12 Avril 2024
Marché européen de l’électricité. Ce jeudi 11 avril, le Parlement européen vient de voter sa «non réforme» ; tout changer pour que rien ne change. Un vote terrible pour les factures d’électricité des français : abrogation des tarifs réglementés, généralisation de la privatisation de l’électricité, mais rien sur les superprofits des énergéticiens. Tout cela avec l’aval d’une partie de la gauche. Marie Toussaint, tête de liste des Écologistes aux élections européennes a voté pour ce texte aux côtés de la droite et Bellamy.
Raphaël Glucksmann, lui, a opté pour la politique de la chaise vide : il n’a pas daigné être présent pour ce vote crucial. Peut-être était-il trop occupé par le Pacte Asile immigration voté hier, que son groupe socialiste a largement co-écrit avec la droite du Parlement européen. Bardella a lui aussi fait la démonstration de son inutilité en s’abstenant. Le groupe GUE/NGL ( dont les elus de la France Insoumise) est le seul à avoir combattu ce projet de A à Z.
En février dernier, les factures d’électricité augmentaient de 10%, soit 45% de hausse ces deux dernières années : un choix politique sans aucune justification et décidé du seul fait d’Emmanuel Macron. Une hausse qui s’ajoute à celles organisées par la libéralisation du marché européen de l’électricité. Depuis la mise en place de ce mastodonte libéral, le tarif réglementé a plus que doublé, au détriment des ménages et des TPE/PME.
Le coût de production moyen d’un mégawattheure reste inférieur à 100 euros en France, tandis que les prix de marché ont dépassé les 1 000 euros à l’été 2022. Une multiplication par 10, pour satisfaire les injonctions de la commission européenne et la croyance folle dans le marché. Une situation qui va aller en s’aggravant avec la réforme votée aujourd’hui ; un renforcement des mécanismes de marché inefficaces plutôt qu’une meilleure régulation des tarifs et de la production. Et ce, avec l’aval d’une partie de la gauche française et européenne. Un naufrage idéologique et stratégique, dont les Français les plus précaires devront essuyer les frais.
En Europe ultralibérale à la main des lobbys, l’absurdité règne en maître. Le secteur de l’énergie ne fait pas exception. Avant 2007 et la mise en place du marché européen de l’électricité, le prix payé par les entreprises et les ménages prenait pour base le coût moyen de production. Ainsi, pas de superprofit pour ce bien essentiel à la vie collective. Et une visibilité à long terme : en dehors d’une innovation majeure, dont chacun pourrait avoir connaissance et donc prendre en compte pour ses frais à venir, le coût de production ne varie pas, et donc le prix non plus. Transparent, abordable, organisé et prévisible. Autant de qualités saccagées par les néolibéraux.
Désormais, les prix sont dictés par la dernière source d’énergie activée. Cela revient à prendre comme référence les centrales à gaz. Voir celles au fioul. Ubuesque.
Même les fanatiques les plus acharnés des dogmes du marché commencent à plier face à cette farce. La fumeuse Union de la libre concurrence électrique se change en incendie pour le pouvoir d’achat. La présidente de la Commission elle-même a finalement ouvert les yeux, reconnaissant, les « limites du fonctionnement actuel » de ce marché de l’électricité à la dérive. Depuis l’été 2022, le prix de l’électricité atteint des sommets, à plus de 1000 euros le mégawattheure. Alors que le prix de production moyen reste d’une stabilité à toute épreuve, en dessous de 100 euros en France.
Qui empoche la différence ? Les producteurs d’électricité d’une part. Et une engeance particulièrement funeste parmi tous les parasites créés par le capitalisme : les fournisseurs d’électricité. Ces entreprises n’apportent aucune utilité, aucune richesse, aucun service, à personne. Les outils de production de l’électricité existaient déjà avant que la dérégulation et la privatisation du secteur leur donne naissance en 2007. De même, le réseau électrique est un investissement public bien antérieur à cette ouverture à la concurrence et à cette loufoque invention du marché européen de l’électricité.
Inutiles mais très coûteux fournisseurs d’électricité. Le capitalisme néolibéral du 21ème se rapproche dans maints aspects du féodalisme et de son économie de péage. Le fournisseur n’a qu’une seule utilité, faire payer le passage par le réseau et enrichir des actionnaires. Comme le seigneur féodal faisait payer un droit de passage.
TotalÉnergies, à la fois producteur et fournisseur d’électricité a ainsi pu empocher des profits records et distribuer 18,4 milliards d’euros de bénéfices à ses actionnaires en 2023, un montant record.
Du fait de la volatilité des prix de l’électricité, les entreprises qui ont les moyens de se payer un service dédié à l’achat de l’électricité au meilleur tarif, donc les plus grandes, peuvent bénéficier de prix bas. Pendant ce temps, les boulangeries, les boucheries, occupées à produire des vrais choses, à travailler à quelque chose d’utile voir d’essentiel sont menacées de disparition.
En France, 12 millions de personnes vivent en situation de précarité énergétique. Les jeunes sont 80% à souffrir du froid dans leur logement. Les ménages modestes doivent choisir entre se chauffer et nourrir leur enfant. Le néolibéralisme révèle ainsi sa véritable nature : la liberté pour les puissants d’extorquer jusqu’à la dernière goutte les moyens de subsistance du peuple.
L’échec du marché européen de l’électricité est démontré, études après études. Ce ne sont pas des aménagements technocratiques à la marge auquel il faut procéder mais bien une rupture. L’énergie n’est pas une marchandise. C’est un bien commun.
Le tarif réglementé doit être rétabli pour tous les ménages et les opérateurs qui le souhaitent (PME, collectivités locales…). Le prix doit être de nouveau basé sur les seuls coûts réels de production. Libérer des surcoûts et des aléas du marché, de la spéculation, permet d’annuler l’immense majorité des hausses de prix de l’électricité depuis 2022.
Sortir du marché n’implique aucunement de se couper de quelques échanges que ce soit avec nos voisins. Les câbles électriques existent. Il ne s’agit pas de les arracher. Il s’agit juste de reprendre le contrôle démocratique et public sur ces échanges. Et non pas laisser une institution construite pour les intérêts des multinationales déterminer le prix et les échanges de ce bien tellement essentiel pour le monde d’aujourd’hui. Et encore plus du monde à venir.