27 Août 2018
C’est aussi dans la rue que les militants PCF ont fait leur rentrée, samedi, à Angers. Face au « massacre social » promis par l’exécutif, Pierre Laurent a appelé à la mobilisation générale.
«Macron a promis qu’il ne lâcherait rien à la rentrée ? Nous non plus, nous ne lâcherons rien », scande Isabelle depuis le plateau du camion en tête de la manifestation qui a ponctué samedi soir l’université d’été du PCF. Pour « défendre les services publics » et marquer le top départ de cette rentrée que leur secrétaire national, Pierre Laurent, a promise « chaude » quelques heures plus tôt, les militants du PCF sont partis de la fac d’Angers, où se tiennent leurs ateliers du week-end, pour rallier en cortège l’hôpital de la ville du Maine-et-Loire, en passant par un bureau de poste, une crèche, un théâtre, une école… Soit autant de services publics menacés par le rouleau compresseur libéral de la Macronie, auquel le PCF entend s’opposer.
Une mobilisation à laquelle a également appelé Pierre Laurent, lors de son discours de la matinée, devant les quelque 1 000 communistes réunis dans l’amphi rebaptisé Aragon-Arsène-Tchakarian pour l’occasion. Le président « a lancé un train fou de réformes depuis le premier jour contre notre peuple pour servir les riches et la finance, des wagons de destruction sociale et de méthodes autoritaires », a-t-il constaté. S’il invite cependant à ne « pas aborder la période la peur au ventre », il assure dans la foulée ne pas « être un illuminé qui fait de la méthode Coué ». Et pour cause, l’avalanche de réformes prévues a de quoi créer des angoisses : réformes des retraites, des institutions, de l’assurance-chômage, ou encore les nouvelles suppressions de postes dans la fonction publique qui figurent parmi les mesures du « massacre social » annoncées hier par le premier ministre… « Mais Macron a un problème, un gros problème qui va aller grandissant, estime le parlementaire. Car, s’il marque des points en faisant voter son programme par sa majorité godillot, il a déjà laissé beaucoup de plumes dans les mobilisations du printemps et dans l’incroyable affaire Benalla cet été. Le rapport de forces a commencé à bouger et ça peut continuer », juge Pierre Laurent.
« Au sein de l’Assemblée – sauf événement imprévu –, ce rapport de forces est écrit pour les quatre ans à venir. C’est dans le pays que ça va se jouer », précisent, plus tard, plusieurs députés communistes lors d’un atelier consacré à leur bilan de l’année écoulée. Outre les batailles livrées contre les projets de la majorité, le tour de France des hôpitaux qu’ils ont conduit ces derniers mois fait écho à la marche militante du soir.
« Dans plus de 107 établissements de santé, nous avons rencontré plus de 6 000 personnes. C’est une souffrance énorme. Tout le monde nous l’a dit : “On n’a plus le temps de soigner, la bienveillance qu’on nous a apprise laisse place à la maltraitance” », y lance le député Alain Bruneel, interpellant la ministre sur le manque de moyens et promettant une prochaine proposition de loi écrite à autant de mains que de témoignages ont été recueillis. Lui aussi est perché sur le camion de la manif lors du meeting, qui précède une chaîne humaine qui clôt l’initiative. Un peu plus tôt, dans le cortège, la motivation est bien présente – les rues angevines résonnent des « Un pas en avant, trois siècles en arrière, c’est la politique du gouvernement », lancés par les manifestants –, mais on s’interroge tout de même. « C’est toujours la même histoire : on coûte trop cher. On a fait le blocus au printemps avec des AG à 5 000, on n’a pas été entendu. Ça démotive, mais là faudra qu’on tienne dans la durée », soupire une étudiante de Rennes. À deux pas, c’est Pierre, un jeune cheminot de Metz (Moselle), qui tire le bilan : « Avant l’été, contre la privatisation de la SNCF, on a perdu une bataille, mais on ne veut pas perdre la guerre. Moi, je suis toujours combatif, pas du genre à lâcher ; par contre, pour les collègues, ça a été un lourd tribut à payer… » Pour autant, « d’autres réformes arrivent, comme les retraites. Là, tous les Français seront concernés, j’espère qu’on pourra tous se retrouver ».
