LA DEPUTE JOSIANE CORNELOUP VOTE AVEC LE RN LE MORATOIRE CATASTROPHIQUE SUR L'EOLIEN ET LE PHOTOVOLTAIQUE !
Relance massive du nucléaire et moratoire sur les énergies renouvelables. Le Rassemblement national a réussi à imposer sa marque sur la proposition de loi de programmation énergétique débattue la semaine dernière à l’Assemblée, au grand dam de toute une filière économique qui craint pour sa survie et ses 80 000 emplois.
Le terme fait toujours trembler la filière des énergies renouvelables : « moratoire ». Quinze ans après celui qu’a connu le photovoltaïque en 2010, la menace plane à nouveau. En fin de semaine dernière, les députés ont achevé l’examen d’une proposition de loi sur la programmation énergétique de la France dans un hémicycle clairsemé, et approuvé par la même occasion un moratoire immédiat sur les installations éoliennes terrestres ou maritimes, et photovoltaïques. La loi dite « Gremillet » doit maintenant être votée dans son ensemble par l’Assemblée ce mardi 24 juin, mais les appels au rejet se multiplient, à gauche comme au sein du camp présidentiel et du gouvernement. S’il entrait en vigueur, un tel moratoire empêcherait toute instruction, autorisation et mise en service de nouveaux projets, au détriment de toute une filière et de la réindustrialisation.
Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables alerte ainsi sur un risque de « catastrophe énergétique et économique », avec 80 000 emplois français en jeu. Ce vote « est un des plus grands plans sociaux décidés à l’Assemblée », renchérit l’autre organisation professionnelle spécialisée, France Renouvelables, soutenue par le ministre de l’Energie Marc Ferracci. En déplacement sur un parc éolien en Vendée, il a regretté ce lundi une « erreur historique » et « un contresens absolu » pour l’industrie, la souveraineté énergétique et les emplois « qualifiés, non délocalisables, enracinés dans les territoires ».
La filière craint par exemple pour l’avenir de l’usine de production d’éoliennes du Havre, déjà tentée par la délocalisation en raison de l’IRA américain. « Les Français paient cette usine via les tarifs des premières éoliennes en mer. Si elle ferme, les contribuables continueront de payer pour une usine à l’arrêt, c’est un scandale », pointe Nicolas Goldberg, expert énergie du cabinet Colombus consulting.
Mauvais signal pour les investisseurs
Une crainte d’autant plus forte que les énergies renouvelables françaises ont déjà fait l’expérience d’un moratoire sur le solaire fin 2010. Avec des conséquences très concrètes : « des fermetures d’entreprises, une hausse du chômage et un arrêt total de la filière qui a mis un temps fou à redémarrer », se rappelle Jules Nyssen. Selon les chiffres de l’Ademe, le photovoltaïque représentait ainsi plus de 32 000 emplois en 2010 et 2011, mais 12 720 à peine en 2012, et 18 300 en 2022.
Même si le moratoire est encore loin d’entrer en vigueur – il faudra d’abord qu’il passe le vote des députés, qu’il soit maintenu par le Sénat en deuxième lecture, puis en commission mixte paritaire, puis par le Conseil constitutionnel… – le signal envoyé est catastrophique. « Cette politique du stop and go refroidit les banquiers et les investisseurs. Surtout les étrangers qui doivent se demander dans quel pays de fou ils sont tombés », souffle Jules Nyssen. « Si on est capable de tuer une filière avec un amendement, plus un investisseur ne va vouloir venir en France », confirme Nicolas Goldberg. « La filière est déjà écornée par la simple existence de cet amendement », craint-il.
Et si la proposition de loi prévoit une relance massive du nucléaire, l’ensemble de la filière électrique est aujourd’hui vent debout contre le texte, tant il contient d’incohérences. Elle prévoit par exemple le redémarrage de Fessenheim dont le démantèlement est pourtant trop avancé pour que cela ne soit techniquement possible.
