LE MERCOSUR :

par Pcf du Charolais (71)

Mobilisation des agriculteurs contre le Mercosur

Mobilisation des agriculteurs contre le Mercosur

Les menaces du Mercosur sur l’Europe, les agriculteurs et l’environnement !

La signature de l’accord de libre-échange entre les 27 et le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay pourrait intervenir lors du G20 la semaine prochaine. De quoi mettre le feu aux campagnes françaises, opposées à cette intensification des échanges et à la dérégulation des marchés.

 

Présenté comme une aubaine pour l’Union européenne, qui verrait s’ouvrir les portes d’un marché d’environ 800 millions de consommateurs, l’accord de libre-échange entre les 27 et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay) pourrait être signé au G20, à Rio de Janeiro, du 18 au 19 novembre. En intensifiant les échanges entre les deux continents, notamment de produits industriels, de services et de biens agricoles, le traité balayerait d’un revers de manche toute considération écologique et sociale.

 

« Une union des peuples et des nations associées, libre et souveraine, aurait travaillé à construire un avenir solidaire avec les peuples des pays du Mercosur en commençant par la reconnaissance et les réparations du colonialisme et de l’exploitation de ces peuples »souligne Patrick Le Hyaric, qui s’est érigé contre ce texte dès sa conception lorsqu’il était député européen (PCF-GUE).

 

Mais le projet d’accord est tout autre. « Au contraire, il est envisagé d’aggraver cette prédation sous de nouvelles formes, adaptées aux conditions du XXIe siècle, dans le cadre des contradictions de plus en plus destructrices du capitalisme mondialisé et financiarisé », relève-t-il. Hausse des émissions de CO2, déforestation, exposition des agriculteurs à une concurrence déloyale… Tous les signaux sont au rouge, comme viennent d’alerter 200 parlementaires de tous bords, et les agriculteurs des deux continents risquent de payer le prix fort.

 

1. La promesse d’un marché agricole dérégulé

 

Si, pour l’Europe, le but de la signature d’un tel accord n’est guère d’échanger des denrées agricoles que les producteurs des 27 États membres sont déjà en mesure de produire, ces productions sont bel et bien concernées par le texte. 82 % des importations agricoles européennes, en provenance des pays du Mercosur, seront totalement exemptées de droits de douane, le reste l’étant partiellement.

 

En contrepartie, le Mercosur libéralisera 93 % des exportations européennes. Dans le détail, l’accord prévoit l’importation en Europe de 99 000 tonnes de bœuf avec des droits de douane à 7,5 %. 180 000 tonnes de volaille, complètement dédouanées, seront importées, tout comme 180 000 tonnes de sucre. La viande de porc, le riz, le miel, le maïs doux et le soja pourront aussi pénétrer les frontières européennes à tarif plus que préférentiel. En retour, l’Union européenne pourra, elle aussi, envoyer ses produits détaxés vers le Mercosur, notamment le fromage et le lait, en formule infantile ou sous forme de poudre.

 

Mais cette sorte de réciprocité ne rassure en rien les syndicats agricoles français, vent debout contre une telle dérégulation des marchés nationaux et communautaires. « L’arrivée de tels volumes sur le territoire européen, en particulier pour la viande, a vocation à déstabiliser complètement le marché, le rapport entre l’offre et la demande ainsi que les prix. Les marchés européens sont déjà assez fragiles, ils vont être livrés à une mise en concurrence impitoyable », s’indigne Laurence Marandola, porte-parole de la Confédération paysanne. Selon l’agricultrice ariégeoise, les volumes importés remplaceront peu à peu ceux produits sur le Vieux Continent. « En Europe, 50 % de la volaille que nous consommons est déjà importée », illustre-t-elle.

 

Du côté du Modef, on pointe un autre risque, celui de voir des industriels européens bien implantés en Amérique latine délaisser la filière hexagonale, à l’instar de Lactalis qui annonce « réduire sa collecte de lait » en France. Pour le syndicat des exploitants familiaux, qui appelait à la mobilisation devant les préfectures dès vendredi dernier, « cet accord permettra également à Lactalis d’exporter depuis le Brésil, où le géant industriel a annoncé être devenu le numéro 1 ».

 

2. Les agriculteurs français promis à une lourde crise

 

La quantité de produits agricoles qui se déverserait sur le sol européen n’est pas le seul facteur de crispation. Le prix de ces produits, lui aussi, fait frémir. Exemptées de droits de douane pour une majeure partie d’entre elles, les denrées alimentaires risqueront d’être bien moins chères que celles produites localement. La rémunération du travail, inférieure dans les pays sud-américains, explique en partie cette différence, mais pas seulement. « Ce n’est juste pas la même chose de produire du bœuf au Brésil, où l’herbe pousse toute seule, et en France. On produit de manière beaucoup plus rapide et moins coûteuse dans ces climats », explique Laurence Marandola, qui a vécu plus de dix ans en Bolivie.

