommes et femmes, la reconnaissance des qualifications, etc. S’y ajoutera, selon les termes du programme du Nouveau Front populaire, une augmentation des cotisations vieillesse de 0,25 point par an. Ces points seront à l’ordre du jour de la grande conférence sociale sur les salaires, l’emploi et la qualification qui aura lieu à l’été.

 

Au total, dans l’hypothèse, très modeste, où l’augmentation des salaires irait des 200 euros annoncés pour le SMIC net, à 90 euros au niveau du salaire médian (2 100 euros nets actuellement), puis s’annulerait progressivement pour les salaires plus élevés, il en résulterait, compte tenu des taux de cotisation en vigueur, une dépense supplémentaire pour les employeurs de l’ordre de 60 milliards, soit une augmentation de 6 % de la rémunération brute totale des salariés des entreprises.

 

Il faut comparer cette dépense auxprofits des entreprises. On peut approximativement les mesurer, en comptabilité nationale, par l’excédent brut d’exploitation des sociétés financières et non financières, qui était de 491 milliards d’euros en 2023. Toutes choses égales par ailleurs, la hausse du SMIC les réduirait donc d’environ 12 %. Mais toutes choses ne sont pas égales par ailleurs.

 

D’une part, les profits des entreprises ne servent pas seulement à payer des dividendes et des intérêts. Les entreprises doivent continuer à se développer. Elles doivent investir : la formation brute de capital fixe des sociétés financières et non financières s’est élevée à 360 milliards d’euros en 2023, et la réindustrialisation, la transformation écologique de l’économie, exigeront des dépenses encore bien supérieures dans les prochaines années. Il faudra surtout développer l’emploi, la formation des salariés et les investissements qui les accompagnent, pour pouvoir augmenter les richesses produites avec une nouvelle efficacité économique, sociale et écologique.

 

D’autre part, la concurrence extérieure, y compris intra-européenne, est très importante. Elle ne disparaît pas d’un coup. Tout en engageant une logique de coopération, elle nécessite de continuer à réduire les coûts des entreprises pour tenir face à cette concurrence… mais, loin de l’obsession de la « baisse du coût du travail », il s’agit de baisser d’autres coûts et prélèvements : ceux du capital !

 

Enfin et surtout, nous savons bien que le patronat n’acceptera pas sans résistance de réduire ses profits pour augmenter les salaires. La hausse des salaires exigera donc une mobilisation dans les entreprises et dans le pays. Les salariés pourront s’appuyer sur l’élargissement de leur droit d’intervention dans l’entreprise qui figure dans le programme du Nouveau Front populaire. Ce programme comporte plusieurs dispositions qui les y aideront.

 

Il prévoit en effet une modulation des cotisations sociales patronales : ces cotisations seront augmentées pour les entreprises où la part de la masse salariale et des dépenses de formation dans la valeur ajoutée diminue, ou augmente moins que la moyenne de leur branche. Les entreprises seront ainsi fortement dissuadées de recourir à des licenciements, à des externalisations, ou de restreindre les salaires. Cela contribuera à sortir du cercle vicieux de la « baisse du coût du travail » et à amorcer un cercle vertueux de développement socialement et écologiquement efficace de l’emploi, de la valeur ajoutée et des salaires. Pour agir dans le même sens, l’impôt sur les sociétés serait rendu progressif en fonction de la taille des entreprises, et modulé pour encourager la création de valeur ajoutée économe en capital matériel et financier.

 

Le programme prévoit également de conditionner les aides aux entreprises au respect de critères environnementaux, sociaux et de lutte contre les discriminations au sein de l’entreprise, et de les inscrire dans une stratégie industrielle publique.

 

La façon la plus efficace de le faire sera de remplacer une partie croissante de ces aides par un programme de crédits bancaires bonifiés et garantis par l’État. Au lieu de distribuer des subventions qui n’alimentent que les profits, ou des exonérations sociales qui vident les caisses de la Sécurité sociale, la puissance publique (via par exemple un fonds national et des fonds régionaux pour l’emploi, la formation et la transformation écologique des productions) prendra en charge une partie des intérêts de ces crédits, pour ramener leur taux à un niveau très faible, voire nul ou négatif. Par exemple, sur les quelque 200 milliards d’aides aujourd’hui dispensés aux entreprises, 30 milliards pourraient être réaffectés à un programme de prêts bonifiés. Cela permettrait de réduire de 5 points le taux de 600 milliards de crédits, soit 44 % des crédits bancaires aux entreprises en cours.

