22 Mai 2010
Pour ce qui est de ressortir le même couplet, le président du groupe UMP du conseil général André Accary, en connaît un morceau. Dans un récent communiqué de presse, sa tentative de dédouaner l' Etat dans les difficultés financières que connaît le conseil général de Saône et Loire fait long feu. D'autres départements sont dans la même situation, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
Depuis les premières lois de décentralisation de 1982, les départements sont chargés de la politique sociale de proximité.
Au début des années 2000, l' Etat a délégué aux conseillers généraux le versement de nouvelles allocations : l' APA (Allocation Personalisée d'Autonomie), la PCH ( Prestation de Compensation au Handicap), et le RSA (Revenu de Solidarité Active). Ce transfert de compétences n'a pas été suivi du transfert des financements correspondants, apportant des recettes qui n'ont jamais couvert la totalité de leur montant.
L'écart s'est creusé un peu plus chaque année, sous l'effet de la crise, aggravant encore les inégalités.
La dette de l'Etat envers les collectivités :
En 2008, le versement de ces trois prestations a représenté 11,5 milliards versés par les départements : 5,98 milliards pour le RSA, 570 millions pour la PCH et 4,85 milliards pour l'APA. Estimé par l'Etat à 2,5 milliards pour les années 2002-2003, son coût s'est en réalité élevé à 1,855 milliards pour la seule année 2002 et à 3,205 milliards pour 2003. Depuis le coût de l'APA est en hausse constante et, pour de nombreux départements, le financement du RSA reste largement déficitaire.
Les contentieux avec l'Etat se multiplient :
Les départements alertent l'opinion sur leur situation. Coincés entre la hausse de leurs charges sociales et la baisse de leur recettes, ils prônent un financement paritaire dans lequel les subventions de l' Etat seraient couplées à celles des collectivités locales. La cour des comptes confirme ces difficultés dans un récent rapport : " d'une manière générale, la décentralisation a eu pour effet de créer pour les départements des charges nouvelles dont la dynamique et le poids considérables ont pour conséquences de réduire les marges de manoeuvre budgétaire de ces collectivités territoriales."
La fronde dépasse les clivages politiques :
Lors de la réunion du 9 Mars dernier, le bureau de l' Assemblée des Départements de France (ADF) a délibéré à l'unanimité (y compris le groupe de la droite et celui du centre) pour inviter l'Etat à accroître le financement national de ces allocations universelles dans le cadre du pacte républicain en demandant un traitement d'urgence spécifique.
De plus, sans attendre le débat sur la réforme des collectivités territoriales à l' Assemblée nationale et au Sénat, sept Présidents de Conseils Généraux ont annoncé leur intention d'engager une procédure contre l' Etat pour contester les conditions de mise en place de la décentralisation. La Saône et Loire a déjà entamé cette procédure en obtenant une compensation de financement pour la protection de l' enfance, la Seine St Denis a fait de même. quant au Val de Marne, il a déposé un recours grâcieux auprès du premier ministre pour insuffisance de financement à hauteur de 53 millions d' €uros. L'enveloppe ne peut pas être la même chaque année alors que la demande sociale explose.
Un principe constitutionnel :
L'autonomie des départements est aujourd'hui gravement menacée par les transferts, créations ou extensions de leurs charges qui ne sont pas compensés financièrement. En privant les départements d'une partie de leurs ressources, l' Etat met en cause le principe constitutionnel de la libre administration des collectivités locales.
Trois pistes d'action envisagées :
- La première, légilative, consisterait à déposer une proposition de loi pour contraindre l'Etat à rembourser ce qu'il doit aux départements, et à actualiser les mécanismes de compensation.
- La seconde, déjà utilisée, a mené les départements à multiplier les actions de contentieux contre l'Etat.
- La troisième serait la voie constitutionnelle.
Avec sa réforme des Collectivités territoriales, le gouvernement a pour volonté de sceller un destin tragique pour les départements, mais, comme pour la contre-réforme des retraites, tout n'es pas joué. Une forte mobilisation dans les luttes locales et nationales peut le faire reculer.