21 Juillet 2023
Le groupe la Gauche s’est opposé à la réforme du marché de l’électricité voté le 18 juillet par la commission de l’énergie du Parlement européen. Pour ses députés, un autre modèle est possible, celui de la gestion de l’électricité, de la production à la revente, par les pouvoirs publics.
L’annonce par le gouvernement français d’ une nouvelle hausse de 10 % du prix de l’électricité dès le 1er août, est venue donner un regain d’intérêt au vote par la commission du Parlement européen sur le projet de réforme du marché de l’électricité, dans un contexte où le prix de l’électricité aura augmenté de plus de 30 % en deux ans.
La nouvelle réforme, établie sur la base globale des préconisations de la Commission européenne, va-t-elle mettre fin à l’escalade des prix, ou au moins en atténuer les fluctuations erratiques ? Pas du tout, répondent les députés de la Gauche qui estiment que les prix continueront à fluctuer et à rester à des niveaux élevés.
« La réforme va, de fait, valider la fin des tarifs réglementés et privatiser une partie de l’électricité la moins chère pour les grands groupes, ce qui va restreindre toute marge de manœuvre des États pour planifier ce secteur hyperstratégique, menaçant la survie de milliers de petites entreprises.
C’est une façon de dire à toutes celles qui ont déjà fermé depuis le début de la crise énergétique, on ne vous a pas entendues, votre situation ne nous intéresse pas, et on accentue la libéralisation du secteur, avec toujours plus d’acteurs privés au détriment d’une planification qui correspondrait aux besoins », réagit Marina Mesure, la députée européenne rapporteure de la Gauche, qui siège à la commission de l’énergie.
Le dogme de l’indexation du prix de l'électricité sur celui du gaz !
Pour elle, cette réforme est le terreau d’une nouvelle vague de délocalisations et de faillites à l’heure où les États-Unis proposent de leur côté de subventionner les entreprises européennes qui s’installent chez eux. Et rien ne changera non plus dans la réforme votée mardi par la commission du Parlement européen concernant l’indexation du prix de l’électricité sur celui du gaz. Un principe d’autant plus incompréhensible dans un pays comme la France qui, en temps normal, produit une grande quantité d’électricité nucléaire, ce qui devrait la mettre à l’abri des conséquences d’une crise des importations de gaz, comme celle qui résulte de la guerre en Ukraine.
« Même Ursula von der Leyen qui n’a rien d’une femme de gauche, avait proposé une réforme en profondeur de ce système, mais ça n’a même pas franchi la seconde réunion de négociation. Personne ne veut remettre en cause le système. On ne sort pas du cercle qui nous permettrait d’avoir un prix de l’électricité plus abordable », explique Marina Mesure.
ENGIE, le groupe industriel énergétique français, prévoit d’ailleurs que les prix du gaz resteront au moins deux fois supérieurs aux prix d’avant la crise, au minimum jusqu’en 2027, il ne faut donc pas s’attendre à une diminution du prix de l’électricité d’ici là.
Énergies renouvelables en berne ?
Pour justifier la réforme de l’organisation du marché de l’électricité de l’UE, la Commission européenne a avancé l’argument que cette réforme permettrait d’accélérer le développement des énergies renouvelables et de réduire la dépendance des factures des consommateurs par rapport à la volatilité des prix des combustibles fossiles, comme celle du gaz aujourd’hui.
Les députés de la Gauche ne voient pourtant pas dans le texte finalement adopté, ce qui permettrait d’aboutir à un développement des énergies renouvelables. « En cas de désorganisation du marché, ce sont vers les énergies fossiles que l’on se retourne. Les usines à gaz vont aussi être sollicitées pour combler les besoins lors des périodes d’intermittence des sources renouvelables comme le soleil ou le vent », fait remarquer Marina Mesure. Elle rappelle que les énergies renouvelables nécessitent le développement du stockage, ce que seul un État planificateur peut assurer. « Tout cela a été balayé d’un revers de main dans les discussions », témoigne-t-elle.
La puissance publique comme solution ?
Confier la gestion de la production et de la distribution de l’électricité à la puissance publique est pourtant, pour la Gauche, le seul moyen de sortir des impasses actuelles liées à la libéralisation accélérée du marché que renforce encore la réforme européenne.
À noter que si le groupe des Verts a donné son accord à la réforme, les députés Verts français n’étaient pas présents mardi matin à la Commission au moment du vote.
Cerise sur le gâteau : la même commission de l’énergie ayant voté le texte qui va désormais servir de base aux négociations entre les États, la Commission et les députés, a refusé par un vote qu’il soit débattu en assemblée plénière au Parlement européen. Une réforme qui concerne absolument tous les acteurs économiques et les citoyens, a fortiori dans une situation de crise et au moment où les prix de l’électricité flambent, sera donc exclue du débat démocratique.