 

Cette réduction du coût du capital compenserait à elle seule la moitié des dépenses entraînées par la hausse des salaires, sans compter le développement des entreprises qu’elle rendrait possible. En effet, l’accès au crédit des entreprises, particulièrement les TPE-PME, en serait grandement facilité, libérant un considérable potentiel de création d’emplois et de richesses. Ces crédits auront vocation à être refinancés par la BCE, via la Banque de France, à des conditions préférentielles sur le modèle des refinancements à long terme ciblés (TLTRO) pratiqués par la BCE depuis 2014, ce qui contribuera à faire baisser leur coût pour les entreprises bénéficiaires. Bien sûr, celles-ci devraient, en contrepartie, s’engager à « jouer le jeu » des augmentations de salaires, des créations d’emplois et de la prise en compte de critères écologiques. Précisément le programme du NFP prévoit des droits de suivi des aides publiques par les salariés.

 

Pour compléter ces indications, il convient de souligner que cette évaluation ne porte que sur les salaires du secteur privé. De leur côté, l’État, les collectivités territoriales et la Sécurité sociale auront à financer la hausse des pensions et des minima sociaux, la hausse du point d’indice des fonctionnaires (entre 20 et 30 milliards de dépenses supplémentaires à effectifs constants), la garantie d’autonomie pour les ménages situés sous le seuil de pauvreté, etc.

Financer un nouveau droit à la retraite digne de son temps. Par Jean Marc Durand

Le programme du NFP propose d’engager de profondes transformations dans les trois mois suivant la période d’installation des 100 Jours. A ce titre il est proposé de réaffirmer une retraite à 60 ans pour tous en intégrant plusieurs critères nouveaux de financement et d’assiette de calcul. Pour autant, atteindre un tel objectif nécessite un effort de réflexion et de propositions à la fois précises et radicales particulièrement en termes de financement et de pouvoirs d’intervention des salariés.

 

  1. Quel objectif voulons-nous atteindre ?

 

Au XXIe siècle, il est plus que jamais légitime de revendiquer des pensions dignes, avec le droit pour toutes et tous à un départ à 60 ans avec une pension à taux plein (en prenant en compte les années d’études), et de partir plus tôt pour celles et ceux qui ont commencé à travailler tôt ou qui ont exercé des travaux pénibles. Si telle est notre ambition, il faut prendre au sérieux l’ampleur des ressources financières que de tels objectifs imposent de mobiliser. Ainsi :

 

  • Un départ effectif à 60 ans implique, s’il était mis en application dès cette année, une forte augmentation du nombre de personnes à qui il faut servir une pension ;
  • Le calcul du montant des pensions sur une base favorable (dix meilleures années ou six derniers mois pour les fonctionnaires) augmente le montant global des pensions à verser ;
  • Différentes autres dispositions (reconnaissance de la pénibilité, prise en compte des années d’études dans les annuités, suppression de la décote, égalité femmes-hommes en matière de retraites comme en matière de salaires…) conduisent également à relever le montant global des dépenses de retraites.

 

Estimer l’effet immédiat de ces différentes améliorations, et son évolution au cours du temps, est une opération complexe mais les diverses évaluations disponibles, d’origine syndicale ou en provenance d’autres horizons, convergent pour admettre que le coût global du passage à un système de retraites tel que le souhaitent nos concitoyennes et concitoyens atteindrait au moins cent milliards d’euros par an, soit quelque 4 % du PIB.

 

La réponse est donc de consacrer une part accrue des richesses au financement des retraites mais il y a aussi bien d’autres dépenses à développer : pour la santé, l’éducation, la recherche, la sécurité, l’écologie… Il faut donc une « part du gâteau » plus grande pour les salaires, pour la Sécurité sociale, et pour les services publics.

 

Mais toutes ces dépenses ne peuvent être compatibles entre elles que si le « gâteau » est plus gros, et surtout s’il est fabriqué avec une recette sociale et écologique, et non selon la « recette » capitaliste qui ne vise que le taux de profit le plus élevé pour les actionnaires et les financiers et qui lamine donc les dépenses publiques et sociales.

 

En somme, un projet aussi ambitieux ne peut être réalisé seulement en changeant la répartition des richesses : il exige de changer la façon de produire les richesses.

