3 Septembre 2023
Human Rights Watch a enquêté sur les meurtres d’enfants palestiniens en Cisjordanie et en territoires occupés. Les soldats auteurs de ces crimes ne risquent aucune sanction et Tel-Aviv s’en tire à bon compte au regard du droit international.
C’est le crime dans toute son horreur et dans une totale impunité… Depuis des décennies, des enfants meurent par centaines en Palestine sous les balles de soldats israéliens sans que cela ne soulève la moindre protestation dans le camp des alliés de Tel-Aviv, sans même de pression réelle de la part des Nations unies pour que cessent ses assassinats au grand jour.
L’ONG Human Rights Watch (HRW) dresse ce constat épouvantable dans une enquête publiée lundi. « Les enfants palestiniens vivent dans un contexte réel d’apartheid et de violence structurelle, où ils risquent à tout moment d’être abattus, sans aucune perspective sérieuse d’obligation de rendre des comptes » , résume Bill Van Esveld, directeur adjoint de la division des droits des enfants à HRW.
Les derniers chiffres recueillis indiquent que ce crime prend sans cesse de l’ampleur. L’année 2022 aura été la plus meurtrière pour les enfants de Cisjordanie depuis quinze ans, et 2023 pourrait être encore plus atroce. Au moins 34 adolescents auraient été tués à la date du 22 août.
HRW lève le voile sur ce massacre après avoir mené une enquête sur quatre tirs mortels de soldats israéliens entre novembre 2022 et mars 2023. Les exemples cités donnent une idée de cet engrenage criminel.
Des plaintes qui restent systématiquement lettres mortes
Mahmoud Al Sadi, 17 ans, a été tué sur le chemin de l’école près du camp de réfugiés de Jénine le 21 novembre 2022, non loin de l’endroit où a été assassinée la journaliste Shireen Abu Akleh le 11 mai de la même année.
Mohammed Al Sleem, 17 ans également, a été abattu d’une balle dans le dos alors qu’il prenait la fuite après avoir jeté des pierres sur des véhicules militaires qui ont fait irruption dans son village dans le nord de la Cisjordanie.
Wadea Abou Ramouz, du même âge, a connu un sort identique et dans les mêmes conditions au début de cette année, le 25 janvier, à Jérusalem-Est. Scène à peine imaginable : l’ONG raconte qu’il a été enchaîné à son lit d’hôpital, que ses proches ont été interdits de visite, que son corps leur été remis cinq mois après sa mort avec l’exigence de l’enterrer la nuit dans la discrétion.
Les conclusions de l’ONG sont étayées par des entretiens avec des membres des familles des enfants tués, d’habitants, d’avocats, de médecins, des membres d’organisations palestiniennes et israéliennes de défense des droits humains, présents pour certains sur le terrain. HRW s’est également appuyée sur un ensemble de matériaux, images de vidéosurveillance, déclarations des agences de sécurité israéliennes, dossiers médicaux, articles de presse…
Les soldats qui commettent ces crimes peuvent dormir tranquilles. Les plaintes sont systématiquement lettres mortes. De 2017 à 2021, moins de 1 % d’entre elles aurait abouti selon le groupe israélien de défense des droits Yesh Din, cité par l’ONG, qui parle de « mécanisme de blanchiment » au sujet du système israélien d’application de la loi.
Rien ne bouge non plus du côté de l’ONU. Curieusement, Israël n’a jamais été mentionné sur la « liste de la honte » du Secrétaire général qui énumère chaque année les forces militaires et les groupes armés responsables de violences graves envers des enfants. Les enfants palestiniens meurent dans le silence.
Nadjib Touaibia Article publié dans l'Humanité