LE RAPPORT DE LA COUR DES COMPTES :
Bonjour à toutes et à tous,
Intervention de Sophie Binet sur le rapport de la Cour des Comptes sur les retraites
Bonjour à toutes et à tous,
La CGT avait déjà un stock de revendications très fourni. J'en ajoute une ce matin, celle d'avoir une carte de presse, ce qui nous aurait permis d'avoir ce rapport véritablement en exclusivité, comme vous nous l’aviez promis. Je tiens à remercier les journalistes qui nous l'ont transmis hier soir, ce qui nous a permis de l'étudier.
Merci pour ce rapport qui permet de rétablir une vérité et une évidence. Il n'y a pas de déficit caché de nos régimes de retraite. C'est rassurant, la France ne bascule pas dans le nouveau monde de post-vérité que l’extrême droite veut nous imposer.
Ce rapport acte aussi qu'il n'y a pas de traitement de faveur des fonctionnaires. C'est important de le dire et de le redire : votre rapport confirme que toutes choses égales par ailleurs, les fonctionnaires ont un régime moins favorable que celui des salariés du privé et qu'il n'y a pas de surcoût du régime des fonctionnaires.
Votre rapport confirme également que la réforme violente de 2023 n'a pas résolu le problème de financement de nos régimes, contrairement à ce que le gouvernement prétendait en 2023.
Votre rapport confirme que depuis 1993, il y a eu une longue série de réformes qui ont conduit à ce que l'âge de départ en retraite soit repoussé plus rapidement que les gains d'espérance de vie, et donc que la durée passée en retraite baisse. Ce rapport confirme donc notre détermination à obtenir l'abrogation de cette réforme et au-delà le retour de la retraite à 60 ans. Par contre, ce n’est pas à la Cour des comptes que je vais apprendre que l'auto-évaluation manque en général d’objectivité ! Donc, M. le Premier Vice-président, je me permettrai d’apporter de sérieux bémols à votre auto-évaluation dans laquelle vous nous expliquez que le rapport est sans parti pris.
D’abord, vous faites le choix de présenter les hypothèses de déficit en milliards au lieu de les présenter en points de PIB. C'est quand même beaucoup plus parlant de présenter les choses en pourcentage de PIB. Et ça permet surtout de dédramatiser les choses comme l'a toujours fait le COR et de mettre en avant, ce que vous relevez dans une note de bas de page, à savoir que le financement de nos systèmes de retraite est stable dans le PIB malgré les enjeux démographiques. Cela montre bien que les efforts sont exclusivement portés par les salariés.
Il faut ensuite clarifier un point essentiel : nos discussions ne visent pas à travailler des propositions pour le retour à l’équilibre global, elles visent à financer l’abrogation de la réforme des retraites.
Nous sommes très étonnés que vous fassiez le choix de chiffrer uniquement le retour à 63 ans au lieu de chiffrer les 62 ans. Nous vous l’avions pourtant demandé à plusieurs reprises, lorsque nous vous avons rencontré, quand nous avons rencontré vos équipes, puis par écrit. Pourquoi est-ce que le chiffrage du retour à 62 ans ne figure pas dans le rapport ? Evacuer d’entrée de jeu l’exigence portée par la mobilisation de millions de salariés à laquelle ces concertations doivent justement répondre, c’est quand même un sacré parti pris.
Troisième chose, votre rapport, dans sa présentation, évacue immédiatement l'augmentation du taux de cotisation en expliquant que l’augmenter d’1 point supprimerait 57 000 emplois. Alors j'avoue que j'ai découvert ce chiffre, issu visiblement des calculs du Trésor et de Bercy. Les prévisions macro-économiques du Trésor, la Cour des comptes est pourtant bien placée pour savoir à quel point elles sont politiques et à quel point il faut les interroger. Elles sont visiblement établies sur la base d’une augmentation immédiate d'un point de taux de cotisation en un an, ce que personne ne propose et qui ne serait d’ailleurs pas nécessaire. Les augmentations que nous proposons, sont lissées sur 10 ans qui permettent que cela soit tout à fait soutenable.
Par ailleurs, autant vous savez visiblement chiffrer l'impact sur l'emploi de la hausse du taux de cotisation en nous donnant ce chiffre totalement farfelu de 57 000 emplois supprimés, autant, par contre, vous nous dites que vous ne savez pas chiffrer l'effet récessif de la désindexation des pensions sur l'économie.
