22 Avril 2021
Les dernières données publiées début avril par le magazine Forbes permettent de se faire une idée de l’évolution de la santé financière des ultra-riches depuis le début de la crise du Covid-19. De mars 2020 à mars 2021, la fortune des milliardaires français a augmenté de 170 milliards d’euros.
Dans une courte note, Attac France et Oxfam France analysent cet indécent enrichissement. Nous en révélons l'essentiel.
CE N’EST PAS LA CRISE POUR TOUT LE MONDE
Depuis le début de la pandémie, d’inquiétantes statistiques nous alertent sur les conséquences dramatiques de la crise sanitaire sur les populations les plus fragiles. La crise sanitaire aurait fait basculer un million de françaises et de français dans la pauvreté, selon les associations caritatives, qui s’ajoutent aux 9,3 millions de personnes vivant déjà au-dessous du seuil de pauvreté.
La situation financière des françaises et français s’est d’autant plus dégradée que le niveau de vie était faible avant le confinement : parmi les 10% de ménages les plus modestes, 35% ont perçu une dégradation de leur situation financière lors du premier confinement. Nous avons également en tête les images d’interminables queues d’étudi-ant·e·s contraint·e·s de solliciter une aide alimentaire.
La dernière publication de Forbes nous apprend que les ultra-riches ont, au contraire, connu une spectaculaire augmentation de leur fortune pendant cette période de crise sanitaire.
Ainsi, entre mars 2020 et mars 2021, la fortune des milliardaires a battu tous les records :
Selon d’autres données, publiées par Bloomberg, la France détient le record d’Europe de la concentration de richesses entre les mains des milliardaires : ainsi, selon le magazine Alternatives Economiques, si on calcule la somme par nationalité des fortunes européennes classées dans les 500 personnes les plus riches de la planète, la fortune des milliardaires français s’élève à 354,3 milliards d’euros, loin devant les milliardaires allemands (280,6 milliards d’euros) ou du Royaume-Uni (146,6 milliards d’euros).
COMMENT EXPLIQUER CETTE SPECTACULAIRE HAUSSE ?
Si la fortune des milliardaires a rebondi aussi vite dès la fin du mois d’avril 2020, ce n’est pas grâce à la main invisible du marché. Ce n’est pas non plus - pour la majorité d’entre eux - grâce aux performances économiques des entreprises dont ils détiennent des actions. C’est avant tout grâce à la politique monétaire généreuse de la Banque centrale européenne (BCE) qui a injecté des centaines de milliards d’euros sur les marchés financiers et a dopé son programme de rachats d’actions des entreprises afin d’éviter un effondrement boursier.
Ce soutien massif et sans réelles contreparties permet de comprendre pourquoi l’immense majorité des milliardaires a vu sa fortune augmenter, quels que soient leurs secteurs d’activité.
C’est aussi grâce à la stratégie du « quoi qu’il en coûte » d’Emmanuel Macron et aux aides massives accordées par l’État français aux entreprises du CAC 40 sans contrepartie sociale, fiscale ou environnementale.
Si les ultra-riches s’enrichissent autant malgré la crise, c’est encore parce qu’ils rivalisent d’imagination pour échapper à l’impôt. Ainsi, le récent scandale fiscal OpenLux révélait que parmi les 50 familles les plus riches de France, 37 ont une présence au Luxembourg et y détiennent 535 sociétés avec au moins 70 milliards d’euros d’actifs.
L’URGENCE DE FAIRE PAYER LES PROFITEURS DE LA CRISE
Pourtant le gouvernement répète à l’envi qu’il va bien falloir « rembourser la dette Covid ». Il prépare les esprits à une nouvelle cure d’austérité et à de nouvelles attaques contre les services publics et la protection sociale.
La Commission sur l’avenir des finances publiques, présidée par Jean Arthuis, a rendu en mars un rapport au gouvernement dans lequel elle propose d’instaurer une « règle d’or sur la dépense publique », reposant sur l’idée que « l’évolution des dépenses soit inférieure à l’évolution des recettes », ce qui revient de fait à imposer une politique d’austérité et à réduire les choix démocratiques en matière de budget.
Cette idée a été immédiatement reprise par Bruno Le Maire, qui se donne « cinq ans pour rétablir les finances publiques après la crise » : Bercy propose pour ce faire un « programme de stabilité » qui prévoit que les dépenses publiques progresseront deux fois moins vite d’ici à 2027. Les dépenses publiques, qui représentaient 61,3 % du PIB en 2020, n’en représenteraient plus que 53,1 % en 2027, malgré les immenses besoins pour financer les urgences sociales et la transition écologique !
De plus, Bruno Le Maire répète à l’envi que des « réformes structurelles » sont indispensables notamment celles de l’allocation-chômage et des retraites. Rappelons que la récente baisse des allocations logement entrée en vigueur le 1er janvier 2021 devrait permettre de réaliser 700 millions d’euros d’économies sur les plus précaires, tandis que la réforme de l’assurance-chômage, qui doit entrer en vigueur cet été, devrait permettre de réaliser 2,3 milliards d’euros d’économies en faisant baisser les allocations de 1,15 million de chômeurs·euses.
Comment justifier de demander des efforts aux « premières et premiers de corvée », aux chômeurs·euses, aux mal logé·e·s, aux retraités·e·s, alors que la fortune des milliardaires français a augmenté de façon indécente pendant la pandémie ?
Comment la population pourrait-elle accepter une nouvelle cure d’austérité alors que cela impliquerait inévitablement un nouvel affaiblissement des services publics et du système de protection sociale au moment où la crise du Covid-19 a montré les dégâts considérables causés par l’austérité budgétaire, notamment à l’hôpital où le nombre de lits et les stocks de masques ont fait défaut ?
Il est inacceptable de demander à celles et ceux qui souffrent de la crise de se serrer encore la ceinture, tandis que les plus fortunés, les multinationales et leurs actionnaires s’enrichissent.
Attac France et Oxfam France proposent la mise en place de mesures fiscales d’urgence afin d’éviter une nouvelle politique d’austérité et de rétablir une justice fiscale, malmenée par les cadeaux fiscaux faits aux ménages les plus riches depuis le début du quinquennat. Et le Parti Communiste propose aussi de faire payer le capital et donc les entreprises.
Cela passe notamment par une contribution exceptionnelle sur le patrimoine des 1% les plus riches et par une augmentation de l'impôt sur les sociétés pour financer la réponse à la crise, en attendant une refonte d’un véritable impôt.
A ce jour, le gouvernement refuse tout débat sur une juste contribution des plus riches et des entreprises. Pire il continue à les exonérer de charges sociales alors qu'elles versent des dividendes et que la Sécurité Sociale doit faire face à des contraintes nouvelles du fait de la pandémie.
Pourtant, même le Fonds monétaire international, qui était partisan des politiques d’austérité il y a encore peu, vient de recommander d’augmenter, au moins provisoirement, les impôts sur les plus riches et les entreprises ayant fait plus de bénéfices pendant cette période afin d’aider les gouvernements à juguler les effets de la crise économique liée à la pandémie de coronavirus.
Un appel secondé par le secrétaire général de l’ONU. Faire payer les profiteurs de la crise répondrait à une forte attente de la population : un récent sondage mené par Glocalities montre que plus de 6 français sur 10 sont en faveur d’une telle mesure et moins de 10% y sont opposés.
Le sondage révèle également que cette proposition est majoritaire-ment soutenue par les électeurs·trices de tous les partis, y compris chez les électeurs·trices de la droite de LREM ou Les Républicains.