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MAUDITE SOIT LA GUERRE :

Histoire : depuis un siècle, l'enfant de Gentioux maudit la guerre et... les préfets l'évitent

C’est en 1923 que la commune de Gentioux-Pigerolles inaugura son monument aux morts hors-norme. Le pacifisme y est gravé, au grand dam des autorités jusqu’à tout récemment.

Le mois prochain, la municipalité de Gentioux-Pigerolles célébrera le centenaire de l’inauguration de son monument aux morts, anniversaire que marqueront plusieurs manifestations. Érigé en hommage aux cinquante-huit enfants de la commune tombés sur les champs de bataille de la guerre de 1914-1918, il se démarque des autres.

Le plus célèbre des monuments pacifistes

Ici, pas de « poilu » triomphant ou mourant pour la patrie, pas de mère éplorée, pas de coq dressé sur ses ergots, mais un écolier levant un poing rageur et une inscription, « Maudite soit la guerre ».

Ce monument est le plus célèbre de la dizaine de monuments aux morts pacifistes recensés en France, auprès duquel se réunissent, chaque 11 novembre depuis 1988, à l’initiative de la Libre-Pensée de la Creuse, les représentants de différentes associations locales et nationales, ayant en commun le même objectif : faire la guerre à la guerre.

Ce monument est le plus célèbre de la dizaine de monuments aux morts pacifistes recensés en France, auprès duquel se réunissent, chaque 11 novembre depuis 1988, à l’initiative de la Libre-Pensée de la Creuse, les représentants de différentes associations locales et nationales, ayant en commun le même objectif : faire la guerre à la guerre.

 

Voici quelques années, dans un de ses bulletins, la Libre-Pensée 23 rappelait que le monument devait son érection à Jules Coutaud, maire de Gentioux de 1920 à 1965. Né en 1889, il exerçait le métier de maréchal-ferrant. Inscrit à la Section Française de l’Internationale Ouvrière, J. 

Coutaud était un disciple de Jean Jaurès, leader de la S.F.I.O. qui, après l’attentat de Sarajevo, le 28 juin 1914, tenta d’empêcher le gouvernement et les députés de s’engager dans une déclaration de guerre. Haï des nationalistes, il sera assassiné le 31 juillet 1914. Quoique partisan de la paix, Jules Coutaud fit son devoir de citoyen et combattit comme les 56.000 Creusois mobilisés.

Il rentra à Gentioux après quatre années de guerre, la santé altérée par les gaz inhalés au front. Le bulletin de la Libre-pensée Creusoise rappelle qu’en 1920 fut constitué un « comité pour l’érection d’un monument aux morts » rassemblant le conseil municipal et les anciens combattants de Gentioux, mais ce n’est que le 29 janvier 1922 que Jules Coutaud soumit aux conseillers municipaux trois maquettes.

Ces derniers adoptèrent le projet de Jean Duburgt, élu municipal et ébéniste, ainsi conçu : un obélisque tronqué en granit posé sur un socle avec trois marches, une statue en fonte bronzée représentant un enfant montrant de la main les cinquante-huit noms des morts, avec l’inscription « Maudite soit la guerre », le fronton orné de deux palmes avec une couronne de verdure, une fleur et l’inscription « Nos chers enfants ».

 

Sa réalisation fut confiée à Émile Eglizeaud, entrepreneur à Faux-la-Montagne, la statue étant sculptée par Jules Pollachi, de Limoges et fondue par Edmond Guichard, de Castelnaudary. L’enfant qui a posé, en sarrau (blouse boutonnée dans le dos), chaussé de sabots, une casquette à la main, serait de Gentioux. J. Duburgt expliqua ainsi son choix :

« Plutôt qu’un Poilu, j’ai voulu traduire un cri du cœur. J’ai donc dessiné un orphelin, en tenue d’écolier, montrant du doigt cette inscription gravée dans la pierre et qui était sur toutes les lèvres : Maudite soit la guerre ».

Au final, le poing fermé, image plus percutante, remplaça le doigt tendu. Le monument coûta 11.640,20 francs (subvention de l’État : 1.562,10 F ; souscription publique : 3.909 F ; participation communale : 6.169,10 F).

Ostracisé par les préfets

Si le monument ne suscita ni discussions ni polémiques parmi la population de Gentioux, il n’en fut pas de même en haut lieu. Le préfet de la Creuse, Georges-Jacques Le Beau, refusant de participer à l’inauguration. La municipalité et les habitants se passèrent de sa présence, sans que la cérémonie n'en souffre.

Mais pour certains, cet écolier, poing levé dans un geste de révolte, maudissant la guerre qui l’avait rendu orphelin, était un sacrilège : lorsque les troupes se rendaient au camp de la Courtine, elles devaient détourner la tête au lieu du salut traditionnel.Cérémonie pacifiste du 11-novembre 2018 au monument aux morts de Gentioux-Pigerolles (Creuse). Monument pacifiste, écolier orphelin, "maudite soit la guerre", symbole pacifiste. Libre pensée, internationalisme, antimilitarisme, antimilitaire, désarmement, trotskisme, gauchisme, contestation, contestataires. Paix, pace, drapeau arc-en-ciel. 11-11-1918, centenaire de l'Armistice de 1918. Photo Floris Bressy

Un ostracisme qui a la vie dure : la Libre-Pensée indique qu’en 1985, le préfet Pierre-Charles North, venu inaugurer la gendarmerie, se recueillit devant le monument avec les autorités militaires mais sans piquet d’honneur et qu’il s’opposa à la présence d’un détachement militaire, le 11 novembre. En 1989, un autre préfet, Alain Frouté, envisagea une inauguration officielle à condition que l’inscription « Maudite soit la guerre » soit remplacée par « Gloire aux enfants de Gentioux morts pour la France » ; bien sûr, le maire et le conseil municipal refusèrent.

Le même représentant de l’État, informé du projet de constitution du « Comité Laïque des Amis du Monument aux Morts de Gentioux », indiqua par lettre, en octobre 1989, que « la promotion de l’antimilitarisme était une cause illicite ».
Malgré cela, le Comité vit bien le jour en 1990 et veille sur l’héritage de Jules Coutaud, décédé en 1970. 

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