Cette asymétrie est quand même très troublante. Ce d’autant plus que votre rapport montre très justement le fort décrochage du niveau de vie à venir des retraités par rapport aux actifs. Les retraités ne sont pas riches, leurs pensions s’élèvent en moyenne à 1600€ par mois, avec de très fortes disparités, notamment en défaveur des femmes. Ils et elles ne placent pas leur argent dans des paradis fiscaux, ils l’utilisent pour vivre, avoir des loisirs et partir en vacances. Faire perdre du pouvoir d'achat aux retraités, ça a un impact en matière de justice sociale, mais ça a aussi un impact récessif sur l'économie, qu'il serait juste à minima de chiffrer dès lors que vous chiffrez l'impact de l'augmentation du taux de cotisation.
Je voulais finir sur deux alertes que la CGT martèle maintenant depuis un mois. Notre patience va donc avoir des limites. La première chose, c'est sur le périmètre. Malheureusement, le gouvernement n'a pas cru bon de venir ici aujourd'hui. Je vous transmets donc cette alerte, M. Marette pour que vous puissiez une fois encore la remonter au gouvernement. Le périmètre des discussions ne va pas. Cela n’est pas possible que le gouvernement choisisse ses interlocuteurs et qu'on soit ici dans un périmètre qui n'a aucun rationnel. Pour nous, la question des retraites est une question qui concerne toutes et tous, c'est donc important que les 8 organisations syndicales soient autour de la table comme l’ensemble des organisations patronales. A défaut, il faut rester sur les règles de représentativité telles qu'elles sont établies. Le gouvernement ne peut pas choisir ses interlocuteurs.
Encore une fois, dans le moment de basculement que nous vivons, alors que nous ne savons pas qui peut arriver au pouvoir demain, nous sommes très attachés à ce qu'on n'installe pas des fonctionnements à géométrie variable en fonction de l'intérêt que l'on peut avoir de mettre tel ou tel autour de la table. C'est une alerte vraiment sérieuse de notre part. Et j'avoue être très étonnée qu'alors que le gouvernement nous dit qu'il souhaite relancer le dialogue social, il n'entende pas cette alerte répétée des organisations syndicales depuis un mois.
Deuxième alerte en direction du patronat. Nous sommes ici pour parler du renforcement de notre système par répartition, pas de la substitution ou du complément du système par répartition par un système par capitalisation. La capitalisation, ça n'est évidemment pas une solution financière, puisque d'ailleurs, le rapport de la Cour des comptes le relève, les retraites par capitalisation, c'est un surcoût pour les finances publiques autour de 2 milliards du fait de toutes les mesures de défiscalisation que nous voulons d'ailleurs supprimer.
Et puis un système par capitalisation, exige aussi un financement à travers des cotisations soit des salariés, soit du patronat. Donc de toutes les manières, il faut le payer et nous remercions la CPME de généreusement nous proposer de travailler 3 jours gratuitement pour pouvoir en plus spéculer avec l'argent de nos retraites. Pour la CGT, c'est une ligne rouge, nous n'accepterons pas de confier notre système de retraite à la finance et de vous laisser jouer au poker avec nos droits.
Nous avons malheureusement des dizaines d’exemples de pays confrontés à l’effondrement des pensions des retraités suite à la faillite des fonds de pension. La France a fait face à toutes les crises, de la crise financière de 2009 à la crise sanitaire de 2020, grâce à la solidité de son système par répartition.
Ce dont nous souhaitons parler, c'est de nouvelles ressources financières pour consolider notre régime par répartition. Nous avons des propositions, par exemple, en matière d'égalité femmes- hommes, sujet évacué en 3 lignes dans le rapport. Si on réalisait l'égalité salariale, il y aurait un gain de recette majeure, pour notre régime de retraite. Si on soumettait à cotisation l'épargne-retraite, l'intéressement et la participation, ça serait aussi un gain financier important. Et je ne parle pas du gain considérable que nous pourrions tirer de la mise à contribution des dividendes et des revenus financiers.
Voilà le type de discussion que nous voulons avoir pour garantir la pérennité de notre système par répartition et surtout pour abroger cette réforme injuste et violente que des millions de travailleuses et de travailleurs ont combattu dans la rue pendant plus de 6 mois.