 

Les éleveurs européens et français, en cas de signature, devront entrer en compétition avec des produits bradésChaque éleveur sera touché par cette guerre des prix, anticipe la Confédération paysanne, mais certaines exploitations, notamment les élevages bovins, le seront plus durement. « 20 à 25 % des élevages pourraient être amenés à disparaître », estime Laurence Marandola. « Une fois que l’on aura perdu ces fermes, si les choses se gâtent climatiquement ou géopolitiquement, comment fera-t-on pour nourrir les populations ? Cela pose une vraie question de souveraineté alimentaire », ajoute-t-elle.

 

Loin d’être une vue de l’esprit, de tels effets sont déjà mesurés depuis l’entrée en vigueur d’autres traités de libre-échange, comme celui avec la Nouvelle-Zélande. « Dans les années 1990, nous étions autosuffisants à 128 %. Aujourd’hui, 4 millions des 9 millions de brebis françaises ont disparu et notre consommation dépend à 60 % des importations étrangères », expliquait, au média Reporterre, Michèle Boudoin, présidente de la Fédération nationale ovine.

 

3. Le retour en Europe de produits sanitaires interdits

 

Autre point d’inquiétude : les produits agricoles qui seront importés depuis l’Amérique du Sud utilisent des procédés parfois proscrits en Europe. Une série de produits phytosanitaires interdits aux 27 sont, par exemple, régulièrement détectés dans des produits en provenance du sous-continent américain. C’est en tout cas ce qu’a relevé l’ONG Greenpeace dans un rapport de 2023, après une étude effectuée sur des citrons verts en provenance du Brésil, vendus sur les étals de six pays européens.

 

Après passage au laboratoire, il a été démontré que des pesticides et insecticides étaient présents sur la quasi-totalité des échantillons. Parmi ceux-là, certains produits autorisés dans l’Union européenne, mais aussi l’imidaclopride, un insecticide de la famille des néonicotinoïdes, la bifenthrine, puissant insecticide, ou encore le glyphosate.

 

Interdites en Europe depuis plus de quarante ans, les hormones de croissance sont aussi largement utilisées dans les pays du Mercosur, notamment au Brésil, premier exportateur de bœuf au monde. L’œstradiol 17β, qui permet de gérer les cycles de reproduction des bêtes, est monnaie courante. L’importation de viande traitée à ces hormones est également interdite, mais la traçabilité des viandes brésiliennes pèche régulièrement, ravivant les inquiétudes pour la santé des consommateurs.

 

Certains détracteurs de l’accord dans sa version actuelle appellent à la création de clauses miroirs, qui obligeraient les pays du Mercosur à se conformer aux normes environnementales et sanitaires européennes. Toutefois, il semblerait qu’aucune disposition de ce type n’ait été intégrée au texte.

 

4. Les ambitions environnementales à la trappe

 

En matière de protection de l’environnement, le projet de traité affiche un zéro pointé. « Ce n’est pas le propre des accords de libre-échange de s’occuper de la question écologique, leur premier but est de faire du commerce international », rappelle Maxime Combes, économiste et co-animateur du collectif Stop Mercosur.

 

Le texte mentionne bien les accords de Paris comme objectif à respecter. « Pour autant, il s’agit d’un des seuls chapitres où aucune contrainte n’est prévue, note l’économiste. Alors que les dispositions de coopération et de commerce obligent les États, celles sur le respect des accords de Paris ne font qu’encourager. » Un rapport d’évaluation de l’impact du traité, publié en 2020 et coordonné par Stefan Ambec (Inrae- Toulouse School of Economics), partage ce constat. Celui-ci note que les gains économiques attendus par le texte ne permettent pas de compenser ses coûts environnementaux, identifiant des « garanties relativement fragiles » en matière de respect des engagements environnementaux.

 

Précisément, l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre engendrée par l’intensification des échanges entre l’Europe et l’Amérique du Sud inquiète. C’est aussi le cas de l’augmentation de la déforestation, dont l’élevage (tant pour les surfaces de pâturage que pour la production de soja pour l’alimentation des bovins) est l’une des causes principales. Le rapport de Stefan Ambec estime que l’augmentation des exportations de viande bovine que le traité prévoit engendrera une augmentation de la déforestation à un rythme de 5 % pendant les six premières années suivant l’entrée en vigueur du texte. Soit 700 000 hectares déforestés, une estimation jugée basse par plusieurs ONG.

 

Marie Toulgoat   Article publié dans l'Humanité

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article