22 Août 2023
Alors que le gouvernement se satisfait de la très légère baisse du nombre de demandeurs d’emploi, la CGT pointe des sanctions en hausse pour les chômeurs.
Par Cécile Rousseau
La CGT pointe la « nette augmentation des radiations » : + 6,8 % pour un an et + 3,6 % sur le trimestre, soit 54 700 radiés durant les trois derniers mois
Des statistiques prétendument au beau fixe. Mercredi 26 juillet, la parution des chiffres du chômage pour le deuxième trimestre a fait état d’un nombre d’inscrits en catégorie A (sans activité) en très légère baisse – 0,2 % par rapport au premier semestre, soit 4 900 personnes en moins –, portant leur nombre à 3,011 millions.
En incluant ceux ayant une activité réduite (catégories B et C), le nombre de demandeurs d’emploi est en chute de 0,5 % au deuxième trimestre (– 26 100) et s’établit à 5,343 millions, selon la Direction des statistiques du ministère du Travail. Sur un an, la baisse est de 1,9 %.
Le nombre de personnes travaillant moins de 78 heures par mois grimpe de 7,7 % sur un an
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a aussitôt salué sur Twitter une « bonne nouvelle vers le plein-emploi ». Ces belles paroles gouvernementales ne suffisent pas à occulter la précarisation croissante du marché du travail. En catégorie B, regroupant les personnes travaillant moins de 78 heures par mois, le nombre d’inscrits grimpe de 7,7 % sur un an, avec notamment une flambée de 26,5 % des contrats de moins de 20 heures par mois.
De son côté, la CGT pointe surtout la « nette augmentation des radiations » : + 6,8 % pour un an et + 3,6 % sur le trimestre, soit 54 700 radiés durant les trois derniers mois. « La politique de sanctions semble donc être la principale cause de cette “amélioration” : une sortie sur dix est désormais due à une radiation, tout sauf une reprise d’emploi. » Effectivement, les statistiques font état d’un recul des sorties pour reprise d’emploi de 3,3 % sur le trimestre et de 14,5 % sur l’année.
Pierre Garnodier, secrétaire général de la CGT chômeurs, explique recevoir de très nombreux témoignages de privés d’emploi ainsi exclus. « Si une personne refuse d’aller aux formations “toutes les clés pour mon emploi durable” ou “AccelèR’emploi”, délivrées par des opérateurs privés de Pôle emploi, elle est radiée. Ce qui est illégal. Ce phénomène est massif. Depuis la fin du premier confinement et le lancement de ces nouvelles prestations, on observe une recrudescence des radiations. »
Sur le front du chômage de longue durée, alors que le problème est structurel, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits depuis un an ou plus à Pôle emploi diminue de 1 %, et même de 8,6 % sur un an. Pour Pierre Garnodier, cela pourrait aussi s’expliquer par le plan du gouvernement pour « remobiliser » les demandeurs d’emploi de longue durée, consistant à les contraindre à assister à des prestations et à se former sur les métiers en tension. Sous peine d’être radiés. « Une chômeuse a ainsi été convoquée pour une de ces séances de formation. 80 % des gens étaient des aidants… »
Pour atteindre son objectif de plein-emploi – au sens du Bureau international du travail, un taux de chômage autour de 5 % en 2027 (contre 7,1 % actuellement) –, l’exécutif mise notamment sur la transformation de Pôle emploi en France Travail, avec des sanctions renforcées pour les allocataires du RSA, et sur la négociation d’une nouvelle convention de l’assurance-chômage d’ici à la fin de l’année. De quoi redouter de nouvelles exclusions massives des chômeurs des statistiques.
Désintox. Bonne nouvelle en apparence, la décrue des chiffres du chômage marque en réalité une explosion de l’emploi précaire et des radiations.
Voilà de quoi ravir le gouvernement et son obsession du plein-emploi. Selon la Dares, 6 134 100 personnes étaient inscrites à Pôle emploi au quatrième trimestre 2022, chiffre au plus bas depuis 2014. « Le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité baisse de 112 000 personnes au T4 2022. Le plein-emploi, c’est aussi le bon emploi. Nous poursuivons notre mobilisation », s’est réjoui le ministre du Travail, Olivier Dussopt, sur Twitter. Pourtant, à y regarder de plus près, les statistiques peinent à confirmer cette bonne nouvelle.
Les données de la Dares montrent avant tout que la large baisse du nombre des chômeurs de la catégorie A (n’ayant pas du tout travaillé durant le mois) est compensée par un impressionnant bond des inscrits en catégorie B (moins de 78 heures dans le mois). Avec 2 834 000 privés d’emploi dans cette première catégorie au quatrième trimestre 2022, le nombre d’inscrits a ainsi diminué de 3,8 % en un trimestre, et de 9,4 % en un an.
Le nombre de chômeurs en catégorie B, occupant des emplois très précaires, a lui explosé : il a augmenté de 8,8 % en un an, et de plus de 30 % si l’on se concentre exclusivement sur les personnes ayant travaillé entre 1 et 20 heures dans le mois.
Un transfert qui pourrait être en partie expliqué par un bug informatique, explique la CGT : lors de la réactualisation de leurs droits, certains chômeurs ont été forcés de déclarer 1 heure travaillée au minimum, même sans activité. Mais pas que. « Il y a une vraie volonté de Pôle emploi de servir la soupe du gouvernement. Par exemple, de nombreuses personnes ont été désinscrites car en arrêt maladie, alors qu’elles auraient pu être transférées dans la catégorie D », explique Pierre Garnodier, du comité CGT chômeurs et précaires.
Si le gouvernement se targue de la baisse du taux de chômage, les personnes ayant quitté les statistiques pour cause de reprise d’un emploi déclaré sont de moins en moins nombreuses : leur nombre a chuté de 30,1 % entre le quatrième trimestre 2021 et le dernier trimestre 2022. « Aujourd’hui, ce n’est pas parce qu’on sort de Pôle emploi qu’on retrouve un boulot. La majorité des sorties s’explique parce que les gens ne peuvent pas recharger leurs droits et se retrouvent au RSA », fustige Pierre Garnodier.
Selon lui, la nouvelle réforme de l’assurance-chômage, qui entre en vigueur le 1er février, alourdira encore la tendance. En raccourcissant la durée d’indemnisation de 25 %, nombreux seront les privés d’emploi à disparaître des statistiques sans reprendre une activité.
Selon l’institut statistique, enfin, 52 900 personnes ont été tout bonnement radiées des listes de Pôle emploi. Bien plus qu’un seul accroissement du nombre de radiations (+ 2,3 % par rapport au trimestre précédent et + 16,5 % par rapport au dernier trimestre 2019), il s’agit tout simplement d’un record depuis la naissance de ces statistiques en 1996. Une « volonté » politique, pour Pierre Garnodier. « On peut être radié dès lors qu’on rate un appel téléphonique, c’est considéré comme une absence à un entretien », explique-t-il.