REFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC :
Vivement contesté par les syndicats, les salariés et la gauche, la réforme néolibérale de l'audiovisuel vient d'être suspendue par l'Assemblée nationale.
L’examen par les députés en commission du projet de rapprochement des entreprises de l’audiovisuel public, Radio France et France Télévisions en tête, a été suspendu mardi 1er avril au soir. Un coup de frein qui fait suite à un accrochage entre la ministre de la Culture Rachida Dati et une fonctionnaire, que des députés de gauche ont qualifié de « grave ».
Tandis que les salariés du groupe de France Télévisions et Radio France finissaient, mardi 1er avril, leur deuxième jour de grève, l’examen par les députés en commission du projet de rapprochement des entreprises de l’audiovisuel public mis en cause par les grévistes a été suspendu dans la soirée. Un accrochage entre la ministre de la Culture Rachida Dati – qui porte ce texte de longue date – et une fonctionnaire serait à l’origine de ce coup de frein à ce texte vivement dénoncé par les syndicats de l’audiovisuel public.
L’entourage de la ministre récuse toute insulte et qualifie cet accrochage hors caméras d’« échange vif avec une administratrice ». La même source a argué que la décision de suspendre l’examen du texte était « politique » car la gauche n’obtenait pas les votes voulus. Le son de cloche est tout autre du côté de la présidente de la commission des Affaires culturelles, la socialiste Fatiha Keloua Hachi qui dénonce la « prise à partie » d’une fonctionnaire durant cette pause. « Je ne peux tolérer ce type de comportement » a-t-elle réagi, avant d’annoncer la suspension
Les débats avaient démarré dans l’après-midi et un millier d’amendements restaient au menu. Le gouvernement arguant d’« une réponse à l’obstruction massive de la gauche » venait de déposer des amendements de dernières minutes, pratique contre laquelle la gauche s’est élevée.
La création d’une holding qui chapeauterait l’audiovisuel public
La reprise des débats est incertaine. Déjà validée en première lecture au Sénat en 2023, la proposition de loi portant la réforme prévoit de créer une holding, France Médias, qui chapeauterait France Télévisions, Radio France, l’Ina (Institut national de l’audiovisuel), sous l’autorité d’un(e) président(e).
Contrairement aux plans initiaux, France Médias Monde, branche internationale de l’audiovisuel public français (RFI, France 24), pourrait être exclue de cette holding. C’est ce que préconise finalement le gouvernement, dans une évaluation de la réforme consultée par l’AFP, et qui a été voté par amendement avant l’arrêt de la réunion. Le projet d’origine prévoyait une fusion des sociétés, dans une sorte de BBC à la française.
La nécessité d’un « audiovisuel fort, indépendant et autonome »
« Si cette réforme n’intervient pas, l’affaiblissement sera inévitable » face à la concurrence des plateformes a martelé la ministre en ouverture des échanges à l’Assemblée. Pour autant, le texte reste dangereux. À l’occasion d’une soirée organisée la veille par la CGT, dans une vidéo de soutien aux grévistes de l’audiovisuel public, l’historien des médias Alexis Levrier a ainsi mis en garde, lundi 31 mars, contre les conséquences néfastes de la création de cette holding France Médias.
Jugeant qu’il s’agit d’« une attaque organisée par Emmanuel Macron, qui s’inscrit sur le temps long de son règne jupitérien », il qualifie ce texte de loi d’« anachronique » dans le contexte de « guerre informationnelle que nous vivons » : « Dans ce moment où les démocraties libérales sont attaquées, elles ont plus que jamais besoin d’un audiovisuel fort, indépendant et autonome. »
Selon le chercheur, « cette holding aura l’effet inverse et bénéficiera à un seul vainqueur : l’extrême droite. Car elle prépare la prise en main de la holding par ce nouveau pouvoir : l’extrême droite, si elle dit vouloir privatiser l’audiovisuel public, en réalité on le constate partout, elle le conserve et établi sur lui sa tutelle pour servir ces intérêts ».
Clémentine Eveno Article publié dans l'Humanité