QUELLE VIE DE COMBATANT !

par Pcf du Charolais (71)

Pepe Mujica est mort. Mais quelle vie.
 
Guérillero, prisonnier, président. Il a traversé l’histoire de l’Uruguay comme on traverse une tempête, sans jamais courber l’échine.
Pepe Mujica est mort. Mais quelle vie.
Guérillero, prisonnier, président. Il a traversé l’histoire de l’Uruguay comme on traverse une tempête, sans jamais courber l’échine.
 
 
Né en 1935, Mujica est un militant de gauche qui passe, en 1964, à la lutte armée avec le mouvement des Tupamaros, une guérilla marxiste-guévariste, qui prend pour modèle la révolution cubaine.
 

 

 
Le groupe s’en prend aux multinationales, plaçant des explosifs chez Coca-Cola ou Bayer. Puis vient le temps des enlèvements. Le plus célèbre sera, en 1970, celui de Dan Mitrione, un agent du FBI qui formait à la lutte antiguérilla les régimes de droite en Amérique latine. Son rapt a une répercussion mondiale. Le gouvernement uruguayen refusant de relâcher 150 prisonniers tupamaros contre sa liberté, l’otage est exécuté au bout de dix jours.
 
 

José Mujica, plusieurs fois blessé par balles, arrêté puis évadé, n‘a pas directement participé à l’enlèvement, mais il sera pris dans un vaste coup de filet mené contre les militants clandestins, en compagnie du chef et idéologue du mouvement, Raul Sendic. Il restera emprisonné de 1972 à 1985, la plupart du temps (neuf ans) à l’isolement, avec les cafards pour seuls compagnons de cellule. Il connaîtra la torture, les privations, la maladie… Il confiera plus tard que la pire des punitions aura été d’être privé du moindre livre durant sept années.

 

Avec le retour de la démocratie et l’élection du président centriste Julio Maria Sanguinetti, le guérillero Mujica bénéficie d’une amnistie. Ayant renoncé à la violence, il crée un parti, le Mouvement de participation populaire (MPP), qui s’intègre à l’union de la gauche, baptisée Frente Amplio (front élargi). Elu député puis sénateur, il entre au gouvernement quand Tabaré Vazquez, du Frente Amplio, est élu président en 2004.

 

Il quitte le gouvernement en 2008 et se prépare pour la présidentielle suivante. Représentant de la tendance la plus à gauche du Frente Amplio, il est désigné candidat. En campagne, Mujica accepte une concession vestimentaire : il troque le gros pull de camionneur pour le costume, mais rejette la cravate. Le 29 novembre 2009, il remporte le deuxième tour face au conservateur Luis Alberto Lacalle avec 54,63 % des suffrages. Il prend ses fonctions le 1er mars 2010.

 
 
L’ex-guérillero qui a présidé l’Uruguay entre 2010 et 2015, marquant tout le continent avec ses avancées sociales, du mariage pour tous à la dépénalisation du cannabis, mais aussi son humour et son refus du luxe. Mais au-delà de son image de frugalité et de bonhomie, c’est son parcours digne d’un roman et le bilan positif de ses cinq ans de mandat qui ont fait de «Pepe» (diminutif de José, son vrai prénom) Mujica une figure majeure de la gauche latino-américaine
 
 
Quand il fut élu chef de l’État, il refusa les dorures. Il resta dans sa petite ferme, avec ses chiens, ses fleurs… et sa vieille Coccinelle bleue. Il donnait 90 % de son salaire, cultivait ses légumes, vivait comme un voisin, pas comme un roi.
 
 
Les médias l’ont surnommé "le président le plus pauvre du monde". Mais il était riche de ce que l’argent ne peut pas acheter : cohérence, humilité, espoir. Il disait : "Ce n’est pas nous qui devons nous adapter à l’économie, c’est l’économie qui doit être au service de la vie."
 
 
Lorsque José Mujica achève son quinquennat en 2015, le pays est prospère, et sa popularité au plus haut. Logiquement, les électeurs renouvellent leur vote à gauche : le socialiste Tabaré Vazquez, son prédécesseur, sera son successeur. 
 
 
L’ancien guérillero ne quitte pas la politique pour autant et participe au débat public en tant que sénateur. Il n‘abandonne son siège qu’en novembre 2020, à 85 ans, en raison des risques que le Covid-19 fait courir à sa santé fragile. 
 
 
En août 2018, il était l’invité d’honneur du festival de cinéma de Venise, où étaient projetés deux films sur lui : El Pepe, une vie suprême, documentaire hagiographique d’Emir Kusturica, et la fiction Compañeros, qui retraçait ses douze ans de prison.
 
 
À l’heure des égoïsmes triomphants, il reste un repère. Un homme debout, digne, libre.
Il nous laisse une leçon, et un vertige : celui de savoir qu’une autre manière de faire de la politique est possible — moins arrogante, plus humaine !
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article