 

  1. Concrètement, par quels moyens atteindre notre objectif ?

 

La retraite à 60 ans pour toutes et tous à taux plein exige de dépenser plus. C’est une exigence sociale mais au-delà un choix de société dans lequel nous voulons inscrire le XXIe siècle. Cela signifie :

 

  • De prendre au sérieux l’ampleur des ressources financières à y consacrer : au moins 100 milliards d’euros chaque année, 4 % du PIB de 2021.
  • Que la seule redistribution des richesses existantes n’y suffira pas, d’autant que ces richesses sont amoindries par le chômage et la crise des gestions capitalistes.
  • Qu’il faut produire autrement les richesses, c’est-à-dire faire prévaloir de nouveaux critères de gestion des entreprises et des banques.
  • Que les propositions ci-après, visent précisément à changer le comportement des entreprises : un prélèvement sur les revenus financiers des entreprises pour décourager leurs placements financiers, une modulation des cotisations patronales pour encourager les embauches, la formation, les hausses de salaires.

 

Ainsi, calculées sur un montant accru de salaires, les cotisations sociales augmenteront fortement, donnant les moyens à la Sécurité sociale d’augmenter les dépenses de retraites sans que ce soit au détriment d’autres dépenses sociales. Environ cent milliards de dépenses supplémentaires permettraient de financer un système de retraites digne du XXIe siècle tout en sortant le système de santé et la protection sociale de leur misère actuelle.

Des leviers sur la création de richesses dans les entreprises

 

Deux mesures sont centrales dans notre projet de financement des retraites :

  1. Un prélèvement sur les revenus financiers des entreprises pour les dissuader de placer leurs profits en titres financiers et les pousser à les utiliser, plutôt, pour des investissements porteurs d’emplois et d’efficacité économique. Les revenus financiers des entreprises ont atteint 613 milliards d’euros en 2023, dont 199 milliards d’intérêts et 274 milliards de dividendes (voir tableau ci-dessous). Si ces revenus étaient soumis à un prélèvement au même taux que celui des cotisations patronales vieillesse sur les salaires, cela rapporterait à la Sécurité sociale 64 milliards d’euros la première année.

 

Rendement d’un prélèvement sur les revenus financiers des entreprises

 

Revenus financiers des entreprises (milliards d’euros) Sociétés non financières Sociétés financières Ensemble des entreprises
Intérêts * 165,5 33,8 199,3
Revenus distribués des sociétés 191,1 83,4 274,5
Bénéfices réinvestis d’investissements directs étrangers 30,2 -1,1 29,1
Autres revenus d’investissements 8,6 101,7 110,4
Total des revenus financiers soumis à prélèvement 395,5 217,9 613,4
Montant du prélèvement au taux des cotisations sociales patronales (maladie, vieillesse, famille, chômage : 30,955%) 122,4 67,4 189,8
Dont cotisations retraites (10,45%) 41,3 22,8 64,1
Dont cotisations retraites et maladie 92,7 51,1 143,8

 

* pour les sociétés financières : intérêts perçus nets des intérêts versés.

   
Source : INSEE, comptes nationaux 2023.      

 

Toutefois, l’effet attendu de cette mesure est une réduction des placements financiers des entreprises, et donc des revenus qu’elles en tirent. Le produit de ce prélèvement est donc appelé à fondre avec le temps. Il serait progressivement remplacé par les ressources nouvelles dégagées d’une création de richesses accrues et des salaires distribués à partir de ces richesses. Ce qui valide d’autant plus la seconde proposition ci-après :

 

  1. Moduler les cotisations patronales pour agir sur les entreprises et changer leur relation à l’emploi. Les exonérations de cotisations dont bénéficie le patronat seraient progressivement supprimées. En outre, à partir d’un taux de base qui pourrait être plus élevé qu’aujourd’hui, le taux de cotisation sociale employeur serait augmenté pour les entreprises dont la part du total (salaires + dépenses de formation) dans la valeur ajoutée diminue, ou augmente moins, que la moyenne de leur branche. Les autres entreprises bénéficieraient du taux normal. L’incitation à accroître les salaires tendrait à augmenter la base des cotisations en valeur ajoutée produite et leur assiette salaire et, donc, la masse des cotisations.

 

Deux autres leviers d’action sur les gestions d’entreprises concourraient au même résultat:

 

  1. Une modulation du taux de l’impôt sur les sociétés en fonction du respect par les entreprises de critères précis en matière économique (création de valeur ajoutée en économisant le capital matériel et financier), sociale (emploi, formation, salaires) et écologique (économies d’énergie et de matières premières) ;
  2. Une réorientation du crédit bancaire et de la politique monétaire pour faire baisser l’influence des marchés financiers et le coût du capital et pour favoriser les investissements porteurs d’emploi de qualité.