Dans une lettre ouverte envoyée aux députés ce lundi, l’Union française de l’électricité qui représente également les intérêts du nucléaire appelle ainsi formellement à rejeter le texte, dénonçant plusieurs dispositions « qui risquent de compromettre notre sécurité d’approvisionnement énergétique, de déstabiliser le cadre réglementaire nécessaire aux investissements de long terme ».
Le bâtiment et les agriculteurs impactés
Avec des conséquences économiques qui déborderaient bien au-delà de la seule filière énergétique. La Fédération française du bâtiment par exemple s’insurge dans un communiqué : « Comment planifier la politique énergétique de la France sur la base d’amendements votés en catimini visant à détruire une filière patiemment construite depuis maintenant 15 ans ? » Avant de souligner tous les avantages du photovoltaïque sur les bâtiments : « Retour sur investissement rapide pour le maître d’ouvrage, création d’emplois locaux non délocalisables lors de l’installation et de la maintenance, valorisation du bâti, acceptation unanime par le grand public… ». La fédération dénonce un « risque d’effondrement d’activité mettant en danger des dizaines de milliers d’emplois directs, alors que les entrepreneurs ont largement investi dans la formation et le recrutement pour répondre au marché ».
Les agriculteurs aussi subiraient aussi de plein fouet un moratoire. Dans un communiqué, le président du réseau des chambres d’agriculture Sébastien Windsor a alerté : « la revente d’énergie solaire est déterminante pour permettre aux agriculteurs de moderniser leurs bâtiments à moindre coût, elle permet de diversifier leurs revenus et contribue à la souveraineté de notre pays. Ce moratoire fragilise notre agriculture. »
En 2024, 80 % des installations photovoltaïques de moyenne toiture (100-500 kW) ont été posées sur des bâtiments agricoles. « Cela représente un revenu de 800 millions d’euros par an pour le monde agricole », pointe l’organisation qui dénonce aussi la condamnation de l’agrivoltaïsme.
« Il faut revenir au texte de la PPE3 tel qu’il avait été préparé »
« Sur le plan politique, le vote de cet amendement est d’une particulière gravité et confirme l’irrationalité des débats parlementaires en cours sur la feuille de route énergie-climat de la France », renchérit l’avocat spécialisé Arnaud Gossement. Dans l’exposé des motifs de l’amendement déposé par le député de l’Orne LR Jérôme Nury, il est par exemple indiqué : « Techniquement, le développement excessif des énergies intermittentes, par la variabilité de leur production, fait courir le risque d’un black-out, tel qu’en a connu l’Espagne le 28 avril 2025. » Or, malgré toutes les rumeurs qui ont circulé, la panne géante chez nos voisins n’avait finalement rien à voir avec les énergies renouvelables, selon un rapport publié le 17 juin par le gouvernement espagnol.
Pire, l’amendement du moratoire est justifié par un manque d’étude. « Mais cela fait quatre ans qu’on travaille sur la prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie, il y a eu plein des études. Par contre sur la relance du nucléaire il n’y aurait pas besoin d’études ? C’est de l’incompétence ou de l’hypocrisie », s’emporte Nicolas Goldberg.
Paradoxe ultime, le vote du moratoire est intervenu après l’approbation par l’Assemblée d’un rehaussement de l’ambition en matière d’énergies « décarbonées » : sa part dans la consommation énergétique en France devra passer à 58 % en 2030, contre 40 % actuellement. Or si le texte prévoit une relance massive du nucléaire, sur ces 560 térawattheures d’électricité décarbonées, « au moins 200 » devront être « issus de sources renouvelables », contre environ 150 aujourd’hui.
Si elle est approuvée, la loi Gremillet servira de boussole au gouvernement pour mettre à jour la troisième programmation pluriannuelle de l’énergie pour la période 2025-2035, censée ouvrir la voie à la neutralité carbone en 2050. « Il faut revenir au texte de la PPE3 tel qu’il avait été préparé et mis en consultation en début d’année. Il fixe les orientations, avec des choix technologiquement faisables et une ambition de décarbonation », tranche Jules Nyssen qui espère maintenant un sursaut des députés. Et des sénateurs, qui examineront le texte en deuxième lecture les 8 et 9 juillet.