Pour les communistes, un mot d’ordre est à l’honneur pour aborder la rentrée : à bas l’austérité ! « Le “pognon de dingue” que coûte le capital, nous allons le réclamer pour financer la sortie de l’austérité », résume Pierre Laurent, citant les « 20 milliards de Cice, l’explosion des profits et des dividendes, la suppression de l’ISF, sans compter le scandale permanent de l’évasion fiscale ». L’équation est simple : « D’un côté, des dividendes qui battent des records mondiaux de progression, de l’autre, des familles qui ne peuvent plus remplir correctement le cartable des enfants ou le frigo chaque semaine, des salaires bloqués, des APL baissées, des prestations sociales gelées, des contrats aidés supprimés. » La réforme constitutionnelle, dont l’examen à l’Assemblée a été reporté cet été pour cause d’affaire Benalla, n’est pas pour autant oubliée et on promet ici ou là, d’un atelier à l’autre, de faire entendre l’exigence d’un référendum et d’une VIe République.
Mais, au PCF, la mobilisation est aussi de mise sur le front des élections européennes de mai prochain. « Sortie de l’austérité, réinvestissement social, VIe République, nous sommes au cœur de la campagne européenne, estime le sénateur de Paris. La politique de Macron et celle de l’Union européenne sont sœurs jumelles. Combattre l’une, c’est combattre l’autre et réciproquement. » Alors que la France insoumise (lire ci-contre) et EELV, également en université d’été ce week-end, semblent décidés à faire bande à part – sauf pour inclure quelques personnalités à leur liste –, le PCF, emmené par son chef de file, Ian Brossat, continue de « tendre la main ». « Que nous défendions le rassemblement, oui. Que nous attendions que tout le monde soit d’accord pour nous mettre en campagne, non », explique l’élu de Paris. Il s’agit donc d’avancer sans rester suspendu à une éventuelle liste commune de gauche jugée « à ce jour » impossible. Le plan de campagne est déjà rodé autour d’une Europe qui « défend le monde du travail et le pouvoir d’achat », qui « défend le service public en mettant un terme aux directives de privatisation » ou encore une Europe « du partage des richesses et d’une autre utilisation de l’argent »… En somme, une « Europe de l’humain d’abord et pas de la finance », lance Ian Brossat en clôture du meeting de samedi. Face à la montée de l’extrême droite sur le continent, l’accueil des réfugiés est aussi au centre des préoccupations : « À gauche, on sait que certains flanchent, mais, nous, nous ne lâcherons rien sur cette question », insiste le candidat, fustigeant un Macron qui « s’enorgueillit de l’accueil de 60 réfugiés dans un pays de 60 millions d’habitant. Nous ne serons pas les candidats des premiers de cordée. Nous serons les candidats de ceux qui fabriquent les cordes », résume-t-il. Ses futurs colistiers, eux, ne sont pas encore désignés. « L’appel à candidature est ouvert », a annoncé Pierre Laurent samedi. Le résultat doit être dévoilé dans « les semaines qui viennent ». Quant au prochain rendez-vous de mobilisation, il est déjà fixé en Seine-Saint-Denis pour la Fête de l’Humanité, du 14 au 16 septembre.
Solidarité avec Salah Hamouri
À l’issue du discours de leur secrétaire national, samedi matin, les quelque 1 000 militants communistes réunis à Angers ont saisi l’occasion pour exprimer leur solidarité avec la Palestine et brandir des pancartes « Libérez Salah Hamouri ». Le jeune avocat franco-palestinien est enfermé sans procès depuis un an maintenant, sa détention administrative ayant été une nouvelle fois renouvelée par les dirigeants israéliens jusqu’en septembre au moins. Le message s’adresse autant à l’État d’Israël qu’au président de la République Emmanuel Macron, dont les communistes exigent depuis de nombreux mois l’intervention dans ce dossier.