 

Au total, si les dépenses de retraites étaient augmentées de 100 milliards d’euros au bout de cinq ans, elles passeraient en proportion du PIB, de 14 % en 2021 à 17 % en 2026. La « part du gâteau » consacrée aux retraites serait plus grande mais elle ne serait pas au détriment des autres parts puisque le gâteau grossirait lui aussi.

  1. Des pouvoirs pour mobiliser les moyens

 

Une éradication, à terme, du chômage par la voie d’une sécurisation de l’emploi et de la formation pour toutes et tous est ainsi à la fois un objectif majeur de notre programme, et la clé économique de la réalisation de notre objectif. Le principal obstacle, c’est le comportement des entreprises et des banques. Toutes leurs décisions sont dominées par la logique du capital (profit et accumulation), que ce soient :

 

  • Ses prélèvements sur les richesses créées,
  • Toutes ses décisions d’investissement matériel ou de délocalisations contre l’emploi et contre la création de richesses.

 

Nous devons entrer dans un bras de fer avec le capital et sa logique pour inverser radicalement la tendance. Engager dès maintenant cet effort est possible, et c’est ce qui rend réalistes nos propositions pour une autre réforme des retraites.

 

Cela exprimerait le passage progressif à un nouveau fonctionnement de l’économie, plus efficace parce qu’émancipé de la domination du capital et fondé sur le développement des capacités des travailleurs. Cela suppose :

 

  1. La conquête de nouveaux pouvoirs des salariés dans les entreprises sur les décisions d’embauche, d’investissement, de recherche, de financement ;
  2. Des leviers d’action sur les entreprises pour les pousser à viser une production efficace de richesses utiles à l’ensemble de la population, et non les profits financiers et la baisse du coût du travail pour augmenter la rentabilité du capital.

 

C’est à partir de cette cohérence d’ensemble que nous parviendrons à dégager la société du poids de la fiance et de ses logiques, afin d’assurer durablement un nouveau moment de l’émancipation humaine ici et maintenant mais aussi en Europe et dans le monde, niveau x que nous ne pouvons en aucun cas ignorer.

Quel projet fiscal ?

Une réforme fiscale pour rétablir une certaine égalité devant l’impôt et participer au financement des services publics est aujourd’hui nécessaire comme nous l’indique le programme du nouveau front populaire. Mais pour cela cette réforme doit être caractérisée par des propositions fortes incarnant une réelle volonté de changement.

 

C’est pourquoi une réforme fiscale doit s’attaquer au déséquilibre entre le poids que représente la fiscalité indirecte par rapport à celui de la fiscalité directe, ce qui est une grande source d’injustice. C’est pourquoi doit être proposée une réduction de la TVA sur les produits de première nécessité.

 

Dans le même temps il faut promouvoir une réforme de l’impôt sur le revenu en en faisant un véritable impôt universel sur le revenu c’est-à-dire imposant selon les mêmes principes et modalités les revenus du travail et ceux du capital (dividendes et plus-values individuels notamment).

 

Comment parler de réforme fiscale dans un programme politique de progrès sans s’attaquer à l’impôt sur les sociétés alors que les entreprises sont soumises à des régimes particulièrement injuste et différents selon qu’elles sont des multinationales ou leurs filiales ou des petites ou moyennes entreprises. C’est pourquoi il faut établir un IS progressif avec des tranches calculées selon un ratio chiffres d’affaires / bénéfices réalisés et appliquer une modulation en fonction de l’utilisation des bénéfices de ces dernières afin de favoriser des investissements utiles à l’emploi, la formation, l’écologie.

 

Le retour de l’ISF est nécessaire en intégrant dans le calcul de sa base les biens professionnels et en accroissant sa progressivité.

 

S’agissant des DMTO et DMTG, il s’agit également d’accroître leur progressivité et de revoir le calcul de leur base en intégrant une pondération de son montant selon le revenu des donataires ou des acquéreurs.

 

Enfin une réforme de la fiscalité est urgente pour redonner des marges d’action et d’initiatives aux collectivités locales. Cela passe par l’établissement d’un impôt local sur le capital des entreprises (matériel et financier) et la construction d’une nouvelle contribution des ménages.

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